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BUFFON Georges Louis Leclerc : sa vie et son oeuvre

Publié le 21/11/2018

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BUFFON Georges Louis Leclerc, comte de (1707-1788). De son vivant, il fut entouré d'une admiration presque unanime, et il put voir sa propre statue orner le

jardin du roi. Rousseau baisa le seuil de son cabinet de travail quand il lui rendit visite, à Montbard. Plus de vingt mille personnes suivirent son enterrement à Paris, quelques mois avant que n’éclate la Révolution. Le xixe siècle ne cessa de rééditer sa monumentale Histoire naturelle et le plaça sans hésiter, avec Montesquieu, Voltaire et Rousseau, au rang des quatre plus grands auteurs français du siècle précédent.

 

Mais lit-on encore Buffon aujourd’hui? La rencontre miraculeuse, chez lui, d’un grand naturaliste et d’un grand écrivain (« C’est la plus belle plume de son siècle », disait Rousseau), qui émerveillait ses contemporains, éveille plutôt la méfiance, en un temps où culture scientifique et culture littéraire semblent s’être définitivement séparées. Un grand style plaqué sur une science approximative et en tout cas bien dépassée, telle est l’image qui s’impose aujourd’hui quand on évoque le nom de Buffon. Mais a-t-on le droit de dissocier ainsi la forme et le fond chez celui qui a écrit que « le style est l’homme même », et aussi que « la singularité des faits, la nouveauté des découvertes ne suffisent pas pour faire vivre un livre s’il est écrit sans goût, sans noblesse et sans génie »? Poète et naturaliste, lui aussi, Goethe savait qu’on ne peut pas opposer poésie et vérité. Avec génie et patience, pendant quarante années d’un labeur quotidien, Buffon s’est fait le savant, le poète et le métaphysicien de la nature. Les hommes de son siècle avaient compris la singularité et la grandeur de l’entreprise. Aujourd'hui, nous sommes surtout sensibles à l’humain dans ce qu’il a de social et d’historique, et nous nous sentons plus proches de Montesquieu et de Rousseau, de Voltaire et de Diderot, que de Buffon. Sans doute faut-il un esprit d’enfance que nous avons perdu pour prendre plaisir à la description du cheval (« c’est une créature qui renonce à son être pour n’exister que par la volonté d’un autre... qui sent autant qu’on le désire, et ne rend qu’autant qu’on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s’excède, et même meurt pour mieux obéir »), ou du chat (« le chat est un domestique infidèle qu’on ne garde que par nécessité, pour l’opposer à un autre ennemi domestique encore plus incommode »). Mais ne réduisons pas le naturaliste à un fabuliste et restituons-lui ses ambitions, qui n’étaient pas minces.

 

Maréchal de France ou philosophe?

 

Hume disait de Buffon que « dans sa figure, son air et son maintien, il répond plutôt à l’idée d’un maréchal de France qu’à celle d’un philosophe ». Le paradoxe apparent de la carrière de l’auteur de l’Histoire naturelle, c’est qu’elle est celle d’un homme comblé par le succès, la richesse et les honneurs, et qui pourtant a été dès le début, et est toujours resté, un « philosophe », au sens même que son siècle donnait à ce mot, c’est-à-dire quelqu’un qui consacre sa vie à chercher librement, et par les seules forces de sa raison, la vérité sur l’homme et sur le monde. Comment cette recherche a-t-elle pris la forme d’une grande enquête sur la Terre, sur la vie animale, et sur l’homme en tant qu’il est animal et dépasse infiniment l’animal, c’est ce que seule la biographie peut éclairer.

 

Né à Montbard, en Bourgogne, près du village de Buffon, dont il prendra plus tard le nom, Georges Louis Leclerc est le fils d’un modeste percepteur de la gabelle, mais sa mère fait, en 1714, un très riche héritage. Après des études de droit à Dijon, il se rend à Angers, où il s’initie aux mathématiques et à la physique. De 1730 à 1732, il voyage dans le sud de la France, en Suisse et en Italie, en compagnie de deux Anglais, le duc de Kingston et le précepteur de celui-ci, Hinckman, qui font le traditionnel Grand Tour des aristocrates anglais. A son tour, il assure sa fortune en revendiquant, contre son père, l’héritage maternel, qu’il saura d’ailleurs faire fructifier par la suite, non seulement grâce au succès de ses ouvrages, mais aussi par des investissements agricoles et industriels (en 1767, il se lancera même dans la métallurgie). Ses activités scientifiques sont alors très variées, il s’intéresse à des questions de mathématiques et de physique, et présente des mémoires à l’Académie des sciences, à laquelle il appartient depuis 1734 en tant que membre adjoint de la section de mécanique. En 1734, il traduit la Statique des végétaux, du botaniste anglais Stephen Haies, et, en 1740, la Méthode des fluxions et des suites infinies, de Newton.

 

En 1739, Dufay, l’intendant du Jardin du roi, meurt brusquement. Buffon est choisi pour le remplacer. Jusqu’à sa mort, il se consacrera à la direction de cet étonnant complexe scientifique qui réunit des collections botaniques, zoologiques et minéralogiques, des jardins et des parcs d’animaux, des laboratoires de chimie et d’anatomie, des amphithéâtres pour les conférences, et il contribuera à lui donner l’aspect qui est encore le sien aujourd’hui. L’entreprise d’une Description du cabinet du roi, c’est-à-dire d’un catalogue raisonné des collections de spécimens botaniques et zoologiques, en s’amplifiant va donner naissance à l’Histoire naturelle, générale et particulière, dont les trois premiers volumes sortent des presses de l’imprimerie royale. Désormais la grande œuvre de Buffon s’étendra régulièrement et majestueusement et la mort même de son auteur ne l’interrompra pas, puisqu’elle sera continuée et achevée par Lacépède. Reçu à l’Académie française, sans avoir fait acte de candidature, en 1753 (son discours de réception n’est autre que le fameux Discours sur le style), membre des plus célèbres académies européennes, Buffon organise son existence entièrement en fonction de son travail. Partageant sa vie entre Paris et Montbard, régnant sur le petit monde de ses collaborateurs et « correspondants » bénévoles, il observe, fait des expériences, recueille les notations et polit patiemment son texte (certaines pages ont été reprises jusqu’à dix-sept fois). Son secret, il le livrera, peu de temps avant sa mort, au jeune Hérault de Séchelles venu lui rendre visite à Montbard : « Le génie n’est qu’une grande aptitude à la patience; j’ai passé cinquante ans à mon bureau ».

 

La Terre, l'animal, l'homme

 

La nouveauté et l’audace du projet de Buffon ne doivent pas être sous-estimées. Il a été le premier à tenter la synthèse des recherches et observations accumulées par un siècle de plus en plus fasciné par la nature vivante, et à s’émanciper, sans provocations inutiles, des liens contraignants de la tradition biblique. Disciple de Bacon et de Newton plus que de Descartes, il refuse de plier le réel aux règles de la déduction a priori, et il affirme, dans le chapitre « De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle », qui ouvre son ouvrage, le rôle capital de l’expérience. Les hypothèses que l’on forme à partir de l’expérience peuvent présenter des degrés divers de probabilité, jamais elles ne peuvent être érigées en affirmations dogmatiques et absolues : « L’absolu n’est ni du ressort de la nature ni de celui de l’esprit humain. »

buffon

« il assure sa fortune en revendiquant, contre son père, l'héritage maternel, qu'il saura d'ailleurs faire fructifier par la suite, non seulement grâce au succès de ses ouvra­ ges, mais aussi par des investissements agricoles et industriels (en 1767, il se lancera même dans la métallur­ gie).

Ses activités scientifiques sont alors très variées, il s'intéresse à des questions de mathématiques et de physique, et présente des mémoires à l'Académie des sciences, à laquelle il appartient depuis 1734 en tant que membre adjoint de la section de mécanique.

En 1734, il traduit la Statique des végétaux, du botaniste anglais Stephen Hales, et, en 1740, la Méthode des fluxions et des suites infinies, de Newton.

En 1739, Dufay, l'intendant du Jardin du roi, meurt brusquement.

Buffon est choisi pour le remplacer.

Jus­ qu'à sa mort, il se consacrera à la direction de cet éton­ nant complexe scientifique qui réunit des collections botaniques, zoologiques et minéralogiques, des jardins et des parcs d'animaux, des laboratoires de chimie et d'anatomie, des amphithéâtres pour les conférences, et il contribuera à lui donner l'aspect qui est encore le sien aujourd'hui.

L'entreprise d'une Description du cabinet du roi, c'est-à-dire d'un catalogue raisonné des collec­ tions de spécimens botaniques et zoologiques, en s'am­ plifiant va donner naissance à l'Histoire naturelle, géné­ rale et particulière, dont les trois premiers volumes sortent des presses de l'Imprimerie royale.

Désormais la grande œuvre de Buffon s'étendra régulièrement et majestueusement et la mort même de son auteur ne l'in­ terrompra pas, puisqu'elle sera continuée et achevée par Lacépède.

Reçu à l'Académie française, sans avoir fait acte de candidature, en 1753 (son discours de réception n'est autre que le fameux Discours sur le style), membre des plus célèbres académies européennes, Buffon orga­ nise son existence entièrement en fonction de son travail.

Partageant sa vie entre Paris et Montbard, régnant sur le petit monde de ses collaborateurs et « correspondants » bénévoles, il observe, fait des expériences, recueille les notations et polit patiemment son texte (certaines pages ont été reprises jusqu'à dix-sept fois).

Son secret, il le livrera, peu de temps avant sa mort, au jeune Hérault de Séchelles venu lui rendre visite à Montbard : « Le génie n'est qu'une grande aptitude à la patience; j'ai passé cinquante ans à mon bureau ».

La Terre, l'animal, l'homme La nouveauté et l'audace du projet de Buffon ne doi­ vent pas être sous-estimées.

ll a été le premier à tenter la synthèse des recherches et observations accumulées par un siècle de plus en plus fasciné par la nature vivante, et à s'émanciper, sans provocations inutiles, des liens contraignants de la tradition biblique.

Disciple de Bacon et de Newton plus que de Descartes, il refuse de plier le réel aux règles de la déduction a priori, et il affirme, dans le chapitre «De la manière d'étudier et de traiter l'histoire naturelle», qui ouvre son ouvrage, le rôle capi­ tal de l'expérience.

Les hypothèses que l'on forme à partir de l'expérience peuvent présenter des degrés divers de probabilité, jamais elles ne peuvent être érigées en affirmations dogmatiques et absolues : «L'absolu n'est ni du ressort de la nature ni de celui de 1' esprit humain.» , La Théorie de la Terre, reprise et modifiée dans les Epoques de la nature, est un exemple des hypothèses cosmogoniques et géologiques, aventurées et fécondes, auxquelles Buffon a pu se livrer.

La Terre a une histoire.

Née, avec les autres planètes, du choc oblique d'une comète contre le Soleil, elle a pris lentement (au nom du principe des «causes lentes », opposé à celui des «catastrophes ») la figure que nous lui connaissons.

C'est ainsi que Buffon a pu affirmer, contre Voltaire, l'origine animale ou végétale des fossiles, l'origine végétale du charbon de terre et, par là même, la possibi­ lité de dater le passé du globe.

La description des espèces animales (quadrupèdes et oiseaux), qui forme l'essentiel de l'Histoire naturelle, obéit à des principes constants.

Si Buffon décrit sans définir ni classifier, ce n'est pas pour des raisons littérai­ res.

ll n'existe réellement, pour lui, dans la nature, que des individus, qui sont les espèces.

D'où son hostilité à la classification de Linné, qu'il juge artificielle et inutile.

Les espèces sont ainsi décrites dans leurs caractères phy­ siologiques, leurs mœurs, leur habitat, leur processus de reproduction.

« Personne en Europe n'a mieux que lui su représenter au vif ou, pour mieux dire, su peindre les qualités du corps et celles de l'instinct chez les quadru­ pèdes et les oiseaux >> : l'hommage de Spallanzani vaut d'être cité, car il vient d'un biologiste qui n'a pas épar­ gné les critiques à Buffon, en particulier à sa théorie des molécules organiques.

Si la Terre a une histoire, la vie animale en a-t-elle une aussi? En parlant de la« dégéné­ ration des espèces >> , en réunissant des espèces voisines en« familles >> issues d'une espèce unique, Buffon s'est­ il fait le précurseur du transformisme? On en a beaucoup discuté, mais il semble bien qu'il n'en soit rien.

Seules certaines espèces« dégénèrent » et, en tout cas, l'homme ne saurait « descendre du singe ».

11 y a, dit Buffon, entre le singe et le plus borné des Hottentots une différence fondamentale et une distance infranchissable.

C'est cette différence que l'anthropologie buffo­ nienne tente d'analyser.

Elle étudie 1 'homme en tant qu'espèce et non en tant qu'individu, et elle affirme l'unité de l'espèce humaine par-delà les différences raciales.

En ce sens, on peut à bon droit faire de Buffon le père de l'anthropologie moderne.

Mais, là encore, le «philosophe>> des Lumières ne s'efface pas derrière le « savant >> : animal social, doué du langage, donc de la raison, l'homme est bien, pour Buffon, la merveille de la nature, qui ne 1' a créé que pour qu' i 1 devienne un jour son « maître et possesseur ».

ffi L'Histoire naturelle Avec l'Encyclopédie, l'Histoire naturelle a été la plus grande entreprise de librairie du xvm• siècle, mais, alors que la première était une œuvre collective, la seconde a été avant tout l'œuvre d'un seul homme.

Buffon a eu, certes, des collaborateurs et des correspondants qui lui envoyaient leurs observations.

Dans l'Histoire des Qua­ drupèdes, il a été aidé par Daubenton, dans l'Histoire des Oiseaux, par Guéneau de Montbeillard et par l'abbé Bexon, mais il a tout revu lui-même et imposé son style à l'ensemble.

L'Histoire naturelle a été publiée par l'Imprimerie royale de 1749 à J 789, en 36 volumes in-4°.

Elle se décompose en quatre séries : 1° Théorie de la Terre, Histoire de l'Homme, Histoire des Quadrupèdes (15 volumes, 1749-1767); 2° Histoire naturelle des Oiseaux (9 volumes, 1770-1783); 3° Suppléments à l'Histoire naturelle (7 volumes, 1774-1789, Je dernier volume ayant été publié par Lacépède après la mort de Buffon).

Les Suppléments traitent de sujets divers; on y trouve, entre autres, le Discours sur le style, prononcé le 25 août 1753 à l'occasion de la réception de Buffon à l' Ac,adémie française, 1' Essai d'arithmétique morale et les Epoques de la nature (vol.

V, 1778); 4° Histoire des Minéraux et Traité de l'aimant (5 volumes, 1783-1788).

L'ouvrage de Buffon a été complété par Lacépède : His­ toire des Quadrupèdes ovipares et des Serpents, Histoire naturelle des Poissons, Histoire naturelle des Cétacés, 8 volumes (dont le dernier parut en 1804).

L'entreprise connut dès le début (les trois premiers volumes furent épuisés en six semaines) un succès qui. »

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