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XIX Il n'y a qu'un seul moyen de rendre la philosophie vraiment recommandable aux yeux du vulgaire 62 ; c'est de la lui montrer accompagnée de l'utilité.

Publié le 29/06/2013

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XIX Il n'y a qu'un seul moyen de rendre la philosophie vraiment recommandable aux yeux du vulgaire 62 ; c'est de la lui montrer accompagnée de l'utilité. Le vulgaire demande toujours, à quoi cela sert-il ? et il ne faut jamais se trouver dans le cas de lui répondre, à rien : il ne sait pas que ce qui éclaire le Philosophe et ce qui sert au vulgaire sont deux choses fort différentes, puisque l'entendement du Philosophe est souvent éclairé par ce qui nuit, et obscurci par ce qui sert 63. XX Les faits, de quelque nature qu'ils soient, sont la véritable richesse du Philosophe 64 . Mais un des préjugés de la philosophie rationnelle, c'est que celui qui ne saura pas nombrer ses écus ne sera guère plus riche que celui qui n'aura qu'un écu. La philosophie rationnelle s'occupe malheureusement beaucoup plus à rapprocher et à lier les faits qu'elle possède, qu'à en recueillir de nouveaux. XXI Recueillir et lier les faits, ce sont deux occupations bien pénibles ; aussi les Philosophes les ont-ils partagées entre eux. Les uns passent leur vie à rassembler des matériaux, manoeuvres utiles et laborieux ; les autres, orgueilleux architectes, s'empressent à les mettre en oeuvre. Mais le temps a renversé jusqu'aujourd'hui presque tous les édifices de la philosophie rationnelle. Le manoeuvre poudreux apporte tôt ou tard, des souterrains où il creuse en aveugle, le morceau fatal à cette architecture élevée à force de tête ; elle s'écroule, et il ne reste que des matériaux confondus pêle-mêle, jusqu'à ce qu'un autre génie téméraire en entreprenne une combinaison nouvelle 65. Heureux le Philosophe systématique à qui la Nature aura donné, comme autrefois à Épicure, à Lucrèce, à Aristote, à Platon, une imagination forte, une grande éloquence, l'art de présenter ses idées sous des images frappantes et sublimes ! l'édifice qu'il a construit pourra tomber un jour ; mais sa statue restera debout au milieu des ruines ; et la pierre qui se détachera de la montagne ne la brisera point, parce que les pieds n'en sont pas d'argile. XXII L'entendement a ses préjugés ; le sens, son incertitude ; la mémoire, ses limites ; l'imagination, ses lueurs ; les instruments, leur imperfection. Les phénomènes sont infinis ; les causes cachées ; les formes peut-être transitoires 66. Nous n'avons contre tant d'obstacles que nous trouvons en nous, et que la Nature nous oppose au-dehors, qu'une expérience lente, qu'une réflexion bornée. Voilà les Leviers avec lesquels la philosophie s'est proposé de remuer le Monde. XXIII Nous avons distingué deux sortes de philosophies, l'expérimentale 67 et la rationnelle. L'une a les yeux bandés, marche toujours en tâtonnant, saisit tout ce qui lui tombe sous les mains et rencontre à la fin des choses précieuses. L'autre recueille ces matières précieuses, et tâche de s'en former un flambeau : mais ce flambeau prétendu lui a jusqu'à présent moins servi que le tâtonnement à sa rivale ; et cela devait être. L'expérience multiplie ses mouvements à l'infini ; elle est sans cesse en action ; elle met à chercher des phénomènes tout le temps que la raison emploie à chercher des analogies. La philosophie expérimentale ne sait ni ce qui lui viendra, ni ce qui ne lui viendra pas de son travail ; mais elle travaille sans relâche. Au contraire, la philosophie rationnelle pèse les possibilités, prononce et s'arrête tout court. Elle dit hardiment, on ne peut décomposer la lumière : la philosophie expérimentale l'écoute, et se tait devant elle pendant des siècles entiers ; puis tout à coup elle montre le prisme, et dit, la lumière se décompose 68. XXIV ESQUISSE DE LA PHYSIQUE EXPÉRIMENTALE 69 La physique expérimentale s'occupe en général de l' Existence, des Qualités, et de l' Emploi. L'EXISTENCE embrasse l'histoire, la description, la génération, la conservation et la destruction. L'histoire est des lieux, de l'importation, de l'exportation, du prix, des préjugés, etc. La description, de l'intérieur et de l'extérieur, par toutes les qualités sensibles. La génération, prise depuis la première origine jusqu'à l'état de perfection. La conservation, de tous les moyens de fixer dans cet état. La destruction, prise depuis l'état de perfection jusqu'au dernier degré connu de décomposition ou de dépérissement ; de dissolution ou de résolution. Les QUALITÉS sont générales ou particulières. J'appelle générales, celles qui sont communes à tous les êtres, et qui n'y varient que par la quantité. J'appelle particulières, celles qui constituent l'être tel ; ces dernières sont ou de la substance en masse, ou de la substance divisée ou décomposée. L'EMPLOI s'étend à la comparaison, à l'application et à la combinaison. La comparaison se fait ou par les ressemblances, ou par les différences. L'application doit être la plus étendue et la plus variée qu'il est possible. La combinaison est analogue ou bizarre 70.
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« Platon, une imagination forte, une grande éloquence, l'art de présenter ses idées sous des images frappantes et sublimes ! l'édifice qu'il a construit pourra tomber un jour ; mais sa statue restera debout au milieu des ruines ; et la pierre qui se détachera de la montagne ne la brisera point, parce que les pieds n'en sont pas d'argile.

XXII L'entendement a ses préjugés ; le sens, son incertitude ; la mémoire, ses limites ; l'imagination, ses lueurs ; les instruments, leur imperfection.

Les phéno- mènes sont infinis ; les causes cachées ; les formes peut-être transitoires 66 .

Nous n'avons contre tant d'obstacles que nous trouvons en nous, et que la Nature nous oppose au-dehors, qu'une expérience lente, qu'une réflexion bornée.

Voilà les Leviers avec lesquels la philosophie s'est proposé de remuer le Monde.

XXIII Nous avons distingué deux sortes de philosophies, l'expérimentale 67 et la rationnelle.

L'une a les yeux bandés, marche toujours en tâtonnant, saisit tout ce qui lui tombe sous les mains et rencontre à la fin des choses précieuses.

L'autre recueille ces matières pré- cieuses, et tâche de s'en former un flambeau : mais ce flambeau prétendu lui a jusqu'à présent moins servi que le tâtonnement à sa rivale ; et cela devait être.

L'expérience multiplie ses mouvements à l'infini ; elle est sans cesse en action ; elle met à chercher des phé- nomènes tout le temps que la raison emploie à cher- cher des analogies.

La philosophie expérimentale ne sait ni ce qui lui viendra, ni ce qui ne lui viendra pas de son travail ; mais elle travaille sans relâche.

Au contraire, la philosophie rationnelle pèse les possibi- lités, prononce et s'arrête tout court.

Elle dit hardi- ment, on ne peut décomposer la lumière : la philosophie. »

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