Voltaire Candide, ch. 3
Publié le 03/03/2011
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Chassé du paradis terrestre, le château du baron de Thunder-ten-tronkh, le jeune Candide erre dans la campagne, épuisé de froid et de faim. Il est alors la proie de recruteurs, et, une fois l'apprentissage des armes terminé, il participe à la guerre des Abares contre les Bulgares. Rien n'était si beau, si leste, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près 5 six mille hommes de chaque côté; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix milles coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. 10 Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de 15 morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là, des 20 filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupées. 25 Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares et les héros abares l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants, ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans 30 son bissac, et n'oubliant jamais mademoiselle Cunégonde.
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