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L'ART IRLANDAIS

Publié le 14/09/2014

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L'enluminure médiévale

La décoration des manuscrits est sans doute l'activité artistique la plus prestigieuse et la plus impor­tante de tout le Moyen Âge, parce que rien ne semble plus précieux que le Livre, c'est-à-dire la Bible, qui contient la révélation même de Dieu. il est un objet de contemplation, une relique sainte que l'on conserve et que l'on se transmet comme un trésor.

Mais la Bible est un livre beau­coup trop long pour qu'on puisse envisager de l'illustrer d'un bout à l'autre. Les premières décorations conservées, celles des Genèses dites de Vienne et de Cotton, mar­quées par l'art antique et oriental, sont narratives. L'apport des cul­tures barbares privilégie au contraire, en Occident, l'aspect ornemental et symbolique.

Les manuscrits du domaine méro­vingien et ceux de l'Irlande mar­quent l'apogée de cette tendance à l'abstraction. Leur double héritage nourrira longtemps l'art médiéval.

« La technique de l'enluminure Fabriquer un parchemin est un travail long et oné­ reux.

Cette tâche sacrée est longtemps réservée aux moines , seuls capables de faire de /'écriture et de l'illustration une prière.

Il fa111 prépa rer la peau, la laver, la décharner, la dégraisser, la polir, la découper en doubles feuilles appelées •bi-folio•, les assembler en cahiers, régler les alignements, préparer les encres pour la copie, dessiner en rouge (rubriquer) les titres et les let­ trines, puis peindre les 111inia111res {du mot •min iun11 1 pigment particulièrement fréquent), avant de relier.

Plaque d'attache d'un bol (musée de Myklebosrad, Norvège).

Une immense production de livres L'Irlande , tôt christianisée par saint Patrick , a bénéficié de l'œuvre de saint Colomban (mort en 597 ), qui étab lit dans l'île des monastères nombreux et actifs.

Chacun de ces monastères possédait un scriptorium, atelier où travaillaient des cop istes .

Au ssi la décoration du livre occupe+elle une place essen tielle dans l'art irlandais.

Malgré les dévastations survenues au cours des siècles, il nous reste des VII' et VIII' siècles une quinzaine de manuscrits enluminés, dérisoire épave d'une production sans auc _un doute immense.

Ce sont des recueils d'Evangiles, illustrés selon un répertoire limité de motifs : les concordances numériques des quatre évan­ giles y figurent, par exemple, encadrées d'une architecture en forme d'arcade peinte et déco­ rée; on y voit les symboles des évangélistes, Jean évoqué par l'aigle, Luc par le taureau, Marc par le lion, Matthieu par une figure humaine.

Ces dernières images constituent l'uniq ue brèche par laquelle persiste une représentation figurée dan s l'enluminure.

Partout ailleurs se déploie le génie propre des moines irlandais , l'a rt de l'ornement.

Il inspire de vérit able s •pages-tapis • exclusivement constituées d'une décoration géométrique à la manière de tapis orientaux, et des associations décoratives d'initiales.

L'orfèvrerie et la sculpture L'obsess ion de l'ordonnance , la ré p étition inlas ­ sa ble des motifs , l'a uto -engendre ­ment fascinant de s spi rales , la rigueur d'un des­ sin abstrait qui n'e nferme jamais Dieu dans de s forme s humaines sont sans doute des signes d'une mystique de l'infini et de l'innommable .

On en trouve les marques , outre dans l'enluminure , dans l'art de l' orfèvrerie et dans celui de la scu lpture .

Pièces d'or fèvrerie.

Probablement très brillante au v111• s iècl e, l'orfèvrerie irlandais e n'est plus connue aujourd 'hui que par de rares pièces .

Les objets litur­ gique s ont mieux survécu : ca lices , reliures , crosses, châ sses, encensoirs t émoignent d'un goût raffiné , où l' invrai ­ sembla ble finesse du travail de filigrane s'allie à l'éclat coloré de l'é mail.

Un cer­ tain nombre de pièces , ex port ées et retrouvées dans d es tombes scandi- naves , gardent , quant à e lles , le mystère entier de leur date, de leur provenance , de leur sens.

Que peut bien signi fier ce petit homme sa ns bras , à la tê te monumentale, aux yeux globuleux dessinés en amande , au front fuyant , au co rps bardé d'émail , qui sert de plaque d 'a ttache à un bol ? Il a le regard implacable , le s formes rudes d' un dieu celtique .

Cro ix sculpt ées.

Et d' où viennent ces grandes sculptures d e pierre , héritières peut -être des stèles cop tes, qui hérissent les alentour s des monastères ? D'abord blocs de grès ou de granite brut qui mar­ quent les tombes des ascètes , elles adop­ tent la forme de croix lorsqu 'elles perdent leur fon c tion funéraire pour devenir étapes de proces sions.

Sculptées et peintes sur toutes leurs faces , elles se chargent alors de motifs bien mystérieu x : scènes de chasse à portée symbo lique, thèmes bibliques , monstre s ou réseaux d 'entrelacs .

Ce décor et le matériau même sont à l'image du peuple irlandais d'a lor s : mys ­ tique et sauvag e.

Admirables ornements L'extrême simplicité de ce répertoire n 'empêche pas le luxe des images, qui dev ien ­ nent pour longtemps un modèle fascinant pour les enlumineurs.

La déco r ation des ini­ tiales , en particulier, fait l'objet d' un soin jamais égalé.

Ces lettres ont pour fonction quasi sacrée de faire sonner le prem ier instant du tex te : les artistes travaille nt donc inlassa­ blement jusqu'à en faire de véritables tableaux.

Ainsi, le passage de l'Évangile de saint Matthieu qui suit énonce le mystè re de l'Incarnation et commence par ces mo ts : Christi autem generatio ...

(•Quan t à la naissance du Christ...•).

Les trois premières lettres du nom sac ré du Christ sont, en grec, le chi (X), le rhô { P ) et le iota (1 ).

Dans le Livre de Li11disfarne 1 qui tire son nom du monastère où il a été copié sans doute dans les dernières années du VII' siècle, ces lettres légitime nt une formidable prouesse décorative.

Pour la pre ­ mière fois, inaugurant une tradition promise à une longue histoire, les trois lettres sacrées occupent une pleine page, entraînant dans un tou rbillon décoratif l es quatre premières lignes du texte, écrites en majuscules colorées de taille décroissante .

En une diagonale libre et élancée, le jambage principal de l'X conduit au monogramme formé par le couplage du P et du !.

Cet assemblage se métamorphose en écriture cryptée, incompréhensible, comme Dieu lui-même.

Sous la plume des artistes insulaires, les lettres, agrandies, brisées, assemblées, colo ­ rées, déformées, font l'objet, dans tous les manuscrits, de jeux picturaux infinis.

Ici, les lettres et la bordure externe s'emplissent d'un réseau touffu d'entrelacs dont les brins sont des oiseaux qui se becquettent la queue, tan­ dis que dans les interstices explose le déroule­ ment stellaire de spirales irrégulières.

La com­ position repose sur une géométrie d'une précision éblouissante, qui donne l'illusion d'un foisonnement imaginaire en s'in terdisant tout effet de symétrie.

La grande croix du monastère de Boyce en Irlande.. »

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