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BERGSON

Publié le 17/01/2022

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BERGSON (1859-1941) Bergson, dont Paul Valéry disait à l'Académie qu'il est « la très haute, très pure, très supérieure figure de l'homme pensant, et peut-être un des derniers hommes qui auront exclusivement, profondément et supérieurement pensé, dans une époque du monde où le monde va pensant et méditant de moins en moins «, est né à Paris le 18 octobre 1859. Après avoir été un brillant élève en sciences aussi bien qu'en lettres et avoir aussi facilement obtenu au concours général le prix d'honneur de rhétorique que le prix de mathématiques, il entre à l'Ecole Normale Supérieure en 1878. Il a dix-neuf ans ; trois ans après il est reçu second au concours d'agrégation devant Jaurès. Professeur d'abord à Angers, à Clermont-Ferrand, au collège Rollin et au lycée Henri-IV, il est nommé en 1898 maître de conférences à l'Ecole Normale Supérieure, puis au Collège de France en 1900. En 1912, il fait à l'Université Columbia de New York un cours public : Spiritualité et liberté ; mais après plusieurs missions dans le monde, la maladie qui depuis longtemps l'assaille, le paralysa partiellement avant de le terrasser le 4 janvier 1941. Il était grand-croix de la Légion d'honneur et prix Nobel de Littérature 1927, mais son convoi funèbre ne reçoit aucun hommage, car il meurt sous l'occupation et il était d'origine juive. Ses ouvrages principaux sont Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), Matière et mémoire (1896), L'Evolution créatrice (1907), Les deux sources de la morale et de la religion (1932). SA PHILOSOPHIE Quoique ces comparaisons soient impossibles au fond, étant donné l'anti-intellectualisme et l'anti-formalisme de Bergson, on peut le comprendre à partir de Kant : Bergson croit à une réalité nouménale dont les phénomènes ne sont que traduction à notre usage ; cependant, essayant, comme Hamelin, de forcer l'inconnaissable que Kant reconnaissait comme perceptible à la conscience morale, il va admettre un mode particulier de connaissance par sympathie immédiate, qu'il appelle l'intuition ; et il pensera, influencé en ceci par le pragmatisme, que l'intelligence, organe naturel de l'action, concourt avec les habitudes actives et les besoins, à découper dans la réalité profonde les objets de notre action. 1. Des deux « moi « : le moi superficiel et le moi profond, seul le moi profond contient toute la réalité. Cette réalité c'est la durée, accessible à l'intuition. Ne pas confondre moi profond avec moi secret. Le moi superficiel épuise le caractère et la personnalité psycho-sociale, mais il n'existe que comme individuation et traduction d'une réalité infiniment plus riche qui suscite et justifie tous les « moi « : la « durée «, c'est-à-dire le temps, mais selon Bergson il s'agit du temps vécu, et même d'un rythme créateur. Le « sens intime « ou introspection, analyse nos états et prend conscience pour la compréhension intellectuelle, des données immédiates de la conscience comme courant ; mais analysé en profondeur, ce courant se présente comme « l'étoffe de tout et comme le devenir universel «, comme quelque chose qui passe, en amassant le passé pour mordre sur l'avenir, c'est la durée accessible seulement à cet affinement de l'introspection débarrassée de tout intellectualisme qu'est l'intuition. L'intuition, par laquelle nous pourrons prendre conscience de l'être universel en nous, n'est ni spontanée ni facile. Par nature, nous sommes tournés vers l'extérieur pour vivre et pour agir car notre vie et notre action sont d'abord adaptation à un monde que nous voulons exploiter pour nos besoins. Notre volonté de vivre a créé l'intelligence pour la servir dans son action extérieure : l'intelligence n'est donc pas faite pour nous donner le secret du monde. Par une « torsion « sur nous-mêmes qui est une véritable conversion, en même temps qu'une synthèse, Bergson nous invite à abandonner l'intelligence et à « sentir « directement, sans intermédiaire, immédiatement, le courant de vie déployé dans la durée, et qui constitue le moi profond. La connaissance intuitive diffère donc de la connaissance scientifique. 2. Le monde de la nature est le résultat du découpage intellectuel que notre besoin d'agir superpose aux réalisations du devenir pur. Nous sommes au bout d'un immense mouvement d'évolution des espèces. Cette évolution n'est que le développement dans l'histoire universelle, de la durée que je sens au plus profond de moi. La durée n'est qu'un autre nom de l'élan vital. Conformément aux dernières données de la physique relativiste qu'il analysa dans le fameux opuscule Durée et simultanéité (1922), Bergson pense que l'être de l'univers est mobilité pure, c'est-à-dire mouvement sans mobile. Ce mouvement n'est pas une abstraction, il est jaillissement libre et élan. Les « détentes « ou les « retombées « de cet élan constituent une sorte de perte de vitesse qui suffit à « matérialiser « l'élan. Cet élan passe ainsi à travers ses propres détentes qui sont comme des étapes matérielles et sans liberté (soumises au déterminisme pour l'intelligence qui les analyse du dehors). Le même élan vital court à travers ses propres réalisations. Le réel est ainsi réalisation : il était réalisation du dynamisme de la relation pour Hamelin, il est réalisation de l'élan vital pour Bergson. Tous les êtres de l'univers sont des instants et des formes de cet élan vital ; ils sont à la fois cet élan et ses détentes sur lesquelles il s'appuie pour s'élancer plus fort. Nous sommes élan dans la mesure où, par l'intuition, nous retrouvons la puissance créatrice du monde, mais nous sommes en majeure partie habitudes c'est-à-dire détentes d'élan. Notre corps est un tissu d'habitudes biologiques systématisées. L'intelligence est la plus récente invention biologique de l'élan vital. Ses lois sont les habitudes de notre action efficace. Nous n'agissons efficacement qu'en localisant dans l'espace, et en attribuant aux corps ainsi localisés, des propriétés qui ne sont que l'objectivation de nos rapports possibles avec eux. L'intelligence jette sur le monde le réseau de l'espace infiniment divisible, de la logique et de la science, mais la « matière « est ainsi sa création. Dans la trajectoire impressionnante de l'élan vital en route vers sa réalisation dans l'esprit, l'intelligence est la face toujours tournée vers l'arrière qui totalise le chemin parcouru et qui agit sur le monde créé. L'intuition, au contraire, nous fera assister à sa création. 3. Le déterminisme s'oppose à la liberté, comme la quantité à la qualité, comme le monde immobile de l'intelligence pragmatiste au monde mouvant de la durée pure. Le déterminisme consiste à professer que l'univers est systématique, que toutes ses parties, comme celles d'une machine, sont liées les unes aux autres par des rapports nécessaires. Le déterminisme dépasse le cadre des phénomènes et prétend s'appliquer aussi à l'homme : l'homme, fragment de l'univers serait soumis à ses lois, et ses actes doivent être prévisibles comme tous les faits. Faite pour construire des machines avec des éléments fournis par l'analyse, l'intelligence conçoit l'univers entier sur le modèle d'une machine. Ceci semblera vrai si l'on juge l'activité humaine du dehors. Après l'acte, et sur sa trajectoire morte, on vérifiera le déterminisme. Puis on invoquera les conditions anatomiques, les habitudes. La liberté s'est enfuie. Mais au lieu de considérer l'acte après coup, considérons l'activité en train de chercher l'acte à faire. Plus l'acte sera un retentissement profond de la personnalité, moins il sera prévisible. Par le choix entre plusieurs actes (également possibles après coup quel que soit celui qui s'accomplira), le moi superficiel tissu d'habitudes touche au moi profond, jaillissant, imprévisible et intime, de la réalité-durée. Dans sa richesse propre, son jaillissement, sa nouveauté, l'acte personnel échappe à tout déjà-vu, donc à toute loi. On ne peut pas dire que Bergson refuse le déterminisme, mais il se place dans une réalité vivante dont le déterminisme n'est que le sommeil ou la fixation. La « quantité « de son côté convient essentiellement à la pensée abstraite puisqu'elle est la commune mesure de tous les événements die l'Univers. La science quantifie pour prévoir, systématise dans un espace éternel sans tenir compte de l'histoire, temps vécu, durée. Mais cela ne satisfait pas le philosophe, pour qui la réalité est plus proche encore de la durée, et qui étudie un courant de conscience où on ne trouve ni éléments, ni unités, ni répétitions, ni identités. Nous avons tendance à transporter le concept d'espace géométrique partout et nous établissons des rapports de grandeur entre des états de conscience. Mais revenons au réel, aux impressions elles-mêmes. Avec l'intuition, nous constaterons que chacune a sa qualité propre, irréductible, incomparable dans sa nouveauté vécue. La qualité est un absolu montré par l'intuition. LA MORALE BERGSONIENNE Alors qu'on attendait de Bergson l'énoncé d'une morale pragmatique ou esthétique, l'ouvrage Les deux sources de la morale et de la religion, en 1932, révèle à son tour les deux' mouvements de l'élan vital : un mouvement d'élan, de création, et un mouvement de retombée, de matérialisation. De même que l'évolution créatrice montre un jaillissement créateur de formes, retombant en « espèces « définitives et fixes, de même il y a deux morales et deux religions. 1. La morale « close « est passive, imposée par la pression sociale. Conformisme pur, elle se présente sous forme d'impératifs impersonnels et rationnels ; elle apparaît comme obligation à cause de notre liberté, mais elle est fondée en fait sur la nécessité biologique, sur la structure d'une certaine « espèce « de société, elle varie d'ailleurs selon les structures et les sociétés. 2. La morale « ouverte « est un élan sentimental de création du bien. Elle s'incarne dans des « héros « ou des saints qui deviennent pour nous des modèles dans la voie infinie du progrès moral. C'est l'appel du héros. Morale sans impératifs ni obligations, elle est une effusion du cœur. Elle est personnelle, fondée sur l'exemple, sur le rayonnement de l'amour de l'humanité. Rompant les barrières sociales, elle s'oppose aux morales closes et aux nationalismes. 3. La religion « statique « est, de même que la morale close, enfermée dans des habitudes et des rites. Elle n'atteint que de faux dieux créés par l'homme grâce à des rites quasi magiques. A cette religion statique s'oppose la religion dynamique, qui est foi en l'Infini présent en nous, et exigence d'œuvres. Mais cette séparation n'est tranchée que pour l'analyse philosophique. Dans la vie morale quotidienne et dans la vie religieuse actuelle, les deux sources se mêlent ; une des deux seulement nous ouvre la voie du progrès. CONCLUSION Bergson est dans la ligne de Rousseau et du romantisme. Sa philosophie est un intuitionnisme spiritualiste. Pour conclure, il suffit de relever une de ces fins de paragraphes où Bergson condense sa pensée en une image lourde de tout un système. Système qui prétend échapper à l'esprit de système puisqu'il est intuition de la vie en train de se faire et non analyse et recomposition intelligente. « Essayons de voir non plus avec les yeux de la seule intelligence qui ne saisit que le tout-fait et qui le regarde du dehors, mais avec l'esprit, je veux dire avec cette faculté de voir qui est immanente à la faculté d'agir et qui jaillit en quelque sorte de la torsion du vouloir sur lui-même. Tout se remettra en mouvement et tout se résoudra en mouvement. Là où l'entendement, s'exerçant sur l'image supposée fixe de l'action en marche nous montrait des parties infiniment multiples et un ordre infiniment savant, nous devinerons un processus simple, une action qui se fait à travers une action du même genre qui se défait, quelque chose comme le chemin que se fraye la fusée du feu d'artifice parmi les débris qui retombent, des fusées éteintes. «

 

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