« Voyez, Milord, dit-il d'un air sombre, voici une femme qui était sous ma garde et qui s'est tuée !
Publié le 04/11/2013
Extrait du document
«
CHAPITRE
LVIII
ÉVASION Comme
l’avaitpenséLorddeWinter, lablessure deMilady n’étaitpasdangereuse ; aussidèsqu’elle se
trouva seuleaveclafemme quelebaron avaitfaitappeler etqui sehâtait deladéshabiller, rouvrit-ellelesyeux.
Cependant, ilfallait jouerlafaiblesse etladouleur ; cen’étaient paschoses difficiles pourunecomédienne
comme Milady ; aussilapauvre femme fut-elle sicomplètement dupedesaprisonnière, que,malgré ses
instances, elles’obstina àla veiller toutelanuit.
Mais laprésence decette femme n’empêchait pasMilady desonger.
Il n’y avait plusdedoute, Felton étaitconvaincu, Feltonétaitàelle : unange apparût-il aujeune homme pour
accuser Milady, ille prendrait certainement, dansladisposition d’espritoùilse trouvait, pourunenvoyé du
démon.
Milady souriait àcette pensée, carFelton, c’étaitdésormais saseule espérance, sonseul moyen desalut.
Mais LorddeWinter pouvait l’avoirsoupçonné, maisFelton maintenant pouvaitêtresurveillé lui-même.
Vers lesquatre heures dumatin, lemédecin arriva ;maisdepuis letemps oùMilady s’étaitfrappée, la
blessure s’étaitdéjàrefermée : lemédecin neput donc enmesurer niladirection, nilaprofondeur ; ilreconnut
seulement aupouls delamalade quelecas n’était pointgrave.
Le matin, Milady, sousprétexte qu’ellen’avait pasdormi delanuit etqu’elle avaitbesoin derepos, renvoya la
femme quiveillait prèsd’elle.
Elle avait uneespérance, c’estqueFelton arriverait àl’heure dudéjeuner, maisFelton nevint pas.
Ses craintes s’étaient-elles réalisées ?Felton,soupçonné parlebaron, allait-il luimanquer aumoment
décisif ? Ellen’avait plusqu’un jour :LorddeWinter luiavait annoncé sonembarquement pourle23 etl’on
était arrivé aumatin du22.
Néanmoins, elleattendit encoreassezpatiemment jusqu’àl’heuredudîner.
Quoiqu’elle n’eûtpasmangé lematin, ledîner futapporté àl’heure habituelle ; Miladys’aperçut alorsavec
effroi quel’uniforme dessoldats quilagardaient étaitchangé.
Alors ellesehasarda àdemander cequ’était devenuFelton.Onluirépondit queFelton étaitmonté àcheval il
y avait uneheure, etétait parti.
Elle s’informa sile baron étaittoujours auchâteau ; lesoldat répondit queoui, etqu’il avait ordre dele
prévenir sila prisonnière désiraitluiparler.
Milady répondit qu’elleétaittropfaible pourlemoment, etque sonseul désir étaitdedemeurer seule.
Le soldat sortit,laissant ledîner servi.
Felton étaitécarté, lessoldats demarine étaientchangés, onsedéfiait doncdeFelton.
C’était ledernier coupporté àla prisonnière.
Restée seule,elleseleva ; celitoù elle setenait parprudence etpour qu’on lacrût gravement blessée,la
brûlait comme unbrasier ardent.
Ellejetauncoup d’œil surlaporte : lebaron avaitfaitclouer uneplanche sur
le guichet ; ilcraignait sansdoute que,parcette ouverture, elleneparvint encore, parquelque moyen
diabolique, àséduire lesgardes.
Milady souritdejoie ; ellepouvait doncselivrer àses transports sansêtreobservée : elleparcourait la
chambre avecl’exaltation d’unefollefurieuse oud’une tigresse enfermée dansunecage defer.
Certes, sile
couteau luifût resté, elleeûtsongé, nonplus àse tuer elle-même, mais,cettefois,àtuer lebaron.
À six heures, LorddeWinter entra ;ilétait armé jusqu’aux dents.Cethomme, danslequel, jusque-là, Milady
n’avait vuqu’un gentleman assezniais, étaitdevenu unadmirable geôlier :ilsemblait toutprévoir, toutdeviner,
tout prévenir.
Un seul regard jetésurMilady luiapprit cequi sepassait danssonâme.
« Soit, dit-il,maisvousneme tuerez pointencore aujourd’hui ; vousn’avez plusd’armes, etd’ailleurs jesuis
sur mes gardes.
Vousaviez commencé àpervertir monpauvre Felton : ilsubissait déjàvotre infernale influence,
mais jeveux lesauver, ilne vous verra plus,toutestfini.
Rassemblez voshardes, demain vouspartirez.
J’avais
fixé l’embarquement au24, mais j’aipensé queplus lachose seraitrapprochée, pluselleserait sûre.Demain à.
»
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- DESHOULIERES, Antoinette du Ligier de La Garde, Mme (1637-1694) Femme de lettres, elle est l'auteur de poésies pastorales.
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