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LES FRÈRES LIMBOURG

Publié le 20/05/2012

Extrait du document

Dans les scènes du calendrier, Beauneveu et Jacquemart de Hesdin suivaient l'iconographie traditionnelle et se bornaient à peindre de petits médaillons. Sous une lunette en demicercle où roule le char du soleil (un motif inspiré des médailles que Pol avait empruntées aux collections du duc), voici maintenant en pleine page, en de petits tableaux, les occupations des nobles et des vilains. Prétexte facile à glorifier le prince autour de qui toute vie s'ordonne. Les uns après les autres, ses châteaux, ciselés comme des châsses, servent de fond aux plaisirs et aux travaux des mois : Vincennes où il naquit, Riom, capitale de son duché d'Auvergne, ...

« la peinture murale, en particulier de la Chute des anges rebelles qui montre, précipitées du ciel, les créatures déchues s'enfonçant dans l'abîme en un gigantesque tourbillon d'ailes d'or frémis­ santes, de longues tuniques bleues et de corps révulsés.

Un frère de Pol, Herman, peut-être, plus tard venu et qui semble davantage imprégné de l'esprit septentrional, serait l'auteur de plusieurs scènes de la vie du Christ.

C'est du moins ce que suppose M.

Luzzato, qui attribue à un Italien vivant dans l'entourage des trois frères une série de peintures- quitte à donner seulement au dernier des Limbourg une partie des petites scènes et du décor des marges.

Mais on voit malJeannequin portant le titre de valet de chambre du duc, s'il s'était montré seulement capable de menus travaux, d'ordinaire confiés à des aides.

On imagine plus mal encore les Lim­ bourg tenant dans l'ombre de leur atelier un maître de taille à peindre des chefs-d'œuvre.

L'es­ prit de la peinture italienne avait pénétré depuis longtemps la France et, avec lui, bien des influ­ ences orientales.

Sur les miniatures de Pol de Limbourg lui-même, passe comme un air tiède venu d'outre-monts.

Dans les scènes du calendrier, Beauneveu et Jacquemart de Hesdin suivaient l'icono­ graphie traditionnelle et se bornaient à peindre de petits médaillons.

Sous une lunette en demi­ cercle où roule le char du soleil (un motif inspiré des médailles que Pol avait empruntées aux collections du duc), voici maintenant en pleine page, en de petits tableaux, les occupations des nobles et des vilains.

Prétexte facile à glorifier le prince autour de qui toute vie s'ordonne.

Les uns après les autres, ses châteaux, ciselés comme des châsses, servent de fond aux plaisirs et aux travaux des mois : Vincennes où il naquit, Riom, capitale de son duché d'Auvergne, Paris et la Sainte-Chapelle, tels qu'il les voyait des fenêtres de son hôtel, Mehun-sur- Yèvre, Etampes, Dourdan, Poitiers, qui conservaient ses œuvres d'art, d'autres encore.

Admirable prétexte, surtout, à dire avec un sentiment tout neuf la nature et ses métamorphoses: les terres couvertes de neige en février, quand le manant se chauffe auprès du feu, l'herbe tendre en mars, dans les prairies où d'élégants seigneurs s'en vont cueillir les fleurs en devisant d'amour, jeunes frondaisons dans les bois traversés par la cavalcade du « vert may », moissons jonchées de coquelicots et de bleuets, forêts jaunies par l'automne où les chiens forcent le sanglier, tandis que le chasseur sonne du cor, scènes vécues et familières, où le détail réaliste met un accent de vérité, mais où le pay­ san paraît ne point peiner, où les faneuses ont des mouvements nobles et mesurés, et qui restent d'une élégance aristocratique, comme d'éblouissantes et fraîches féeries.

Tableaux charmants avec leurs perspectives étagées, encore soumis aux lois de la peinture murale et à cel.les de la décoration du livre, mais qui montrent un sens très sûr de la composition et rapprochent avec l'audace la plus tranquille les rouges vifs ou les bleus profonds des mauves et des gris les plus subtils.

Art savant qui se découvre et qui s'ignore, où le peintre s'enchante de la profondeur du ciel, de l'éclat des ors et des étoffes, de l'harmonie d'un geste et de l'ampleur d'un drapé, mais ne s'y attarde jamais, comme feront les Flamands, à décrire un bijou, à étudier le jeu des muscles, à soupeser une étoffe.

Peinture calme et lumineuse, et pourtant chargée d'une secrète mélancolie, - art singulier, où s'allient pour un instant, au début de ce siècle, la sensibilité du Nord et la finesse parisienne, les traditions gothiques et les sortilèges de l'esprit nouveau.

JACQUES GUIGNARD Conservateur adjoint à la Bibliothèque nationale Paris. »

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