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Étienne Tabourot

Publié le 15/10/2018

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Étienne Tabourot a vu le jour dans une famille bourgeoise particulièrement cultivée. Autour de lui tout le monde écrit, se passionne pour l’architecture, la peinture, la musique, à commencer par son oncle Jean Tabourot. Le neveu étudie tout d’abord à Paris, au collège de Bourgogne (autour de 1564), puis à Toulouse, où sa dissipation attire l’attention des autorités universitaires. De retour à Dijon, après un crochet par Paris et un voyage en Italie, il occupe diverses fonctions municipales dont il paraît se déprendre vers 1580. La Ligue interrompt sa retraite studieuse. L meurt à peine quadragénaire, laissant une œuvre qu’il faudra tenir pour inachevée.

 

Poésie ou rhétorique?

 

L’examen des premières publications de Tabourot éclaire d’un jour vif l’orientation particulière de ses curiosités. Qu’il traduise en latin « la Fourmi » de Ronsard ou « le Papillon » de Belleau, qu’il réunisse sous un nom d’emprunt (Jean des Planches), dans le Premier Livre de la Synathrisie (1567), à ses premiers exercices poétiques — dont plusieurs, remaniés, réapparaîtront dans les Touches — un pot-pourri d’emprunts à Germain Colin, à du Bellay, à Saint-Gelais, à Ronsard..., pour ne rien dire des versions de l’italien de Pulci et Cornazzano, ou qu’il édite le Dictionnaire des rimes françoises (1572) de Jehan Le Fèvre, premier du genre et, selon Colletet, « misérable azile des mauvais et stériles poètes », le jeune écrivain s’affirme moins poète que passionné par les problèmes que pose l’expression poétique.

« Les Touches (1585, pour les trois premiers livres; 1588, pour les deux derniers) ne dissipent pas ce senti­ ment.

Ainsi nommées par analogie avec « une espèce de légère esc rime ( ...

] qui perce à grand'peine la peau et ne peut vivement entamer la cbair », eUes se veulent d'abor d morceau d 'éloque nce composé «pa r esbat >>.

Tabouret prend ses suje ts et parfois même le mouvement de ses épigrammes chez.

Martial , ou dans sa prop re Syn.athrisie, se so uv ient ailleurs de Marot et même de Théodore de Bè ze.

li ne vise aucun but moral, sinon par accident.

On ne se montrera donc pa s surp ris de lire plu sie urs de ces « t ouches» dans les Bigarrures ( 1583) qu'elles gross issent.

Car ce dernier titre, où« sont dive rses matières et sans gra nde curiosité ramassées» , qui « donne trop dans les bagatelles » au sentime nt de Bay le, est construit comme u ne œuvre ouverte, trou ée (le premier livre est suivi d 'un quatrième), à butiner plutôt qu'à lire («à cha scu n de choisir seulement ce qui luy viendra à gré et laisser le surplus » ).

Beauco u p cependant, et non des moindres, ont étudié dans cette « grammaire plaisa nte», de Sorel au Balzac des Contes drolatiques, de Swift à Hu go.

C 'est que Tabouret enseigne, sous des dehors badins, l'essen­ tiel : « Tou t en me jouant, j'apprend s aux plùs gross iers, par ridicules et joyeux discours, des figure s de Rh etori­ que, lesquelles s'apprennent quelque s fois ès Ecoles, par l es Regeos , à grands co ups de fouet».

Poursuivant un dessein plus concerté qu'il ne J'avoue, il exami ne tout à tour les « lettres », les rébu s, les équivoques, les contre­ pèteries, les anagrammes; autant de domai nes où Je lan­ gage manifeste son autonomie, exhibe des poss ible s qui s urprenn ent l'in te n tion du locu teu r et so uvent la perver­ tissent.

Tabo urot aime le vers qui « se change aisément en 72 sortes», les carm in a figura ta, les notations musi­ cales ou sté no graphiques.

Avec obstination, il tisse un discours muet sur le sens mais bavard s ur les îngéniosüés qui le dérobent.

Des contes qui ne disent mot Aux Bigarrures Tabourot agrège, dès 1585, les Apophtegmes du sieur Gaulard, suivis, en 1588, des Escraignes dijonn.oises.

Ces de ux recueils se rattachen t, pour Je premier à la tradition facétieuse des motti, des burie; pour le second, à celle des Évangil es des quenouil­ les.

Il n'a garde de contrevenir aux lois, bien établies, qui les régissent.

Realia à l'appu i, il sait actual iser le «maté riel rou lant » d'anecdotes traditi onnelles qu'il uti­ lise.

Et, sous ce rapport, l'enrreprise est réu ss.ie : il est vrai qu 'à ce moment les écrivains de premier plan déser ­ tent le gerue narratif bref, abandonné à la cupidité des lib raires, ct que la plume de Tabou rot, précise, nerveuse , truculente , sans difficulté tranche.

C'est pourquoi plutôt que d 'ins ister sur leu r qualité, sur J'au thentici té de l'at ­ m osphère que restituent les Escrai8nes ou sur la ferme concisio n des Apophtegmes , l'une comme J'autre mi ses en évidence p ar Gabriel P érouse, il y a lieu de s'interro ­ ger sur leur né cessité.

Remarquons tout d'abo rd que plu ­ sieurs des « mots » des Apophte gmes sont, en fait, des épigrammes en prose , réécritures de « Louche s » qu i elles -même s dérivaient de la Sy11athrisie, comme si Tabourot.

sans le dir e, s'éta it livré à un «art de la fugue » en rac courci, fruit de ses recherches sur l'ex ­ pression.

D'autre part, tout comme le philo logue des Bigarrure s, le conteur des deux recueîls affirme ne se soucier que de plaire; le ligueur dépose les armes, moque, comme au bon vieux temps, les cordel i ers l.ibidi­ neux et pro po se d'oub lier dans le rire les saccag es des reîtres.

Ses perso nnages, in g uéri ssables pétoma nes, manifestent pour le « bas matériel » che r à M.

Bakhtine le même int érêt que ceux de Du T roncy, de Du Verdier ou de Tabarin - ce dernier pla gie du reste Tab ou rot abo ndamment.

Dè s lors, on est porté à soupçonner Tabourot d'avoir con té moin s par humeur récréative que par souci d'éprouver ses propres moyens d'écrivain, au terme (que la mort n'a pas voulu provisoire) d'un iti né­ raire qui avait pris sa source dans la rédaction de cahiers de «li eux communs» et que ne cessait d'a nimer une c urio sité pour J'éc riture plus profonde et plus grave q u 'on ne l 'a longtemps cru.

BIBLIOGRAPHJE Œuvres.

- Les Bigarrures du seigneur des Accords.

Avec les Apoph tegmes du sieur Gaulard et les Escraignes dijon noises ont été réimprimées à Bruxelle s, Mertens, 1866, 3 voL; Genève, Slalkine Reprims, 1969; les Tou ches ont elles aussi été réimpri­ mées par Mertens (Bruxelles, 1863, 2 vol.) mnis elles n 'ont pas encore été reproduites.

Tous les aurres ouvrages de Tabourot sont d'accès difficil e : on ne con nart par exemple qu'un seul exemplaire (Paris, Bibl.

de l'Arsenal) de la Synarhrlsie.

A consulter.

- La vie de Tabourot et celle de sa parentèle a été étudiée à plusieurs repdses: M .

Mayer, Une famille d'arlistes bpurguignons.

les Tabou rot écr ivai n s, Dijon, 1908; P.

P errenet, E tienne Tabourot, sa famille et son temps, Dijon, 1926.

Une thèse , qui serait à refaire, examine l'homme et l'œuvre : G.

Choptrayanovitcb, Étienne Tabourot ...

, Dijon, 1935 et Genève, Slatkine Rep rints, 1970.

Les T oue/tes n'ont guère intéressé que les bibliographes (voir E.

Tricote!, Variétés bibliogrttphiq ues, Paris, 1863 eL la Revue des livres anciens, tome 1 ).

L es Bigarru­ res (premier livr e), ont fait l'objet d'une édition critique par F .

GoyeL (Genève, Droz, 1986 ,2 vol.).

Le conteur, grâce à G.A.

Pérouse (Nouvelles françoise.r du xvi" siècle, Droz, 1977) est également bien étudié : le chapitre XlX (p.

4 19-451) est tout entier consacré aux Escraignes et aux Apophtegmes du sieur Gttulard.. »

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