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Un tableau contre la barbarie : GUERNICA

Publié le 14/09/2014

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Comment peindre l'histoire contempo­raine et les guerres, au siècle de la pho­tographie et du cinéma? Quelques peintres ont affronté la difficulté.

Impuissance cubiste. Les cubistes français ne sont pas de ceux-ci. Mobilisés pour la plupart pendant la Première Guerre mondiale, ils ne lais­sent des tranchées que peu d'images : seuls les dessins de Fernand Léger témoignent de ce qui se passe alors. En 1919, d'ailleurs, la plupart des cubistes reviennent à leurs sujets d'avant-guerre, comme s'il ne s'était rien passé. Ou bien, comme Picasso et comme Derain, ils modifient leur manière, revenant à une figuration de type «classique«, mais pour peindre alors des portraits, des natures mortes ou des paysages qui n'entretiennent aucun rapport apparent avec les événements qui viennent de se produire.

 

Témoignages allemands. Les choix des peintres allemands sont entièrement différents. Pendant et après la Première Guerre mondiale — pendant la

« une femme lève les bras au ciel dans la pose classiq u e du désespo ir.

Aucun élément précis ne rappelle l'actualité , mais tout, dans l ' œuvre, crie une inhumaine douleur.

Ainsi d u d ess in, qui use des déformations , dis­ proportions et géométrisations que Picasso a expérimentées depuis les années 1910 - depu is qu' il a tiré les conséquences du cubisme.

Les corps sont, pour quelques-uns, réduits à des courbes schématiques.

Pour d'autres, mains ou jambes semblent démesu­ rées par rapport aux torses.

Les visages ne sont que yeux écarquillées et bouches ouvertes sur un hurlement que la toile veut faire entendre.

Ces déformations, qui surprirent en 1937, ont toutes un sens métaphorique et moral.

Si la poitrine de la mère à l'enfant mort est si visib le, c'est évidemment par allusion à l' alla i ­ tement et à la maternité.

Si une découpure en forme de losange noir perce le flanc du cheval , c ' est là le signe d 'une blessure mortelle .

Ce che val, du reste, est celui du •picador •, l'homme qui, à chaque corrida , est livré à la violence du taureau , comme les habitants de Guernica l'ont été à la brutalité nazie.

Et si l'on ne voi t de l'une des jeunes filles qu'un visage de profil et un bras tenant une lampe , sans cou ni corps qui les portent , c' est que celle-ci sym­ bolise la terre u r d'u ne femme plongée dans la nuit, nuit des incendies et nuit des tombeaux.

Les détails qui s'accumulent entre ces figures mo nu mentales ajoutent au sent imen t funèbre : ce sont des lances brisées, une épée au fer cassé , une fleur décolorée, les rayons de lumière autour de l'ampoule , qui ressemblent à d es épines, et la criniè re du cheval, que l'on croirait faite de lames d'acier.

Le refus de toute couleur, l 'emploi d 'un noir mat et épais et de g ris d'u ne nuance métalli que n'ont d'autre fonction que d'augmente r encore l ' intensité de l'expression.

L'effet de caveau et de ténèbres se trouve renforcé, les rayons de b lanc su r fond obscur sont d' une pâle u r pénible à l' œil.Tout est conçu pour blesser le regard du spectateur , et le peintre évite donc la moindre harmonie plaisante.

Le dépouille­ ment est à son comble.

Peinture d'histoire contemporaine Au terme de cette ascèse de deux mois, Picasso accomplit son ambition : le tableau est à la mesure de l'événement, et les procé­ dés et l es inventions de l'art moderne y convergent.

Pour la première fois dans son œuv re, Picasso, portraitiste , peintre de nus et de natures mortes, s'est essayé au genre le plus difficile et le plus noble selon la hiérar­ chie traditionnelle des genres : la peinture d'h i stoire.

Et il a complèteme nt renouvelé ce genre.

Son œuvre réussit la fusion d'un sujet actuel , de l'allégorie et d' un style radicale- Peint e entre le 1"' mai et l e 4 juin 193 7, Guerni ca e st une hu ile sur toile de 34 9, 3 c m de haut s ur 776, 6 cm d e la rge.

Dépo sée à New Y ork , au Mu s eum of Mod ern Art , s ur la volont é ex presse de Pica ss o, la toil e n'a été r e ndue à l' E sp agne qu 'après la mort de Fran co , en 1976.

E x po sée à présen t à Madrid , dan s un e anne xe du mu sé e du Prado , elle d evra it êtr e dém énagé e procha in e ment dan s le n o uveau centre d'art contempor ain de la ca pit ale es pa gno le, le mu sée Rei na S ofia .

ment neuf .

À la révolution politique et sociale que la République espagnole a tenté de faire triompher, Picasso répond par une révolution équivalente , dans le domaine de la pein ture.

Au mois de mai , alors qu'il n 'a exécuté que la moitié du tab leau, l e peintre fait cette déclara­ tion parfaitement explicite : •L a guerre d'Espagne est la bataille de la réaction contre le peuple , contre la liberté.

Toute ma vie d'artis te n'a été qu'une lu tte continue lle con tre la réaction et la mort de l'art.

Dans l e panneau auquel je travaille et que j'appellerai Guernica , j'exp rime clairement mon hor reur d e la caste militaire qui a fait sombrer l'Espagne dans un océan de douleur et de mort. •. »

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