LA CRUCIFIXION BLANCHE de CHAGALL

« •' • - 1 lA CRUCIFIXION BlANCHE 1938 Peintre français d'origine russe Analyse ~ Cette ample composition est coupée dans sa longueur par une grande croix que surplombent de petits personnages !évitant dans les airs : elle est éclairée par un rayon de lumière blanche qui , en se diffusant , crée une atmosphère diaphane autour du corps sans vie du Christ.

Le visage ina­ nimé du martyr tombe doucement sur l 'épaule ; le corps nu est recouvert du rituel châle hébraï­ que.

Près de la croix se déroulent des scènes de douleur, témoignant toutes des horreurs de la guerre : ici c'est Vitebsk détruite avec sa synago­ gue incendiée , là les soldats faisant la guerre , et puis les prisonniers , les Juifs fuyant avec quelque s meubles ou encore , au premier plan , ce vieillard qui , avant de quitter la scène , s' efforce de proté­ ger le rouleau où sont inscrites les Saintes Ecritu­ res.

Les sept bougies du chandelier hébraïque dessinent une auréole lumineuse : sans doute faut-il voir , dans ce cercle qui isole l'objet des événements tragiques (nous sommes en 1938) , le symbole de la permanence de la religion hébraï­ que.

Les solutions formelles adoptées ici sont parti­ culièrement audacieuses .

Ainsi la gamme chro­ matique se réduit-elle à deux couleurs primaires: le blanc et Je bleu , diversement nuancés selon ne siècle Huile sur toile 61 x 55 cm les figures .

Grâce à cet équilibre entre les formes et les couleurs, J'artiste est parvenu à créer l' une des images les plus fortes jamais produites sur la guerre : il a su communiquer au spectateur l ' immensité de sa propre douleur face à la tragé ­ die que vit son peuple.

La représentation de la Crucifixion à l'intérieur de cette séquence d'ima­ ges de mort et de destruction revêt l'allure d 'une prière : le peintre semble invoquer le retour du Christ sur la terre pour qu'il secoure une nouvelle fois l'humanité et la sauve du péché.

L'œ u vre C Chagall exécuta ce tableau pendant l 'époque nazie : la déporlation dans les camps de la mort de milli ers de Juifs, et la fuite de nombreux artistes et intellectuels contraints de quitter l'Europe , l' éprou­ vai ent cruellement .

La Crucifixion blanche illustre, de manière extr êmem ent synthétique , l'angoisse non pas tant du peintre que de l'homme confronté à un dram e aussi atroce : ce thème est tout à fait atypi­ que de la production de Chagall, habituellement attaché à relater la poésie et le caractère fantastique d e sa culture.

Datée de 1938, la toile est aujourd 'hui cons ervée à l'Attlnstitute de Chicago.

Dans le pro ­ jet initial , l'écriteau susp endu au cou de l'homme en bas à droite parlait l'inscription : de suis un Juif ».

Les artistes face au nazisme + L 'avènement du nazisme en Allemagne porta un coup d 'arrêt à nombre d'expériences artistiques extrêmement fécondes.

Fermé en 1933 parce qu'il était hostile à la dictature nazie , le Bauhaus fut l 'une des premières institutions culturelles allemandes décapitées .

Plus touchés encore furent les expressionnistes , considérés comme des artistes «dégénérés >>.

Beauco up de leurs tableaux comparurent à Munich dans la tris­ tement célèbre Exposition de l'Art dégénéré : cette manifestation était censée montrer au public «sain » à quelles folies conduisaient Du même peintre : PICTO 968 à 970 © Nardini Editore, 1995.

Liriade pour l'édition française, 1995.

l'opposition et le communisme.

Kandinsky dut épouser la nationalité française pour échapper aux rafles de 1939.

Chagall préféra dans ce contexte s'exiler à New York le 23 juin 1941.

D 'autres artistes de génie abandonnèrent le Vieux Continent.

Interné plusieurs fois en France, Max Ernst parvint à rejoindre les États­ Unis en 1941.

Réfugié d'abor d en France puis en Grande-Bretagne, Mondrian gagna hli aussi New York en 1940.

Magritte , accusé de communisme, fit le choix de se cacher en France, à Car­ cassonne .

Photo © 1994, Art lnstitute of Chicago 36-32. »