Bernardin de Saint-Pierre

« et se consacra à la vulgarisation de ses idées les plus facilement assimilables par un vaste public : la société est mauvaise dans les pays à civilisation très évoluée; au contraire l'homme est bon quand il a su rester tel que la nature l'a fait; l'homme ne peut trouver le bonheur que dans une vie simple, dans l'adoration d'un Dieu créateur et bienfaisant, dans le mépris ou l'igno­ rance de toute religion révélée. L'optimisme philoso­ phique de Rousseau devient entre ses mains un finalisme puéril : tout, dans l'univers, est organisé par Dieu pour la commodité des hommes.

Le grand apport de Bernardin de Saint-Pierre dans notre histoire littéraire, c'est l'exotisme. Sans doute, de nombreux romans avaient déjà pris comme cadre les pays lointains : l'Afrique du Sud, pour les Aventures de Jean Massé de Marivaux, l'Amérique du Nord, dans le Cleveland de l'abbé Prévost, les Antilles dans-les Aventures de Robert Chevalier de Le Sage, surtout l'Amérique dû Sud pour les Incàs, roman philosophique de Marmontel, dont le succès fut immense. L'originalité de l'auteur des Études de la Nature et des Harmonies de la nature est de peindre non d'après les livres, mais d'après ce qu'il a observé lui-même; or, il se trouve que ce voyageur.

est un observateur - remarquable et un peintre extraordinaire.- Nul avant lui, dans aucune littérature, n'avait utilisé pareille gamme dé couleurs.

Sa prose rivalise avec la peinture là "plus exacte et la plus riche de tonalités diverses, de nuances infimes : sa description des ciels des tropiques, des nuages, comme des nuances du vert dans les campagnes et les forêts, sont des modèles rarement dépassés, même par les modernes à l'œil plus exercé. Il note avec une égale précision d'ailleurs, les parfums et les murmures.

Ces qualités remarquables ont moins fait pour sa gloire que son roman de Paul et Virginie qui, paru à la veille de la Révolution, enchanta pendant une tren­ taine d'années d'innombrables lecteurs de toutes les classes sociales; il fit pleurer, il fit rêver, il transporta les âmes dans un pays merveilleux où la vertu règne dans des cœurs purs et passionnés, où l'amour peut garder toute sa fraîcheur.

L'œuvre conserve aujour­ d'hui, malgré les mièvreries de la forme, la candeur trop naïve des personnages et le ton de sermonnaire adopté par le narrateur, un profond intérêt. Dans sa. »