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Vercors - Le silence de la mer, «Ce jour-là»

Publié le 03/03/2011

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   Ce texte est extrait d'une courte nouvelle de Vercors, intitulée « Ce jour-là «. La scène se passe pendant l'occupation. Un petit garçon est sorti avec son père. Chaque fois que le père s'éloigne, la mère met un pot de géranium à la fenêtre. Cette fois, lorsqu'ils rentrent, le pot de fleurs a disparu : la mère a été arrêtée. Le père conduit alors l'enfant chez une voisine, pour qu'il y soit en sécurité.    Alors papa dit : «Viens«, et au lieu de descendre ils retournèrent sur leurs pas, en marchant très vite. « Où est-ce qu'on va, papa? Où est-ce qu'on va?« disait le petit garçon, et il avait mal au cœur comme le jour de la purée de marrons. 5 — Chez madame Bufferand «, dit papa. Il avait une drôle de voix, une voix comme celle du facteur le jour où une auto l'avait poussé et qu'il était tombé de bicyclette. « Elle est très gentille, dit papa, tu la connais, tu coucheras chez elle. «    Le petit garçon aurait bien voulu demander pourquoi, 10 mais papa lui serrait la main trop fort, il n'arrivait pas à le demander. Était-ce à cause de ça, il avait de plus en plus mal au cœur. Tellement qu'il aurait voulu se coucher par terre, comme le jour de la purée de marrons, mais papa lui serrait la main tellement fort, et pourtant on allait trop vite, et 15 maintenant il avait mal au cœur pas seulement au cœur, mais mal au cœur partout, au ventre, dans les jambes, si ce n'était pas bête de dire qu'on a mal au cœur dans les jambes.    Quand madame Bufferand, qui était très vieille et toute ridée, les vit tous les deux, elle croisa ses mains sur la poitrine 20 et dit : «Mon Dieu!... «    Papa dit : « Oui, voilà «, et ils entrèrent. Et alors quand ils furent dans le petit salon qui sentait la cannelle le petit garçon ne résista plus et il se coucha sur le tapis.    Il n'entendit plus très bien ce qu'on disait. Il faisait trop 25 noir pour pouvoir écouter. Madame Bufferand parlait, parlait, d'une petite voix cassée, il l'entendait comme dans un rêve.    Papa souleva le petit garçon et le porta sur un lit. Il lui caressa les cheveux, longtemps, et il l'embrassa très fort et 30 longtemps, plus fort et plus longtemps que le soir d'habitude. Et puis madame Bufferand lui donna une valise, et il embrassa madame Bufferand, et il sortit. Et madame Bufferand vint s'occuper du petit garçon, elle lui mit un mouchoir mouillé sur la tête, elle lui prépara de la camomille.    35 II vit bien qu'elle pleurait, elle essuyait ses larmes au fur et à mesure, mais ça se voyait quand même.    Le silence de la mer, «Ce jour-là«, Éd. Albin Michel

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