Dallapiccola Luigi

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org), 6 décembre 1967 Série 0-6 Fiche No 2124 Dallapiccola (Luigi) 1.

Le compositeur italien Luigi Dallapiccola serait un isolé, un franc-tireur de la musique moderne.

Ce jugement souvent répété rend justice à l'originalité du musicien sans l'expliquer de façon satisfaisante.

Loin d'évoluer en marge du mouvement con­ temporain, Dallapiccola a été porté par lui, au point que son œuvre en résume exacte­ ment le cours.

Avec lui, la musique sérielle s'enracine dans la tradition, s'élabore sans hâte, comme une germination inconsciente, et s'impose enfin comme nécessaire, confondant ceux qui n'y voyaient qu'une structure arbitraire et lui récusaient tout pou­ voir d'expression.

2.

Luigi Dallapiccola est né le 3 février 1904 à Pisino d'lstria sous l'occupation autri­ chienne.

En 1917, jugée «politiquement indésirable ...

sa famille (son père est profes­ seur de lycée) se retrouve à Gratz, où l'adolescent s'Initie à l'opéra (Mozart, Wagner) et choisit déjà sa carrière.

Ses études, poursuivies à Trieste et à Florence, l'amène­ ront à la chaire de composition du.

Conservatoire de Florence.

Entre-temps, il a d-3cou­ vert Debussy, Schoenberg et, enfin, Alban Berg en 1933.

Ces rencontres le font hésiter (l'influence dodécaphoniste transparaît dès 1934 dans ..

Divertimento in quattro Ecer­ sizi •), mais ne lui donnent pas d'orientation décisive.

Il dira plus tard: ..

L'artiste créateur ne peut rien attendre de personne pour l'aider à résoudre ses plus grands problèmes.

" 3.

Des "Fiuri de Tapo" (1925) aux "Parole di San Paolo ..

(1964), Dallapiccola fait chanter avant tout la voix humaine.

Le recours systématique aux textes anciens, au style du Moyen Age, à la polyphonie flamande, aux maîtres de la Renaissance l'aide à échapper au triste présent de l'Italie fasciste.

Mais le musicien parait aussi pres­ sentir le prochain triomphe du contrepoint vocal et écouter, par-delà quatre siècles de domination instrumentale, l'époque oubliée où la parole commandait à la musique.

4.

Dallapiccola sort avec éclat de sa longue méditation solitaire en 1940 avec l'opéra cc Vol de Nuit» présenté au Mai musical florentin.

Livret moderne (d'après Saint­ Exupéry), style moderne (passages sériels) pour peindre le conflit de l'individu face à la tyrannie du progrès.

Les «Chants de la Prison» (1941) engagent l'auteur plus avant dans sa protestation contre l'intolérance.

C'est encore une œuvre de transition.

Dix ans plus tard, Florence accueille, avec " Le Prisonnier "• le premier opéra sériel des pays latins.

5.

L'expérience immédiate de l'oppression pourrait faire penser à un ouvrage de circonstance.

Nul au contraire n'a mOri plus longuement.

L'image de Philippe Il et de l'Inquisition date du lycée; l'idée de la "torture par l'espérance ...

Dallapiccola l'a retenue vingt ans plus tard de Villiers de l'Isle-Adam.

Pendant le même temps, il polis­ sait son écriture modale avant de l'insérer dans la grille sérielle.

Pour accorder musique et thème, il semble qu'il ait attendu que le langage dodécaphonique s'impo­ sât à lui comme le plus capable, avec sa liberté de rythmes, de timbres et d'Intensités, de traduire, en notre temps, l'éternel problème de la liberté.. »