Devoir de Philosophie

L'année 1995: Culture

Publié le 06/12/2018

Extrait du document

culture

UNE RÉPÉTITION GÉNÉRALE

 

Le 23 juin 1995, après d'âpres discussions, les Berlinois découvrent le Reichstag empaqueté par Christo. Connu pour ses nombreux « emballages », dont celui du Pont-Neuf à Paris, l'artiste américain d'origine bulgare a choisi, cette fois, un lieu dont l'importance n'est plus touristique mais politique : signe de la puissance bismarckienne, incendié en février 1933 à l'instigation des nazis, balafré par les bombardements de 1945, symbole - alors désolé - de la division des deux Allemagnes, puis de leur réunification, le Reichstag bâché devient - durant l'été 1995 - l'un des lieux les plus visités d'Europe. Image, s'il en fallait, du dynamisme de la ville, dont les projets d'urbanisme et d'architecture sont désormais les plus ambitieux d'Europe. L'Allemagne mais aussi, par contrecoup, l'Autriche et l'ancienne Mitteleuropa ont apporté en 1995 la confirmation que le centre de gravité de la vie culturelle du Vieux Continent se déplace des rives atlantiques vers l'Est.

 

DES VOIX EUROPÉENNES

 

Près d'un mois plus tôt, à Cannes, le film Underground, d'Emir Kusturica, remportait la Palme d'or, non moins âprement discutée, pour une vision étonnante du drame vécu en Yougoslavie. Enfermés dans un monde souterrain, grandiose et délirant, les personnages sont taillés à vif dans cinquante ans d'histoire, comme si tout n'avait été - depuis la Seconde Guerre mondiale - que flux et reflux d'armées, de groupes et d'idéologies. Le réalisateur, retiré en Normandie, a d’ailleurs présente son film sous l'étiquette « Europe », témoignage ambigu de la faiblesse politique des Quinze, contrastant avec l'imbrication toujours plus forte de leurs cultures. Le couloir de la vieille Lotharingie

culture

« Symboliquement, la réponse vient peut-être du compositeur hongrois Gyorgy Kurtâg (né en 1926), invité à la Chartreuse de Villeneuve-Jè - Avignon, fm juillet, pour donner concerts et cours d'interprétation.

Citoyen selon ses propres termes, de « l'autre monde » que fut quarante ans durant J'Europe de l'Est, il affirma non sans humour, de façon sibylline, à ceux qui lui posaient la question du langage en crise et des .

avant-gardes en déshérence : « J'ai une façon très primitive de penser la musique comme recherche continue.

» Derrière l'ironie propre à cet ancien élève de Milhaud et de Mes­ siaen, désormais reconnu comme l'un des maîtres comemporains, il faut entendre par cette « façon très primitive » J'attachement à l'histoire, au long tissu de la musique sans cesse repris, le présent tirant avec patience ses fils hors du pas�.

malgré des périodes de doute ou de paralysie.

Pierre Boulez y fit écho, célébrant cette même année, ses 70 ans par des cycles de concerts qui formaient un grand récit du temps et de J'espace, dépassant et délaissant les pos­ tures ou les provocations.

Sans doute cautionneraient-ils tous deux les propos que tenait également le peintre Olivier Debré (né en 1920) à l'occasion de la rétros­ pective organisée du 27 juin au 24 septembre par la Galerie nationale du Jeu de Paume : « La peinture, qui introduit la vie, mêle la notion de temps à la notion d'espace, car la vie se déve­ loppe à la fois dans le temps et dans l'espace.

Dans la période classique de l'espace perspec­ tif, le temps était nettement séparé de J'espace.

Il était introduit par la représentation de l'évé­ nement.

Dans la peinture plus abstraite, qu'on appelle lyrique et à laquelle j'ai souvent donné le nom de fervente, le temps se trouve draîné par le geste dans la matière.

» Nul hasard, donc, si le Festival d'automne à Paris a, au mois de novembre, rendu hommage à Arnold Schonberg, célébrant le refondateur de la musique mais aussi le peintre (Musée d'art moderne de la Ville de Paris) -plus méconnu.

La reprise de Moïse et Aaron ( 1930-1932), mis en scène par Herbert Wemicke, méditait sur le langage et l'indicible.

quête symbolique d'une Terre promise -aussi bien celle des peuple que celle d'un monde où l'an ne sacrifierait plus au Veau d'or.

La même œuvre était produite au même moment, dans une autre mise en scène (Peter Stein), à l'Opéra d'Amsterdam, sous la direction -encore lui ...

-de Pierre Boulez.

«Toujours, lance Moïse-Schonberg au Peuple.

toujours, lorsque vous abandonnez l'absence de désirs du désert et que vos dons vous ont conduit au plus haut, toujours serez-vous à nou­ veau précipités du succès des abus vers le désert.

Mais dans le désert vous êtes invin­ cibles et atteindrez votre but.

» LA PHILOSOPHIE CONSACRÉE La disparition de deux philosophes donne à ces quelques images un relief singulier.

Le 4 novembre.

Gilles Deleuze, lui aussi âgé de 70 ans, se suicide.

Peu après, le jour de Noël, s'éteint Emmanuel Levinas, âgé de 90 ans.

Iro­ nie tragique d'un côté, malice rabbinique de l'autre.

La défenestration du penseur de l'Ami­ œdipe (1972) et du Pli ( 1988).

due à des pro­ blèmes de santé, ne remet pas en cause une œuvre marquée par la quête anxieuse du sens, mais elle survient à un moment où celle-ci.

à l'instar de la pensée des années soixante-dix, affron­ te une solitude croissante.

Inversement, Emmanuel Levinas disparaît alors que son œuvre.

comme celle de son ami Paul Ricœur (la Critique et la conviction), cesse d'occuper une position marginale.

Longtemps tenu pour un philosophe du seul judaïsme, l'auteur de Tot ali ­ té et infini ( 1961) se trouvait enfin reconnu pour ce qu'il LA R�TROSPECTIVE l)E l;ŒUVRE 0 'Q�IVIER DEBRÉ.

À LA GALERIE NATIONALE DU JEU "JE PAUME.

ORCHESTRE U� PARCOIIRS AU CŒliR DE L' AIISTRAcnON.

Cl·CONTRE: TACH. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles