LES «BATAILLES» D'UCCELLO
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
chant presque le bord du tableau.
Je reste du
corps s'enfonçant dans la profondeur.
Ce trai
tement, dit •en raccourci •, se répète dans la
Bataille de Florence : deux chevaux gisent sur
le sol, à l'avan t de la composition, jambes
repliées , ventre exposé, leurs cavaliers en
armu re renversés avec eux et réduits, par le
point de v ue insolite choisi , à un emp ilement
complexe de pièces de métal.
Dans le même
tableau , à droite, un cheval qui rue , vu de dos ,
permet au peintre de traiter l'animal par des
formes géométriques simples : le cercle et la
sphère expriment les différentes parties du
corps - le ventre, la queue, et les jambes
arriè re en raccourci, montrées par dessous.
L 'utilisation du cercle, avec ses dérivés,
s'impose d'
ailleu rs un peu partout dan s les
trois tableaux, norme abstraite surimposée à la
grille, perspective formée par les lances ou les
éléments de pelouse.
Elle inspire le dessin des
couvre-chefs précieusement damassés portés
par Niccolo da Tolentino dans la Bataill e de
Lond res et par Micheletto da Cotignola dans
celle de Paris, comme elle sert à traduire la
forme des panaches sur ce même panneau -
d 'invraisemblables dômes
de plumes dont
Piero della Francesca reprendra l'idée , aussitôt,
dans les fresques de San Francesco d'Arezzo.
L'obsession du cercle détermine surtout la pré
sence de nombreux et étonnants mazz occh i, des
couvre-che f s en forme de couronn e ou de tur
ban rigide, faits d'une struc ture d 'osier que l'on
recouvrait de t issu.
Quatre de ces mazzocchi
sont représentés dans la Bataill e des Offices ,
deux autres sont peints dans celle de Paris.
Le dernier des tournois
Ornées de bandes diagonales ou plus souvent
d'un décor à facettes formant damier, ces
paru res de tête sont de purs morceaux de bra-
voure , dans lesquels l'artiste montre combien
il excelle à résoudre les problèmes de géomé
trie dans l'espace.
Elles introduisent dans les
trois Bataille un élément d 'irréalité, faisant de
ces descriptions de fait s de guerre moins les
reconstitutions d'un épisode histo rique que la
chronique rêvée d'u ne guerre ancienne.
Les
circonstances de la commande des panneaux
expliquen t ce traitement.
Au milieu des
années 1450 , Cosme de Médicis , que l'his
toire surnommera Cosme l'An c ien , est au
terme de sa carrière.
Il entend célébre r par des
œuvres d'art l'événement qui, dix-huit ans
plus tôt, cont ribua à faire de lui le chef
suprême
de Flore nce, a insi que l'homme ,
Niccolo da Tolentino, son ami décédé, par qui
la victoire arriva.
Mais , entre 1432 et 1455
environ, d'autres événements militaires sont
intervenus,
que Florence serait en droit de
célébrer plu s opportunément que cette
bataille déjà ancienne.
Aussi le décor que le
vieil homme commande à Uccello corres
pond -
il davantage à une commémoration
intime , enti èrement libre par rapport à la r éa
lité , qu'à une célébra tion pub lique.
remp lacement des panneaux , qui encadraient à
l'origine le lit de Cosme , confirme d'ailleurs
cette destination exclusivement personnelle.
Les couleurs extraordinaires des peintures, avec
leurs chevaux bleu -vert , jaunes ou orangés , la
technique , déjà archaïque à l'époque d 'Uccello ,
de la dorure ou de l'argenture à la feuille , qui
sert au peintre pou r représente r les plaques de
métal sur les harnais des chevaux ou les élé
ments des armures , tout cela contribue à don
ner l'impression d 'une vision idéale plus que
d 'une description r éelle.
Ces cavalie rs trop
parés, trop preux , qui combattent dans un
désordre trop subtilement arrangé , sont une
apparition de rêve.
En arrière du tableau des
La Bataille de San Romano,
Paolo Uccello, 1456-1460 (Florence , galerie des Offi ces) .
Paolo Uccello
Paul « des Oiseaux », ainsi sur
n ommé à cause de l'amour qu' il por
tait à ces animaux, est né à Prato
v ecc hio, prè s d'Arezzo , en 1397 , et mort à Floren ce en 1475 .
Formé auprès du sculpteur floren tin Ghiberti , il trav ailla également à Veni se (1425 ).
Padou e (1445) et Urbino (1465 -1469 ).
Ses œuvres,
peintes sur bois ou à fresque , mon
tr e nt toutes la même préoccupa
tion d' un e géom étri e rigoureuse,
et notamment d' une organ isation
p e rsp ective .
L'ar tiste a repré senté plusieurs
fois des thè mes en rapport avec la
chevalerie : que ce soit dans le por
t rait équ est re du c hef de guerre Giovanni A cuto (Florence , Santa M a ria del Flore ), dan s des ta ble aux
repré sentant Saint Georges et le
dragon , ou dan s les Bataille de San Romano.
Offices , les lièvres qui fuient en tous sens, pour
sui vis par un chien, rappellent , non pour la
décrire concrèteme nt, ma is pour l'évoquer de
façon tout aussi poétique et ludique, l 'autre
occupation des beaux c heva liers de jadis : la
c hasse , la véne r ie.
Ainsi, au lointai n des
batailles comme au premier plan, la narration
cède le pas à la fable , l'épopée militaire à la
célébration d'une civilisation disparue à jamais.
Voir a u ssi : p.104-105 (La Légende de la vraie
Croix)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- CONFESSIONS ET BATAILLES (résumé & analyse)
- BATAILLES PERDUES (Les). Louis Guilloux (résumé)
- ENTRE LES BATAILLES Bjornstjerne Bjornson (résumé)
- Portrait équestre de John Hawkwood [Paolo Uccello] - étude du tableau.
- Uccello, Paolo - vie et oeuvre du peintre.