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LES CAPITALES DE L'Opérette de 1900 à 1909 : Histoire

Publié le 27/12/2018

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«Apollon soit loué! L'opérette se meurt! Elle se meurt, elle est morte!» se serait écrié Catulle Mendès au tournant du siècle. Et de fait, en 1900. l’opérette — ce genre auquel Jacques Offenbach donna d’emblée ses plus farfelus chefs-d'œuvres nationaux — connaît en France un regain de faveur.

 

La saison 1899-1900 est à ce titre tout à fait symptomatique : à l'affiche, beaucoup de reprises et peu de créations. Parmi les reprises. Offenbach bien sûr (la Belle Hélène. 1864; les Brigands, 1869), l’irremplaçable, le seul génie que le genre ait produit en France, disparu depuis vingt ans déjà; puis ses héritiers de la génération suivante, héritiers pas toujours spirituels, mais bien dans le goût du jour: fleur bleue, flonflons et couplets cocardiers. Ainsi Charles Le-coq et sa Fille de Madame Angot (1872), Robert Planquette et ses Cloches de Corneville (1877), Louis Varney et ses Mousquetaires au couvent (1880), Edmond Audran et sa Miss Helyett (1890), Victor Roger et ses Vingt-Huit Jours de Clairette (1892). Ces reprises, toujours plus fréquentes, constituent un fonds de répertoire qui tourne bien, mais tourne en rond. Lorsque meurent Audran en 1901, Planquette et Victor Roger en 1903, Gaston Serpette en 1904 et Louis Varney en 1908. l'opérette, genre bouffe et lyrique tout à la fois, semble ne plus avoir d’avenir. Car, parmi les créations de quelque importance, on ne compte guère en 1900 que la Petite Femme de Loth de Claude Terrasse.

 

Les incertitudes du genre

 

En cette Belle Époque, riche en événements musicaux, l'opérette tend à se fondre dans deux genres opposés: l'opéra de demi-caractère où triomphe le talent facile de Jules Massenet, et le vérisme à la française d’Alfred Bruneau (sur des livrets d’Émile Zola) et de Gustave Charpentier (Louise, 1900); ou bien, en d’autres lieux, les variétés du music-hall. La situation des deux grands compositeurs d'opérette de cette génération, André Messager et Claude Terrasse, illustre bien cette rivalité du lyrisme et de la fantaisie débridée, devenus inconciliables au sein d'un genre qui se doit pourtant de les mêler avec brio. Messager est fort absorbé par la direction artistique de l'Opéra-Comique, puis par sa nomination au poste de directeur de l’Opéra. Cela n’est pas sans infléchir ses œuvres, assez fines, vers le

 

«grand genre». De nombreuses partitions de sa plume entrent au répertoire (François les Bas bleus, la Basoche, les P'tites Michu) et Véronique, créée le 10 décembre 1898, devient l'emblème de l’opérette modem’ style; mais après les Dragons de l'impératrice (1905) et Fortunio (1907). les charges de Messager vont l'éloigner de la composition pour une quinzaine d'années. Quant à Claude Terrasse, qui offre un exemple non moins significatif, il s'oriente vers le music-hall, le vaudeville à couplets (il collabore avec Courteline et fournit à Alfred Jarry la musique d'Ubu roi), la parodie d’inspiration historique ou mythologique (ce en quoi il renoue avec Offenbach). Il obtient ainsi le succès, redonnant au genre bouffe des œuvrettes dont les titres sont, à eux seuls, tout un programme: la Petite Femme de Loth, les Travaux d'Hercule, la Fiancée du scaphandrier. Péché véniel, Paris, le Bon Juge, M. de La Palisse, le Sire de Vergy, Pantagruel... Créées le plus souvent sur des livrets de Tristan Bernard, de Franc-Nohain ou du marquis de Fiers et de Gaston Arman de Caillavet, avec Marguerite Deval, Polaire ou Max Dearly, plus fantaisistes que grandes voix, les opérettes de Terrasse s’installent délibérément dans les parages du music-hall.

 

Dès cette époque donc, l’opérette française est confrontée à un dilemme qui ne fera que s'aggraver après 1918. Elle pourra rechercher le parrainage de musiciens «sérieux» ou venus de la musique savante (d’Indy, Pierné, Ravel. Roussel, Messager qui revient au genre dans les années 1920, Reynaldo Hahn, Louis Beydts), au risque de perdre sa spécificité et, en renonçant au savant alliage d'humour et d'élégance, de se confondre avec l’opéra-comique et de se couper du succès. Elle pourra aussi devenir une formule plus intimiste ou moins décousue de revue de music-hall avec des compositeurs comme Chris-tiné ou Scotto qui, en 1900, ne sont encore que des pourvoyeurs de chansonnettes. La postérité ne retiendra pas une page de Terrasse (oubli injuste ou justifié?); quant aux quelques petits maîtres comme Louis Ganne (les Saltimbanques, le Joueur de flûte toujours au répertoire) et Henri Hirschmann (sa Petite Bohème de 1905 «profita de la sympathie universelle pour l'œuvre de Puccini»), ils perpétuent vaille que vaille ce genre «bien français» qui pourtant, de semaine en semaine, cède le pas à l’étranger.

 

Scènes étrangères

 

Car en Espagne, la zarzuela est en plein âge d’or. Parmi les innombrables fournisseurs du genre qui servent à partir de 1850, on distinguera Ruperto Chapi, mort en 1909, auteur de la Patria chica et de cent cinquante autres ouvrages, Chueca et Gerônimo Jiménez, qui meurent en 1908, Tomâs Breton, Jésus Guridi et enfin José Serrano.

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« FRANZ LEH�R � Joyeuse LES CAPITALES DE L:OPÉRETTE.

L'opértllt viennoise exporte ses refrains aux quatre coins du monde avec la Veuve joyeuse de Franz Lelu!r.

©Jean· Loup Clrarmet Londres, malgré la disparition, en 1900, de sir Arthur Seymour Sulli· van, le gentleman de l'opérette british, fait triompher jusque sur les scènes parisiennes la Geisha de Sidney Jones en 1898, Coumry Girl et Quaker Girl de Lionel Moocktown en 1904 et 1911, le Toréador de Moncktown et Yvan Caryll en 1905 et Florodora de Leslie Stuart en 1903.

Il n'est jusqu'aux Américains (auxquels nous avions dépêché la G ran de-D uc hes se de Gérolstein d'Offenbach dès 1867) qui n'ex· portent sur la scène du Moulin-Rouge, en 1903, 1a Belle de New York de Gustave Kerker.

Il est vrai, toutefois, que, malgré John Philip Sousa, «roi de la musique américaine et du cake-walk>t aux dires de Claude Debussy, et George M.

Cohan, le «Yankee Doodle Dandy» dont le dynamisme annonce les musicals à venir, l'opérette américaine demeure sous influence française.

Elle se doit toujours, en 1900, de personnifier, avec des divettes comme Anna Held (épouse de Aorenz Ziegfeld juste avant l'âge des FoUies), le charme français ou l'idée qu'on s'en fait à New York à travers les «comédies parisiennes» qu'elle interprète (The Little Duchess, Mam'selle Napoleon, The Pari· sian Mode/, Mi s s Innocence).

Et les partitions de Reginald Dekoven et surtout de Victor Herbert, qui règne sur le genre, n'ont pas encore trouvé ce qui, avec le ragtime et la blue note, fera la spécificité de l'opérette américaine quelques années plus tard.

Leur oreille est en· core dirigée vers Paris - où, ils l'ignorent sans doute, l'opérette est en crise -et surtout vers Vienne.

Vienne et l'Empire central où toute une génération de futurs princes du musical américain défait ses at· taches, ces émigrants ou fils d'émigrants qui ont nom Rudolf Friml, Sigmund Romberg, Jerome Kern, Irving Berlin, George Gershwin.

L A BELLE ÉPOQUE VIENNOISE Pour l'heure, Vienne voit triompher à Paris, en avril 1904, la Chauve-Souris, trente ans après sa création autrichienne, cinq ans après la mort de son auteur, l'empereur de la valse: Johann Strauss fils.

Vienne qui, en 1874, avait suivi Paris, puisque Offenbach en personne était venu inciter Strauss à écrire une opérette alors que celui-ci n'était que l'auteur d'un Beau Danube bleu et de trois cents autres valses.

Vienne qui maintenant mène la danse.

Car à la suite de Die Lustige Witwe (la Veuve joyeuse entre autres traductions de l'ou­ vrage en tchèque, norvégien, russe, italien, anglais, espagnol, sué­ dois, croate, polonais, portugais, letton, finnois !),l'invasion viennoise e st irrépressible.

Le public français a pourtant attendu près de quatre ans (Paris en 1909 après Vienne en 1905) la rencontre avec cette Veuve florissante et capiteuse qui a déjà recueilli 19 000 suffrages auprès du public, entre Zagreb et Melbourne.

On a eu beau lui reprocher trop de sensualité, trop de valses et trop de musique ( !), attiser l'ire xéno- phobe de certains cénacles franco-chagrins, susciter des parodies (la Veuve pas joyeuse, la Veul'e soy ett se, la Veul'e tragique, la Veuve fri· leuse, Ni veu1•e ni joyeuse, et même un Veuf joyeru), Vienne après Paris, avant New York, est la nouvelle capitale de la musique légère.

Après Franz von Suppé, le précurseur, puis la génération de Strauss et de Carl Millôcker (morts respectivement en juin et en décembre 1899) ou encore de Carl Zeller (mort en 1898), l'opérette viennoise a retrou­ vé un maître et un second souftl.e en Franz Lehar, l'heureux père de cette Veuve.

Peu d'humour ou de satire, ce n'est guère le propos du genre viennois, mais une grâce ct une luxuriance mélodique qui en font «le Puccini de l'opérette>>, les deux hommes s'estimant d'ailleurs profondément.

Une valse, de Franz Lehâr déjà, l'Or et l'Argent, a fait entrer le siècle dans le tourbillon; les valses lentes, hésitation ou bostons du Comte de Luxembourg (1909) vont griser les danseurs de motifs harmoniques quasi straussiens à la façon du Richard Strauss du C hev ali er à la rose, cédant à la décadence qu'annonce toujours un trop ostensible raffinement.

À l'heure de la débâcle pour l'Autriche-Hongrie, Leh. »

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