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LES ARTS DE L'AFRIQUE NOIRE

Publié le 17/01/2022

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Clôturer dans un concept ce qui, parfois encore, est nommé « l'art nègre «, c'est refouler l'extrême variété, formelle et signifiante, qui caractérise les produits sculptés ou peints ou tissés du Continent Noir. Certes, les arts africains se laissent parfaitement grouper en une série, très étendue, mais homogène, qu'un premier regard différencie des arts asiatiques, européens, pré-colombiens ou océaniens, en une série qui, produisant une esthétique aux contours assez nets, se caractérise par un fonctionnement original de ses constituants au sein des groupes sociaux.

 

« toutes nationalités, pour déporter les esclaves outre-Atlantique.

Dès lors : les rapports entre les royaumes africains se trouvent gravement perturbés : les guerres se multiplient, dont l'objectif principal est de faire des prisonniers qui seront, ensuite, revendus aux Européens.

De ce fait : les structures, sociales et politiques, des Etats africains, subissent de profondes modifications .

Et surtout : les sociétés où s'ap­ provisionnent les trafiquants de «bois d'ébène» se voient dépossédées de leurs meilleurs élé­ ments : des hommes et des femmes les plus ro­ bustes et les plus résistants, les plus intelli­ gents et, souvent, de leurs responsables politi­ ques ou religieux.

Elles se désagrègent ou se re­ ferment sur elles-mêmes, sur leur singularité.

L'on pourrait même se demander si l'ésotérisme - que l'on prête à certaines cultures africaines - ne fut pas aggravé par une méfiance accrue à l'égard de l'étranger et par le souci de sauve­ garder leur identité culturelle.

Si la traite, à laquelle, pratiquement seule, l'Afrique a payé un lourd tribut fut un véritable génocide qui dura plus de trois siècles, elle fut aussi un authentique ethnocide qui se perpétua bien après l'abolition de l'esclavage, en 1848.

Au x1x• siècle , l'Europe redécouvre une Afri­ que matériellement ruinée, moralement épuisée.

En pleine expansion économique, et assurée de sa supériorité technologique, elle élabore une idéologie qui pose ses valeurs propres · com­ me seules authentiques et universelles.

Elle se donne ·une « mission civilisatrice » et tient dans le mépris les œuvres dont le style ni les idéaux ne relèvent pas de la tradition classi­ que gréco-romaine ni de la.

Renaissance occi­ dentale.

C'est à ce moment que le concept d' « art primitif » apparaît dans le contexte d'un évolutionnisme culturel articulé à la notion de progrès scientifique et technique .

Ce concept devait .

être des plus néfastes : par ses implica­ tions théoriques et par ses conséquences.

En posant le principe de l'ànonymat des artistes, de la subordination de l'art aux fonctions reli­ gieuses ou magiques, l'absence de toute histoire, en faisant donc de la sculpture africaine une expression spontanée de l'inconscient collec­ tif.

il devait, pendant longtemps , paralyser toute recherche positive.

Deux événements devaient, cependant, inter­ venir qui corrigèrent, à moyenne échéance, l'optique occidentale.

Le premier de ces événements fut constitué par l'expédition punitive anglaise qui, en 1898, razzia, au Bénin, la quasi-totalité des statues et plaques en bronze, entreposées dans des han­ gars de la capitale, près des palais royaux, et servant encore à l'époque d'archives pour le royaume.

Ces œuvres furent vendues à quelques-uns des grands musées d'ethnogra­ phie de l'Europe.

Elles s~scitèrent aussitôt une abondante littérature (Read et Dalton; Pitt­ Ri vers; von Luschan; Marquart) qui s'étonna du très haut degré de technicité atteint dans la fonte du bronze et de la qualité artistique des œuvres rassemblées.

Immédiatement - car à l'époque, l'on ne pouvait imaginer ni conce­ voir qu'un peuple « primitif » p(Jt atteindre, seul, ce degré d'excellence - les savants pro­ posèrent l'hypothèse d'influences gréco-romai­ nes, ou italiennes (du XII• siècle) ou portu­ gaises (XV •- XVI• siècles).

Les découvertes en­ registrées par l'archéologie devaient, cependant, dès 1910, prouver que la fabrication de ces pièces était bien originale, d'inspiration et de technique authentiquement africaines.

Et qu'elle fut initiée à lfé dès le IX•-X• siècles, au Bénin, dès le XIII"-XIV• siècles .

Le deuxième événement fut l'étude de l' « art nègre » - opérée à Paris par Vlaminck, De­ rain, Matisse , Picasso, Braque et Gris, dès 1905; à Dresde, à peu près à la même époque, par les peintres expressionnistes du groupe « Die Brücke » (Kirchner, Schimdt-Rottluf, Pechs­ tein) et par Emil Nolde; et un peu plus tard, à Prague, par le sculpteur Otto Gutfreund.

Mais étudiant une même leçon, celle des sculpteurs africains, les artistes appartenant à ces deux grands groupes en ont reçu une impulsion ini­ tiale distincte.

Et ils en ont fait une lecture différente.

L'expressionnisme allemand reven­ dique explicitement une conception de l'art qui repose sur les significations et les valeurs symboliques et affectives.

Les peintres qui vivent et travaillent à Paris se proposent, au contraire, de constituer des faits plastiques.

A ces deux orientations esthétiques, corres­ pondent très précisément deux modes de lecture et d'intégration de la sculpture africaine à la problématique artistique des a·nnées précédant la Première Guerre mondiale.

1 - L'expressionnisme allemand apparaît au sein d'une situation historique et sociologique qui, en partie, peut l'expliquer .

Le développe­ ment brutal de l'industrie lourde, l'urbanisa­ tion soudaine devaient créer, en Allemagne, un conflit aigü entre des habitudes mentales encore archaïques et les conséquences résul­ tant de l'édification rapide d'une société tech­ niquement moderne (E.

Vermeil; R.

Min­ der).

Ce conflit, sans précédent dans l'his­ toire allemande, se traduit, presque immédia­ tement, par une contestation de la « civilisa­ tion » que l'on oppose à la « culture ».

Les conséquences de l'expansion coloniale - qui se produit dans le même temps - devaient de leur côté, agir en profondeur sur le mouve­ ment des idées.

La statuaire et les masques africains furent, par les artistes allemands, immédiatement in­ terprétés en fonction d'un milieu psycho­ logique et historique spécifique.

Leur intégra­ tion à la peinture et à la sculpture expression­ nistes fut opérée dans une double perspective et répondait .

à un double but : expliciter les significations extra-plastiques par des réfé­ rences symboliques et révéler des conceptions ou des attitudes sentimentales.

Ainsi : une ambiance « mystérieuse » et « magique » est-elle créée par la présence, au plan de l'i­ conographie, d'objets qui les connoteraient.

Par le réseau des significations qui leur sont extérieurement attribuées, ces objets doivent renvoyer à un arrière-plan irrationnel dont l'œuvre n'est que le véhicule.. »

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