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Une terre barbare

Publié le 20/06/2012

Extrait du document

 

En 8 après J.-C., pour d'obscures raisons de morale ou de politique,

Ovide fut exilé sans retour par Auguste à Tomes, sur le

Pont-Euxin, pays des rudes Gètes et Sarmates. Rien n'avait préparé

à cette épreuve le poète léger des Amours et de L'Art d'Aimer,

l'érudit raffiné des Fastes et des Métamorphoses. Mais, s'il se

plaint des dangers d'un pays exposé aux coups de main des Barbares,

et des rigueurs du climat, Ovide, naturellement sociable.

souffre plus encore d'un isolement moral presque absolu au

milieu de populations entièrement étrangères aux valeurs spirituelles

gréco-latines : les élégies qu'il envoie à l'empereur, à sa

femme, à ses amis, sous forme de lettres, traduisent avec sincérité

sa nostalgie et sa détresse.

« UNE TERRE BARBARE La voix est sauvage, le visage farouche, portrait vivant de Mars.

Nulle main n'a coupé leurs cheveux ni leur barbe.

Leur bras est prompt à blesser en enfonçant le couteau que tout Barbare porte attaché au côté.

C'est parmi eux qu'il vit maintenant, hélas! ton poète, oublieux des badinages amoureux.

[ ...

] L'étude occupe mon esprit et trompe mes douleurs.

J'essaye aussi de donner la parole à mes chagrins.

Que faire de mieux, seul sur un rivage désert, ou quel autre remède tenter de chercher à mes maux? Si je regarde le pays, c'est un pays déplaisant et il n'en peut être de plus triste au monde.

Si je regarde les hommes, ce sont des hommes à peine dignes de ce nom, plus sauvages et plus féroces que les loups.

Ils ne craignent pas les lois, mais la jus­ tice cède à la force, et le glaive des combats terrasse le droit vaincu.

Des fourrures et de larges braies les protègent des froids redoutables et de longs cheveux couvrent leur visage effrayant Peu ont conservé quelques vestiges de la langue grecque; encore sont-ils rendus barbares par l'accent gétique.

Il n'est personne parmi ce peuple qui puisse peut-être dire en latin les mots les plus simples.

Moi-même, poète romain- pardonnez-moi, Muses! -je suis très souvent contraint de parler sarmate.

J'ai honte et je l'avoue, par l'effet d'une longue désuétude, j'ai désormais moi-même peine à trouver les mots latins.

Je ne doute pas qu'il y ait même dans ce livre beaucoup d'expressions barbares : ce n'est pas la faute de l'homme, mais du lieu.

Cependant, pour ne pas perdre l'habitude de la langue ausonienne 1 et pour que ma bouche ne reste pas muette aux sons de la patrie, je me parle à moi-mème, je reprends des mots dont j'ai perdu l'usage et je rejoins les funestes enseignes 2 de mes études.

C'est ainsi que j'occupe mon esprit et mon temps, c'est ainsi que je me sous­ trais et m'arrache à la contemplation de mon malheur.

Je cherche dans la poésie l'oubli de mes misères.

Si cet exercice me donne cette récompense, je suis satisfait 1 L' Ausonie = l'Italie.

OVIDE, Tristes.

V, 7, trad.

Jacques André, Éd.

Les Belles Lettres.

2 Locution militaire, s'appliquant aux trainards, aux déserteurs.. »

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