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NAISSANCE DU TNP - L'histoire du TNP: Théâtre National Populaire

Publié le 13/12/2018

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Un HOMME

 

L'histoire du TNP s’incarne si parfaitement dans la personne de Jean Vilar que le public la voit habituellement naître des mains de ce maître de la scène française. Or la naissance du TNP de Jean Vilar a été précédée d’une longue gestation. Dès 1920, c’est Firmin Gémier qui ouvrait la voie et inventait le nom sous lequel allait définitivement se placer cette aventure: officiellement le TNP avait vu le jour! Mais pendant trente ans, l’action de ce nouveau théâtre resta à l’état embryonnaire. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que, grâce au puissant attrait que suscite le spectacle parmi la population, l’heure semble enfin venue de poser la question d’un théâtre national et populaire digne de ce nom. À cette question Mme Jeanne Laurent, sous-directrice des spectacles à la Direction générale des arts et lettres, allait permettre d’apporter une réponse décisive : avisée et perspicace elle exhuma une ancienne étude établie par Charles Dullin, dans les années trente, sur les conditions d’un théâtre à vocation populaire. Elle comprit aussitôt qu’il y avait à cela une condition qui contenait toutes les autres: savoir choisir celui à qui serait confiée la mission de donner vie à cette entreprise, et surtout de lui inspirer son esprit. Or cet homme providentiel existait bien, et depuis quelques années déjà, Jeanne Laurent le suivait dans ses efforts pour reconstituer un théâtre de très haute tenue artistique ouvert à un public largement étendu: Jean Vilar était cet homme, jeune encore autant par l’âge (il avait à peine trente-sept ans en 1950) que par son œuvre, qui était dans ses commencements. La pièce de Thomas Stearns Eliot, Meurtre dans la cathédrale (qui obtint en 1945 le prix du Théâtre pour sa mise en scène), avait révélé la personnalité complexe, étonnamment étudiée, du comédien qui paraissait dans sa longue personne, ses grandes mains dessinant des gestes savants, son visage émacié aux lèvres minces où le sourire semblait ne jamais pouvoir se former.

 

Mais c’est surtout en fondant le festival d’art dramatique d'Avignon, durant l’été 1947, que Vilar avait permis au grand public de découvrir ses talents de metteur en scène et d’homme de théâtre complet. L’esprit du TNP, avec ses méthodes et ses conceptions, s’est forgé ici dans la «marmite» d'Avignon. Par la suite, entre le festival et le TNP, la relation organique ne s’interrompra jamais (les spectacles créés à Paris seront représentés à Avignon au cours de l’été suivant). Dans la cour d’honneur du palais des Papes, cette salle de pierre donnant sur le ciel, c’est déjà toute l’âme du futur TNP 

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« NAISSANCE DU TNP.

En juil/er 1951, Jean Vilar présente le Prince de Hombourg au fesrival d'Avignon.

Ci-contre: Jeatmt Mouau tn cos ru mt de scbrt.

© By Agnès Varda, cio C.D.

D.S.- Enguerand NAISSANCE DU TNP.

Jean Vilar devant le po/ais de Cha il/or.

© By Agnès Varda, CIO Enguerrand Vilar crée donc sa compagnie de comédiens, tous prêts à sacrifier au feu sacre du théâtre.

La vie de cette troupe, sous la direction et la férule du maître des lieux, est singulièrement rude: il ne faut pas une médiocre constance aux comédiens pour supporter le rythme effréné des représentations, des répétitions, des alternances et des tournées ...

C'est cependant ce milieu de grande ferveur créatrice, sur lequel Vilar faisait peser une exigence professionnelle parfois ter­ rible, qui favorisa l'accomplissement des talents de comédiens les plus représentatifs de l'époque.

Parmi tous ces comédiens qui ont accompagné Jean Vilar dans cette aventure du TNP, le nom de Gérard Philipe brille, au­ jourd'hui encore, d'un éclat tout particulier.

Il semble que l'œuvre de Jean Vilar, au TNP oomme à Avignon, eût été imparfaite s'il n'avait pas rencontré celui qui put incarner sur la scène son grand dessein théâtral: Gérard Ph1lipe apporta sa sincérité, sa fougue, sa candeur bouleversante, cette grâce enfin qui provoqua l'affection immédiate du public.

En 1950, le cinéma lui avait déjà donné une célébrité internationale.

Il vint cependant à Avignon, avec l'humilité du jeune débutant, prier Jean Vilar de le mettre en scène dans le Cid.

Le Prince de Hombourg, Lorenzaccio, Ruy Bias ...

lui of­ frirent ensuite l'occasion d'inoubliables compositions, généreuses jus­ qu 'au pathétique, dans lesquelles bien des jeunes spectateurs se retrouvèrent.

Mais c'est à l'immortel personnage du Cid que Gérard Philipe sut idéalement s'identifier.

Et quand le comédien s'éteignit en 1959, à peine âgé de trente-sept ans, il semblait insupportable à la grande foule du TNP de ne plus entendre cette voix aux accents si humains déclamer les vers du grand Corneille.

Mais le souvenir de Gérard Philipe ne saurait faire oublier les noms de tant de comédiens que le TNP sut accueillir ou former: Daniel Sorano, l'un des plus beaux talents de sa génération, qui par sa personnalité tourmentée et si pittoresque, était naturellement porté aux grands rôles tragi-comiques; les spectateurs lui firent un mémo­ rable triomphe pour sa composition du Sganarelle de Dom Juan.

Alain Cuny, l'ami de Paul Claudel et d'Antonin Artaud, qui, dès le premier festival d'Avignon, mit au service de Vilar la majesté d'un physique éminemment tragique, ainsi qu'une science de la diction et de l'expression théâtrales; Georges Wilson, qui eut la charge de suc­ céder à Vilar, Jean Le Poulain qui fut certes un pensionnaire éphé­ mère mais dont l'exubérance fit merveille dans les personnages de Ghelderode; ou encore Daniel Ivemel, Philippe Noiret et bien d'autres.

Parmi les comédiennes, on rencontra souvent une jeune transfuge de la Comédie-Française, Jeanne Moreau, ou Silvia Mon­ fort à la voix grave et envoûtante, et la chanteuse Germaine Montero qui composa une admirable Mère Courage ...

Mais la personnalité féminine qui domina alors sur la scène du TNP fut celle d'une jeune femme brune, très pâle, incarnant le type parfait de la tragédienne moderne: Maria Casarès dont le film de Carné, les Enfants du para­ dis, avait mis en valeur le regard si éternellement triste.

UN PUBLIC Ce qui a rapproché et relié intimement tous ces comédiens, c'est la passion que Vilar suscitait en eux au service de l'œuvre théâ­ trale, dans le respect absolu du texte.

Car, dans l'esprit du directeur du TNP, la vocation populaire consistait d'abord à représenter les plus grands auteurs du répertoire, classiques ou contemporains: de Molière à Brecht, de Shakespeare à· Giraudoux, de Corneille à Sartre, c'est avec de tels auteurs que le TNP a produit les grandes soirées qui ont fait courir les foules vers l'immense salle de Chaillot.

Respect de l'auteur, ferveur de l'acteur, il reste encore, disait Vilar, le "troisième bonhomme dont tout depuis toujours dépend: le public».

Ce «troisième bonhomme» qu'il cherchait à conquérir, c'est ce spectateur, rencontré dans l'assistance populaire la plus large pos­ sible, auquel le théâtre demande plus que le prix du billet d'entrée.

Un tel public, cependant, ne se gagne qu'à la faveur d'aven­ tures de création dont il sentait que l'issue dépendait aussi de lui.

C'est précisément ce qui se produisit alors avec le TNP de Vilar: le public y reconnaissait son théâtre, au destin duquel il se sentait lié, au même titre que l'auteur ou le comédien.

Ce rare succès, Vilar ne l'a pas obtenu en empruntant les voies les plus faciles.

L'extrême rigueur de son art et la recherche constante du dépouillement l'ont entraîné dans une économie de moyens jusqu'à l'extrême dénuement: ne restait plus sur scène que la puissance de l'acteur, livrée à celle du texte.

L'application de ces principes, éprouvés dans la simplicité des murs solennels du palais des Papes, fut la source d'une profonde rénovation du théâtre: dépouillé des conventions et des artifices, il redonnait sa dignité au chant du poète.

_ On a souvent reproché aux représentations de Vilar de man­ quer de spontanéité et d'exubérance, d'avoir sacrifié le caractère céré­ monial et l'aspect magique du théâtre.

C'est sur ce chemin-là, pour­ tant, que le TNP a rencontré son vaste public: sa magie n'aurait-elle pas consisté à retrouver l'exaltation populaire au moyen de la plus extrême rigueur et du plus sévère dépouillement? Après une expérience de près de dix années, on pouvait considérer comme aboutie l'ambition d'un authentique théâtre natio­ nal et populaire, dans sa conquête du public pour les grandes œuvres.

De ce point de vue, le TNP a été l'un des événements culturels majeurs de ces années cinquante, mais il a aussi marqué, pour tou­ jours, l'avenir du théâtre français.. »

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