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FILIPPO LIPPI

Publié le 25/06/2012

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Vasari parle de la forte impression que faisaient encore au XVIe siècle les couleurs de ces fresques. Le modelé de Lippi est sans violence ni plénitude: il casse joliment les plis sans affirmer le poids du velours, et il distribue la lumière en nappes franches et faciles. Par une certaine hauteur d'accent, par ses accords en saturation, le frère donne parfois l'idée d'un coloriste se dissimulant dans la cité du modelé et du dessin: les rouges et les bruns assurent un beau rayonnement aux Funérailles de saint Laurent. La série fameuse de la Vierge des Camaldules, de la Nativité d'Annal ena et de celle de Munich, offre avec ses sapins rouges, ses rochers verts traversés de rayons dorés, une chaleur de tons denses et profonds qu'on n'oublie pas.

« Ce qu'on prend parfois pour un ornement pittoresque et gentil a -il est vrai -d'ordinaire une valeur de symbole, comme le chardonneret que l'on retrouve dans la lvfadone Ruccellai de Filippino, entre bien d'autres.

Mais ces éléments précieux, les épaulettes de plumage portées par un ange, le visage trop incisif d'une sainte, ne se fondent pas dans l'ensemble grave et tranquille avec la qualité d'offrande religieuse qui ravit dans les tableaux du Trecento et que préserve sagement l'Angelico.

La comparaison avec le peintre de Saint-Marc qui, vers le même temps, « gothicissait» si doucement l'art de Masaccio, est indispensable pour révéler une certaine frivolité sans doute involontaire qui distingue les panneaux de Lippi.

Dans les fresques qu'il exécute à Prato et à Spolète, dans la seconde moitié du siècle, et qui sont les grands moments de sa carrière, Lippi affirme au contraire, si l'on compare ses travaux à ceux de l'Angelico à Rome et de Benozzo Gozzoli à San Gimignano, son sens monumental.

Dans le Festin d'Hérode de Prato, il campe à gauche un géant assyrien qui amuse l'œil mais dont la haute silhouette borde et ferme la perspective stricte de la scène.

Le frère n'a pu résister au plaisir de faire danser une Salomé charmante, d'un gris argent dans ses tulles légers, mais le mo­ tif est dominé par une solide distribution des éléments.

Sur le mur voisin, dans le dernier épi­ sode de l'histoire de saint Etienne, Lippi atteint à une dignité assez intense: la nef moderne de Saint-Laurent encadre la scène avec la solennité de son éloquence « humaniste »; l'alignement des têtes, le jeu puissant des axes, le dessin sculptural du gisant constituent un nouveau langage impossible à méconnaître, où l'effort d'organisation encore un peu tendu dépasse l'insertion de détails originaux dans un schéma traditionnel.

Vasari parle de la forte impression que faisaient encore au XVIe siècle les couleurs de ces fresques.

Le modelé de Lippi est sans violence ni plénitude: il casse joliment les plis sans affir­ mer le poids du velours, et il distribue la lumière en nappes franches et faciles.

Par une certaine hauteur d'accent, par ses accords en saturation, le frère donne parfois l'idée d'un coloriste se dissimulant dans la cité du modelé et du dessin: les rouges et les bruns assurent un beau rayonne­ ment aux Funérailles de saint Laurent.

La série fameuse de la Vierge des Camaldules, de la Nati­ vüé d'Annal ena et de celle de Munich, offre avec ses sapins rouges, ses rochers verts traversés de rayons dorés, une chaleur de tons denses et profonds qu'on n'oublie pas.

Quand Politien écrivit pour l'épitaphe du tombeau que Laurent faisait élever au moine à Spolète: «Nul n'ignore la grâce étonnante de mon art, ma main a su donner vie aux couleurs ...

», c'était un.

peu plus que le compliment banal dû à un peintre: Lippi, c'est la grâce et la couleur du Quattrocento mûrissant.

ANDRÉ CHASTEL Directeur d'Etudes à l'École des Hautes Etudes de la Sorbonne Paris 121. »

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