UN DIMANCHE À LA GRANDE JATTE
Publié le 14/09/2014
Extrait du document
«
Georg e Seurat ,
Un dimanche après -midi
à l' île de la Grande J att e.
composition finale.
Scrupuleusement,
il
repère les lieux et étudie vêtements et embar
cations point par point.
Il est même si respec
tueux de la vérité du motif que l'un de ses
proches, le peintre Angrand, rapporte cette
anecdote : •Comme l'herbe d'été vigoureuse
devenait haute sur la berge et l'empêchait de
voir une barque qu'il avait mise au tout pre
mier plan - et qu'il se plaignait de ce contre
temps - je fus lui rendre ce service de couper
l'herbe, car je ne suis pas loin de penser qu'il
allait sacr ifier sa barque.»
Sujet contemporain, obse rvation minutieuse
- autant de règles chères aux impression
nistes.
Le scandale du tableau n'est pas là : il
est dans le traitement de la lumière et de la
couleur.
C'est ce traitement qui fait échapper
l'œuvre à la tradition des peintres immédiate
ment précédents, justifiant le suffixe •néo •
appliqué à l'impressionnisme de Seurat.
Le peintre, en effet, n'en fait pas mystè r e :
l'essentiel de son travail tient à l'analyse des
couleurs et à la touche, touche divisée, minu
tieuse et neutre, résultat d' une méthode, à
cent lieues du traitement de la lumière par un
Monet ou un Renoir, qui se fient à leurs sen
sations immédiates et les transcrivent en
dehors de tout système.
Ainsi , au lieu de poser la couleur sur la toile
par touches irrégulières au gré des motifs,
Seurat s'impose de trava iller par touches
égales et de pet ite taille.
Aucune gestualité,
aucune précipitation ne se repère dans Un
diman c h e ...
et la surface du fleuve n 'y est pas
autrement traitée que la robe d'une femme ou
le pelage du chien noir , avec la même préci
sion mécanique.
«J'applique ma méthode »
Ce parti pris répond à l'idée ma jeure de Seurat :
celle d'un travail de la cou leur dans la lumière
fondé sur la science optique et la physique.
Des
savants qui ont entrepris d 'ordonner Je cercle
chromatique à partir des trois couleurs •pri
maires •, le rouge, le jaune et le bleu, de
Chevreul et de Rood , il apprend que toute sur
face colorée suscite la perception par l'œil de sa
• complémentaire •, c'est-à-dire de la teinte
opposée dans le cercle.
Un jaune provoq u e u ne
sensation fugitive de violet.
Un rouge ne va pas
sans le vert qui le complète et l'équilibre.
Comment rendre compte de ce phénomène
en peinture , si ce n'est en ajoutant en faible
proportion, dans chaque surface colorée , sa
complémentaire ? De la sorte, la perception
sera complète et juste.
Mais, pour additionner,
U n dimanche a près-midi à 17/e d e
l a G r ande Ja tte est un e hu ile s ur toi le de 207 cm de haut et 308 cm
de la rge.
Achevée au débu t d e 188 6,
exposée en mai de la mêm e a nné e,
elle revie nt en suit e dans l'a te lie r d e Seurat, fa ut e d'ac qué re ur .
Apr ès la m ort de l'a rt is te, elle en tre dan s la coll ec tion du peintr e et écrivain Lucie Co uturi er, où elle
d em eur e ju squ 'en 1924 , date de son
d ép a rt
po ur le s État s-Uni s.
Elle
a pp artient à l 'Art lnst itut e de C hicag o depui s 19 26 .
il est évident que le mélange des tons sur la
palette ne peut convenir.
Il engendrerait une
troisième couleur, inutile et fausse.
Seurat sub
stitue donc le mélange optique au mélange
mécanique : les touches, séparées des deux
tons, juxtaposées, vues à dis tance, donnent
l'illusion chromatique exacte.
Il faut donc div i
ser la touche, la doctrine de Seura t s'appelle
alors logiquement •divisionnisme • .
À ceux de ses amis qui louent la grâce de son
tableau , il réplique : •Ils voient de la poésie
dans ce que je fais.
Non, j'applique ma
méthode et c'est tout.•.
»
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