HAYDN.

HAYDN. 1732-1809 AVANT- PROPOS "Puisque Dieu m'a donné un coeur joyeux, Il me pardonnera de l'avoir servi joyeusement." C'est en ces termes que Joseph Haydn nous confirme lui-même qu'il fut un personnage pétillant d'espièglerie et d'humour. Jusque dans sa laideur physique, Haydn était clownesque... Il avait hérité de sa mère un magnifique polype sur le nez... il était marqué par la variole... et son énorme visage au teint bilieux reposait sur un tout petit corps aux jambes trop courtes. Ce portrait grotesque serait incomplet si nous n'évoquions encore le négligé vestimentaire de Joseph Haydn. Il s'affublait de costumes passés de mode et, paraît-il, fut l'un des derniers de sa génération à porter perruque. Pour cette raison, certains biographes ont accusé Haydn d'avarice, mais on peut, plus vraisemblablement, voir dans ce comportement la marque d'une indifférence aux contingences matérielles. Joseph Haydn ne cesse toutefois d'être un séducteur qu'il est impossible de ne pas aimer. Une immense naïveté, une grande bonté se lisent dans son regard bienveillant qu'éclaire parfois un trait de vivacité et de malice. Bref, avec un tel homme, jamais on ne s'ennuie, et son oeuvre, beaucoup plus encore que sa biographie, demeure le plus vivant témoignage de sa personnalité. Nous pourrions, sans tarir, multiplier les anecdotes qui démontrent la cocasserie et l'esprit farceur de J. Haydn... On l'avait surnommé "Papa Haydn ", car ses poches étaient toujours remplies de bonbons qu'il distribuait aux enfants. Jeune garçon, il fut renvoyé de sa chorale parce qu'il avait coupé la perruque à l'un de ses camarades...! Les événements extérieurs eux-mêmes se mêlent d'apporter une certaine drôlerie à sa vie. En 1805, son frère Jean mourait. Une erreur d'impression dans les journaux fit croire au décès de Joseph. Le Requiem de Mozart fut, à Paris, exécuté en sa mémoire, et Cherubini (1) composa une oeuvre funèbre à cette occasion. Riant de cette méprise, Haydn dit : "Quel dommage que je n'aie pu assister à cette belle cérémonie...". En dépit de ce que nous venons de rappeler, ce serait une erreur de croire que Joseph Haydn pût être d'un caractère léger. Il possédait une grande constance, une parfaite fidélité dans son travail, dans ses affections, et sa piété était exceptionnelle. Beaucoup de ses oeuvres étaient ainsi dédicacées: Au nom du Seigneur, oeuvre de Joseph Haydn. Pour se faire une idée de sa foi, il suffit de lire ce passage d'une lettre qu'il adressait à un ami : "Je me lève tôt et dès que je suis habillé, je me jette à genoux, priant Dieu de m'accorder réussite en ce jour. Si l'inspiration musicale ne vient pas, je me promène dans ma chambre, le chapelet à la main, et les idées se présentent spontanément". De 24 ans l'aîné de Mozart, il a toujours témoigné une très grande amitié au maître de Salzbourg, qu'il admirait. En revanche, il éprouvait une certaine antipathie pour Beethoven, qui fut son élève. Il le trouvait imprécis, peu discipliné, mais surtout imbu de lui-même... il l'appelait le "grand Mogol " (2). L'élève et le maître se réconcilièrent par la suite et, sur son lit de mort, Beethoven prononça ces paroles en regardant une image de la maison natale de Haydn : "Une petite cabane où naquit un grand homme ". "Papa Haydn " fut en effet un grand homme qui, précédant Mozart et Beethoven, fixa parfaitement le schéma de la Symphonie (3). La dispersion des manuscrits de Joseph Haydn dans d'innombrables bibliothèques n'a pas encore permis de dresser avec exactitude le répertoire complet de son oeuvre immense. qui atteint aujourd'hui près d'un millier de titres connus. En 1759, von Fürnberg recommande Joseph au comte de Morzin qui l'engage comme Directeur de la Musique. Haydn devait exercer à Lukarec (au sud de Pilsen) l'été et, à Vienne l'hiver. Il disposait d'un excellent orchestre, et 5 ou 6 de ses symphonies datent de cette époque. Mais, en 1761, le comte de Morzin est contraint, par des revers de fortune, de restreindre son train de vie et Haydn est congédié. Un an plus tôt, en 1760, il avait épousé, (à contrecoeur) Maria Aloysia Keller. Voici comment cette union mal assortie s'est produite: Haydn enseignait aux deux filles de Keller, coiffeur à Vienne, il était amoureux de la plus jeune, mais celle-ci indifférente à son amour, ne pensait qu'à entrer dans les ordres, ce qu'elle fit. C'est alors que, par déception et sous la pression de son futur beau-père, il épousa l'aînée. Il avait 28 ans, elle en avait 32! Maria Aloysia se révéla une épouse acariâtre qu'il supporta toutefois jusqu'en 1800, date à laquelle elle mourut. Haydn surnommait sa femme la "Bestia infernalis" et disait un jour en parlant de cette Xanthippe (13): "Que son mari soit savetier ou compositeur, elle ne s'en soucie guère ! ", et une autre fois: "Elle ne m'a jamais rien donné, pas même un enfant". Ce mariage malheureux avait dû se faire secrètement à la cathédrale Saint-Étienne, car le contrat de Haydn avec le comte de Morzin l'obligeait à rester célibataire. C'est alors qu'il entre au service de mécènes qui feront sa gloire, les princes Paul-Antoine et Nicolaus Esterhazy (14). Vingt-neuf années de fidélité à cette maison, de 1761 à 1790, vont conduire Joseph Haydn à la fortune et à la célébrité. Vingt-neuf années durant lesquelles il écrira la plupart de ses oeuvres de théâtre, de ses symphonies et de sa musique de chambre. Haydn est d'abord nommé à Eisenstadt, puis, à Esterhaz, près du lac de Neusiedler. Les Esterhazy ont là une nouvelle demeure d'une somptuosité, dont Rohan, l'ambassadeur de France à l'époque, comparait le lu...