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L'architecture romane

Publié le 26/11/2018

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« Comme on approchait la troisième année qui suivit l'An mille, on vit dans presque toute la terre mais surtout en Italie et en Gaule, réédifier les bâtiments des églises ; bien que la plupart, fort bien construites, n'en eussent nul besoin, une véritable émulation poussait chaque communauté chrétienne à en avoir une plus somptueuse que celle des voisins. On eût dit que le monde lui-même se secouait pour dépouiller sa vétusté et revêtait de toutes parts un blanc manteau d'églises... » Ce célèbre passage de la Chronique de Raoul Claber témoigne de l'essor architectural au début du xie siècle. L'architecture que l'on appellera « romane » à partir du xixe  siècle (comme les langues pour signifier leur filiation latine) naît sur les décombres de l'Empire carolingien et s'étend en même temps que la féodalité à la plus grande partie de l'Occident Cependant, elle prend des formes extrêmement variées du nord-est au sud-ouest, même si son aspect général présente une unité certaine.

LA NAISSANCE DE L'ARCHITECTURE ROMANE

Lorsque l'on évoque le style roman, on songe spontanément a son aspect massif, trapu et sombre que l'on oppose à l'élévation, à la légèreté et à la lumière des créations gothiques. Pourtant, les deux « styles » ont coexisté à la fin du xiie siècle ; l’architecture gothique a poursuivi l'oeuvre des maçons romans et doit pour une grande part sa postérité aux grandes innovations architectoniques de l'époque précédente. Si la plupart des églises ont été incendiées, reconstruites, agrandies, transformées, les nombreux édifices conservés permettent de dégager des lignes de force et des principes de base, même si la multiplicité des formes est parfois déroutante.

Il est également difficile de dater précisément les débuts de l'architecture romane et d'établir une généalogie entre un « modèle » et ses imitations : c'est peut-être ce qui fait la richesse de ces créations. L'art roman remonte-t-il en l’an mille avec par exemple, pour le sud de l'Europe, Saint-Martin-du-Canigou, premier exemple connu de voûte en berceau sur toute sa longueur, construite à partir de 1001, ou pour le nord-est, la cathédrale de Spire ? Ou encore lorsque les architectes de cette basilique et ceux de Cluny résolvent autour de 1080 le problème du voûtement de ces deux édifices phares de la Chrétienté médiévale ?

Période de maturation technique, comme l'atteste la technique avancée de la taille de la pierre, l'époque romane fut aussi un temps de constantes innovations architecturales : diversité des plans d'édifices, des modes de couverture, des supports, des façades, des élévations. On distingue parfois un « premier roman » de la fin du Xe au milieu du xie siècle, un « roman de la maturité » s'épanouissant jusqu'en 1140 (date arbitraire choisie pour les débuts de l'architecture gothique) et au-delà, un « roman tardif » dans certaines régions d'Europe, notamment en Italie.

Fondation de Saint-Michel- Saint-Martin-du- Abbaye de Caen ; Saint- Saint-Nectaire ; La Charité-sur-Loire ; Arles ; Vézelay ; Naissance

l'ordre de Cluny de-Cuxa (art Canigou ; Saint- Conques ; Sernin ; Saint- Cluny III ; Orcival ; Angoulême ; Autun ; du gothique

préroman) Savin-sur-Gartempe Tournus ; Jumièges Benoît-sur-Loire Paray-le-Monial Moissac Fontenay

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« est le carré du chœur avec ou sans abside .

Dans les petites églises, cette forme est répandue dans l'ensemble de l'Europe.

• Le chevet ou l'abside expriment le mieux l'inféodation des volumes, caractéristique essentielle de l'architecture romane.

Autour de l'autel à l'intérieur et du clocher à l'extérieur , l ' abside, les absidioles , et les chapelles rayonnantes sont regroupées par auréoles concentriques .

Cet encastrement échelonné des volumes venant enserrer le cœur de l'église est particulièrement complexe à Sainte-Foy de Conques .

Cette imbrication des volumes pouvait prendre des proportions impressionnantes dans le cas de l'abbatiale de Cluny (Clu ny Ill, dont il ne reste presque rien mais dont la structure et le plan ont été reconstitués), où elle se répartissait et s 'étageait sur 37 mètres à partir de la première croisée , entre les absidioles des deux transepts et les chapelles rayonnantes du déambulatoire.

CHAPITIAUX, TYMPANS ET SCULPTURE : L'HORREUR DU VIDE • La sculpture est un autre trait distinctif fondamental de l'art roman .

Si certaines églises et chapelles se démarquent par leur sobriété, les tympans et les chapiteaux vont progressivement se couvrir de scènes et de figures géométriquement très élaborées.

La sculpture est intimement liée à l'édifice (qui est déjà sculpté pourrait-on dire) : elle s 'imbrique étroitement aux supports de pierre qu'elle rehausse .

Les figures humaines, animales (Aulnay entre Saintonge et Poitou) ou symboliques épousent les formes d 'un chapiteau ou d'un tympan .

Si le support impose son cadre spatialement limité , le sculpteur, en s'y adaptant métamorphose à son tour le support (trumeau du portail de Sainte-Marie à Souillac) et investit souvent tout ce que le cadre lui offre d'espace (Christ en gloire du portail de l 'abbatiale de Moissac).

Les thèmes bibliques (le Jugement dernier du tympan de la cathédrale d'Autun) côtoient la représentation de la vie quotidienne, des saisons et même du zodiaque (chapiteaux de Vézelay) , et un foisonnant bestiaire se déploie au point de susciter l'indignation d 'un Bernard de Clairvaux et la« réaction cistercienne ».

LE CONTEXTE POLITIQUE ET RELIGIEUX • ëarchitecture romane naît et se développe dans un monde chrétien traversé par des changements d'ordre économique , politique et culturel durables et profonds.

Depuis le traité de Verdun (843), l'Empire d'Occident n'est plus qu'une fiction, les invasions normandes ont conduit à un nouveau morcellement politique que ne sauront pas contenir les héritiers de Charlemagne .

• Les Xl' et Xli' siècles sont une époque de croissance démographique et économique qui va conditionner le développement de l'art roman.

ëune et l'autre sont interdépendantes et s 'expliquent notamment par l'extension des cultures et les défrichages .

Ainsi , on estime qu'entre le X' et le Xlv' siècle, la population de l'Europe occidentale a plus que doublé .

C'est dans ce cadre qu'il faut replacer le grand essor du bâtiment au Moyen Âge, et donc des techniques et des corps de métier afférents , en tout premier lieu celui de tailleur de pierre.

L'ESSOR DE LA VIE MONASTIQUE • Dans un contexte marqué par le morcellement politique de l'Europe , le renforcement de la société féodale et par une redéfinition des rapports entre pouvoir temporel et spirituel se déploie le grand mouvement monastique animé par l'ordre de Cluny .

En 910, Guillaume, duc d'Aquitaine , fait don à l'Église de son domaine de Cluny afin qu'y soit créé un monastère.

Cet ordre doit respecter strictement la règle de saint Benoît et rester indépendant de tout pouvoir temporel, celui des seigneurs comme celui des rois.

De même , le monastère échappe à toute influence des évêques et ne reconnaît d'autorité spirituelle que celle du pape qu'il doit défendre et soutenir dans toutes ses entreprises .

Cette indépendance fait de Cluny une puissance féodale exceptionnelle dotée d'un pouvoir sans commune mesure hormi s celui du pape .

L'abbé d e Cluny traite en fait presque d 'égal à égal avec ce dernier .

Plusieurs papes ont été moines clunisiens parmi lesquels Grégoire VIl (1073-1085 ), Urbain Il (1088 -1099) qui prêcha la première croisade en 1095 au concile de Clermont et consacra l'autel de l'abbatiale en construction , Pascal li (1099-1118) , Calixte Il (1119-1124) qui mit fin à la querelle des Investitures .

ëordre s 'étend dans toute l'Europe : dans les années 1100 , il comprend plus de 1 180 maisons dont près de 900 en France .

Otton ! "lui confie la réforme des monastères dans l'Empire germanique et Hugues de Semur, sixième abbé de Cluny , assistera l 'empereur Henri IV lors de l'« humiliation de Canossa >> en 1077 qui devait marquer un premier apaisement de la querelle des Investitures.

LES PÈLERINAGES Qu'ils soient de dévotion ou de pénitence , individuels (pour les princes) ou collectifs , les pèlerinages ont été, dès le haut Moyen Âge, un outil d 'intégration spirituelle et d 'échanges entre les communautés chrétiennes .

Les sanctuaires à reliques (qui ont parfois déterminé l'emplacement d'une église et dont les vertus peuvent être guérisseuses) deviennent ainsi de hauts lieux de pèlerinage .

Sainte-Foy de Conques , Saint - - - -- --· - Benoît -sur-Loire, Saint -Sernin de Toulouse , Saint -Martin de Tours , Saint-Lazare d'Autun en sont des exemples célèbres ; des saints moins connus attirent également de plus en plus de pèlerins à partir du x1' siècle.

Le plus important d'entre tous est toutefois le pèlerinage à Saint­ Jacques -de-Compostelle .

La « Jérusalem de l'Occident >> commence à attirer les premiers pèlerins à partir du milieu du X' siècle.

À la suite de la destruction en 997 du premier sanctuaire par les Arabes menés par al-Mansour, l'église est reconstruite entre 1075 et 1150 et agrandie pour faire face à cet afflux de plus en plus massif même s'il est difficile de le mesurer avec précision .

En France , les quatre principaux chemins historiques vers Compostelle partent de Tours , du Puy, de Vézelay et d 'Arles et bon nombre de créations romanes jalonnent ces routes .

Certains sanctuaires placés sur l'itinéraire et qu'il est parfois conseillé de joindre (le premier guide des pèlerins date de 1135 ) sont alors transformés, agrandis et embellis pour accueillir les voyageurs .

GÉOGRAPHIE DE L'ARCHITECTURE ROMANE • Le sud de l'Europe se couvre d'églises romanes de toutes tailles .

Le centre de l'ancienne Gaulle , entre Poitiers et Cluny, jusqu'à Vézelay est aussi particulièrement riche en édifices romans et présente , dans certaines parties plus isolées comme l'Auvergne , une grande homogénéité .

• Dans le nord-ouest , l'architecture normande franchira la Manche avec ses particularités tandis que du côté du Rhin , et au-delà, en terre d'Empire, l'architecture romane s'étend jusqu 'à Maa stricht à l 'oues t et Hilde sheim en Saxe.

à l'est.

Au-delà des Alpes , la Lombardie, reste très réputée pour ses maçons et batisseurs tandis que dans le sud de l'Italie , la conquête normande laisse sa marque.

Il faut aussi ajouter l'influence d'autres traditions : mozarabe en Espagne, byzantine et islamique en Italie.

Enfin, les frontières de l'art roman s'étendent plus loin dans le nord, en Scandinavie jusqu 'à Bergen et en Europe orientale jusqu 'à Gniezno en Pologne.

Au SUD DE LA LOIRE • Sans que l'on puisse y déceler un style bien délimité, le sud-ouest de l 'Europe , de l'Auvergne à la Provence jusqu'aux Pyrénées , est marqué par l'importance des « églises-halles >>.

La nef principale, qui est presque toujours surmontée d'un berceau en plein cintre avec ou sans arcs­ doubleaux, repose sur des piliers qui atteignent presque la hauteur de l'espace (Saint ­ Savin-sur ­ Gartempe , Saint-Sernin de Toulouse) .

Ces églises peuvent ou non comporter des tribunes au-dessus des collatéraux, et comme les supports ne reçoivent aucune poussée et peuvent ainsi être disposés plus librement dans l'espace , l'édifice doit s 'appuyer sur de puissants contreforts .

• La Provence est surtout caractérisée par la simp licité et la pureté des formes , les églises à nef unique (les églises de Saintonge, Saint-Étienne d'Agde) y sont répandues ou lorsqu'elles comportent des bas-côtés , ceux-ci sont particulièrement étroits (Saint· Guilhem-te-Désert , Saint-Trophime d'Arles).

ëéclairage est essentiellement indirect.

Les nefs à coupoles distinguent par leur originalité certaines églises d 'Aquitaine :Saint-Hilaire de Poitiers , Saint-Étienne de Périgueux, la cathédrale d'Angoulême en sont des exemples.

ENTRE MEUSE , RHIN ET ELBE • La tradition impériale a laissé son empreinte de part et d 'autre du Rhin et dans toute l'Allemagne jusqu 'en Saxe .

ëun des traits saillants de cette forme architecturale est le massif occidental issu du « Westwerk >> carolingien, sorte de seconde abside du côté ouest à l'origine réservée à l'empereur que l'on retrouve à Nivelles (Sainte-Gertrude, dont la crypte abrite les tombeaux des princesses carolingiennes) , à Maastricht (Saint-Servais) et à Trèves.

Avec ses quatre tours réparties par deux à chacune des façades, la basilique de Spire transformée autour de 1080 (Spire 11) à la demande de l'empereur Henri IV pour être dotée d 'une voûte au lieu d'un plafond plat servira de modèle à de nombreuses églises en Allemagne et en France (parmi lesquelles dans le Bas-Rhin celle de Marmoutier ou de Sélestat ).

Mais la toiture plate e t charpentée sera conservée dans de nombreux édifices germaniques et l'art roman d'inspiration ottonienne trouvera son apogée à Saint-Michel de Hildesheim en Basse-Saxe.

L' ARCHITtCTURE NORMANDE ET SON EXTINSION EN ANGLETERRE • Il ne reste que de magnifiques ruines de l'abbatiale de Jumièges construite d'y repérer les traits architecturaux distinctifs de l'art normand : les deux tours occidentales , la nef très élevée à trois étages avec tribunes, la tour lanterne à la croisée du transept.

Dans les mêmes années , avant d'envahir l 'Angleterre , Guillaume de Normandie fait construire l'abbaye aux Dames avec l'église de la Trinité et l'abbaye aux hommes avec Saint-Étienne .

Si les restaurations postér ieures cachent en grande partie l'aspect originel des deux édifices (le plafond plat notamment) , elles laissent encore entrevoir les lignes architecturales dominantes de l'art normand .

Celui-ci sera introduit en Angleterre à Saint -Albans, Winchester , Gloucester ou Durham , cette dernière cathédrale présentant la particularité d 'avoir été voûtée à l'origine .

AU·DELÀ DES ALPES • C'est dans un cadre politique et culturel encore plus morcelé qu'ailleurs en Europe que l'architecture romane s 'exprime en Italie.

Les influences byzantines (Saint-Marc de Venise) et islamiques (dans le sud) y sont importantes .

La Lombardie est un des grands foyers originel s de l'architecture romane (San Abbondio de Côme , abbaye de Pomposa , Saint-Ambroise de Milan ) ; la Toscane se détache nettement des autres régions italiennes avec la cathédrale de Pise et son campanile isolé, les é glises de Lucques ou, à Florence, avec le baptistère et avec San Miniato al M onte au plafond charpenté et au cœur surélevé .

Le sud de l'Italie présente un cas spécifique : au milieu du Xl' siècle en effet, les Normands fondent un foyer de l'art occidental qui s'étendra des Pouilles à la Sicile .

Cette présence est détectable dans la cathédrale de Bari , dans celle de Cefalù , à Palerme ainsi qu'à Monreale .

LA« RÉACTION CISTERCIENNE>> • La contestation de la laïcisation croissante de l'ordre clunisien par Bernard de Clairvaux conduit à la réforme cistercienne : au faste de Cluny est opposé le retour à une vie mona stique plus dépouillée , isolée des villes , fondée sur l e recueillement et le travail.

li est abus if de parler d 'art cistercien , mais cette architecture présente indéniablement des traits distinctifs .

Chapiteaux nus, chapelles encastrée s, fermées e n avant sur cul­ de-four (semi-circulaire) , chevet plat sans déambulatoire , nef simplifiée sans étages , façades nues parfois sans portail , absence de narthex : la sobriété des église s de l'ordre telles l'abbaye du Thoronet ou celle de Sénanque est évidente .

• Cette « r éaction » à la fois religieuse et politique aura un écho certain en France (et en Allemagne ) avant de décliner.

S'écartant en effet lui-même de la voie prônée à l'origine , l'ordre perdra progressivement sa popularité et finira par s 'éclip ser devant l'affirmation des villes, des évêques , du pouvoi r royal et de l'art gothique .. »

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