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LE PORT D'ANVERS de Georges Braque

Publié le 23/06/2011

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1906 Emmanuel Hoffmann-Stiftung, Kunstmuseum. Bâle Huile sur toile. 50,5 x 61,5 cm travaillé ensemble à Collioure ; Marquet, Dufy et Friesz sur les côtes normandes. Ces deux derniers, Braque avait précédemment fait leur connaissance au Havre. Ainsi s'était constitué le groupe qui devait, pour quelques années, introduire dans la peinture les arbitraires explosions de la couleur pure. 

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« Havre, où le père du petit Georges dirigeait une entreprise de peinture, avant de se poursuivre à Paris, où le peintrearriva en 1904, et qu'il ne quitta plus guère, sauf, en 1914, pour le front (où il fut gravement blessé en 1915) etpour des villégiatures dans le Midi et, plus souvent, en Normandie, sa vie, on le voit, toute simple et tout unie,retirée, silencieuse, modeste, comme celle de tant de peintres, français principalement, n'a d'autre histoire que cellede sa peinture.

Et cette peinture, comme cette vie, s'est développée selon une ligne droite et pure.

Dès lajeunesse, le goût pour les formes neuves et héroïques, et l'adhésion au Fauvisme, vers qui l'amitié de Friesz attiraitBraque, mais dont Braque donna, en 1906 et 1907, une version plus discrète de chromatisme, plus réfléchie defacture, plus recueillie d'émotion, une version presque antifauve (l'embarcadère du port de l'Estaque, 1906, Muséenational d'art moderne, Paris) ; puis, de 1908 à 1909 dans les paysages de la Roche-Guyon surtout, l'influence deCézanne, qui inspire à notre peintre des constructions de plus en plus rigoureuses, de plus en plus épurées, et laconviction qu'à chaque modulation de la couleur d'une forme (ton local et ton lumière) correspond un plan distinct ;l'élaboration, ainsi, du Cubisme, où il arrive en 1910 dans des natures mortes faites à l'Estaque, dans le même tempsque Picasso et que Léger y parvenaient par d'autres voies ; l'application de cette invention à l'analyse de la figurepuis à celle des objets (Composition à l'as de trèfle, 1911, Musée national d'art moderne, Paris) ; et une premièremanière cubiste, analytique, comme celle aussi, alors, de Picasso, avec qui Braque travaille en contact étroit, tant àCéret (1911) et à Sorgues (1912) qu'à Paris ; une tendance légère vers une peinture plus synthétique, à laquellecoupe court la mobilisation ; et, en 1917, quand Braque peut se remettre à peindre, le sentiment que, dans lesmains des étrangers, le Cubisme a tant évolué vers des a-priori qu'il n'est plus d'accord avec lui, et le détachementcorollaire tout relatif, du reste à l'égard de cette peinture ; de 1919 à 1930 environ, une manière de “ flirt ” avec leréel, sensible dans la nature morte, genre préféré du peintre (Nature morte à la table de martre vert, 1925, Muséenational d'art moderne, Paris), mais surtout dans ses nus, ses paysages, ses marines ; un retour à l'abstraction de1930 à la guerre (le Duo, 1937, Musée national d'art moderne, Paris) ; enfin, depuis la guerre, un tel épanouissementque les épithètes de “ figuratif ” et de “ non figuratif ” n'ont plus guère de sens à son sujet (le Salon, 1944, leBillard, 1945, Musée national d'art moderne, Paris) ; rien dans cette carrière ne rappelle les volte-face, lesreniements, les assassinats dont Picasso se rend coupable envers lui-même, ni même les investigations diverses deMatisse, ou l'évolution considérable de Roger de la Fresnaye.

Peu d'art qui soit plus un que, dans sa diversité, l'artde Braque.

L'unité en est faite de l'union de contraires : hardiesse et mesure, sens du tableau-objet et sens desobjets qui figurent dans le tableau, volonté et naturel, qui se fondent en une plénitude d'une perfection presqueabsolue.

La prodigieuse puissance d'invention départie à Picasso ne doit pas faire oublier que Braque est, lui aussi,un puissant inventeur.

En faut-il une preuve ? Sa sculpture, si originale, ses plâtres gravés et coloriés en fournissentune, toutefois moins éloquente que la création qu'il a faite du Cubisme, de certaines de ses techniques les plusneuves papiers collés, utilisation en peinture des caractères typographiques, du faux bois, incorporation à la pâte desable et de divers fragments d'objets , et de tels, enfin, de ses procédés les plus révolutionnaires : refus dereprésenter des volumes sur une surface plane, et décomposition, corollaire, des formes en plans, dont l'agencementsuggère modelé et profondeur ; transparence des objets, résumés à leur plus simple expression, mais à leurexpression indispensable et révélatrice ; traduction des choses par leur coupe, leur élévation, leur projection sur unplan ; remplacement du point de vue unique traditionnel par la multiplicité des prises de vue ; sacrifice de la couleurà la nécessité de renouveler l'écriture des formes ; établissement des lignes selon la loi des contrastes ; recherchedes rythmes ; ameublement égal de tout le champ à couvrir ; mélange subtil de signes plastiques purs et de détailsanecdotiques et réalistes ; élaboration, en un mot, de tout un vocabulaire dont l'art entier s'est servi après lui.

Maisce courage inventif va de pair chez Braque avec l'élégance sinueuse du dessin tout en courbes et en contre-courbes ; la justesse de la couleur un camaïeu mordoré où les valeurs suggèrent l'atmosphère et où l'unité estgrosse de la diversité des nuances ; l'exquisité de rythmes mozartiens ; la justesse des dimensions subtilementproportionnelles et clairement mesurables ; l'exactitude attique, enfin, des constructions.

C'est dire que sestableaux sont vraiment des tableaux, des objets organiques, dont l'essentielle autonomie se voit encore accrue parla facture du peintre, dont la pâte nourrie, diverse, savoureuse, unit abondance et légèreté, décision et délicatesse,générosité de maître-artisan et souci, bien français, d'économie, de “ rien de trop ”.

Mais ces tableaux-objets nesont pas, pour autant, objets abstraits et morts : un amour les anime, celui de Braque pour les choses, les humbleschoses des existences quotidiennes, qu'il sent si profondément qu'il arrive, comme Chardin, et en dépit de la mêmeapparente objectivité, à en dire la vie secrète, et à faire même oeuvre de peintre sacré.

Une guitare, une cruche,un pot à tabac et c'est assez pour qu'il exprime l'ineffable mystère du monde, et qu'il rende sensible au regard et aucoeur l'essence surnaturelle de la nature créée.

Aucun hasard, dans tout cela.

Un art voulu, et qui sait, pouratteindre le but qu'il se propose, celle de ses ressources qu'il sied de mettre en oeuvre : la science de Braque et saparfaite connaissance des exigences de son métier sont au service d'une lucidité qui calcule ses effets, avec Desouci dominant, non pas de frapper fort, mais de frapper juste et avec discrétion.

Et ce qu'elle veut d'abord, c'estcacher son travail et sa virtuosité, pour atteindre au naturel, un naturel si pur que l'idée fixe de cet inventeur hardiest de dissimuler sa hardiesse.

Aucun esprit d'agressivité, chez lui.

L'originalité se réclame de la tradition.

Plus qu'àl'étonnement, il vise à la plénitude.

Et sa devise pourrait être celle du musicien Rameau : “ Cacher l'art par l'artmême ”, afin d'arriver à la suprême aisance, et à cette perfection si parfaite du classicisme, qu'elle semble naturelle,nécessaire même, inévitable.

Il faut être très grand pour mettre ainsi tous ses efforts à ne point le paraître.

Grandet bien élevé : la peinture de Braque est la suprême fleur d'une vieille culture très raffinée qui, même dans sesrajeunissements, reste courtoise, rare et attique : la séculaire culture française. L'oeuvre de Braque OEuvre très abondante.

Chronologie très précise.

Nous citons les oeuvres les plus accessib1es ou les plusimportantes 1904 UN PARC A HONFLEUR (Musée du Havre).. »

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