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Firdousi

Publié le 21/05/2012

Extrait du document

 

Né Abù al-Quàsim Mansùr, Firdousi vit le jour vers 934 dans un village près de Tous, capitale du Khorassân (Iran). Selon la tradition locale, c'était un modeste propriétaire terrien, qui aurait débuté son épopée Châh-nâmé  (Livre des rois) dans le dessein de pourvoir sa fille unique d'une dot. La rédaction de cette vaste histoire des dynasties persanes depuis les temps mythiques jusqu'à l'invasion arabe du VIIe siècle l'occupa durant trente-cinq ans. En 1010, il dédia et présenta son long poème achevé au sultan Mahmoûd le Ghaznévide qui, selon l'usage, devait récompenser l'auteur. Mais la roue politique avait tourné et le sultan, qui ne prêta guère attention à l'œuvre, lui fit remettre la somme misérable de vingt mille pièces. Déçu, Firdousi se rendit aux bains le soir même et distribua ses dirhams aux personnes présentes. Craignant que le sultan n'apprenne la dilapidation, il s'enfuit vers Hérat où il resta caché six mois, avant de trouver refuge à la cour sassanide du prince Chahryâr. Là, il composa une satire en cent vers sur le sultan ghaznévide et l'inséra dans la préface du Châh-nâmé. La tradition veut que Mahmoûd le Ghaznévide, impressionné par le succès de l'œuvre qu'il avait ignorée, reconnaisse son erreur quelques années plus tard et fasse envoyer au poète une caravane chargée d'indigo pour une valeur de six mille pièces d'or. Le don royal arriva indemne à Tous, au milieu des funérailles de Firdousi. Sa fille utilisa la récompense tardive pour bâtir un caravansérail en bordure de la ville.      

 

« L'histoire de la dynastie sassanide ne nous serait connue que par quelques monnaies et inscriptions et le témoignage d'auteurs étrangers, grecs, latins, arabes, chinois.

Le génie de la Perse serait pour nous ce que nous en révèlent ses grands lyriques et ses mystiques.

Le monde formidable de ses guerriers armés d'épées, de massues et de lacets, et sans cesse à cheval, ne nous serait évoqué que par les sculptures rupestres, encore intactes, tant elles sont massives, de l'époque sassanide : et c'est bien là l'illustration qui convient au Livre des Rois, plus que l'art, en lui-même si attachant, des miniatures qui en décoreront tant de somptueux manuscrits.

Firdousi a su puiser à une tradition dont les documents, écrits ou oraux, subsistaient encore.

Un Livre des Rois en pehlevi avait déjà été traduit en arabe.

Un poète, peut-être zoroastrien, Daqiqi, avait ouvert la voie : il mourut jeune, laissant un fragment d'épopée en persan que Firdousi annexa à la sienne, dans un sentiment de piété qui d'ailleurs n'excluait pas la critique.

Consciencieux, conservateur même, son Livre des Rois n'a pourtant rien d'une sèche chronique : entraîné par la vie, le récit comporte des enjolivements, des enchevêtrements d'épisodes romanesques, des descriptions réalistes ou hyperboliques, des lenteurs calculées, des répétitions même - car des héros de même valeur accomplissent successivement et en d'autres lieux des prouesses analogues - mais aussi des temps d'arrêt où s'insèrent considérations, invocations, confidences personnelles, bref une invention et une liberté qui permettent à cet immense poème de plus de cinquante mille distiques de se lire sans ennui, même dans la traduction volontairement prosaïque de Jules Mohl.

Mais il était fait pour être entendu : et jusqu'à nos jours, il est déclamé par les récitateurs professionnels, par les athlètes de foire qui scandent leurs jongleries au rythme de ses vers, tandis que les petits enfants y apprennent les rudiments de la poésie, de l'histoire et de la sagesse.

C'est que ces guerres incessantes entre l'Iran et son voisin le Touran sont commandées par des sentiments très simples et très humains : la gloire, l'ambition, la vengeance, l'amour de la justice, la clémence.

Les situations ne le sont pas moins : poursuites haletantes, déplorables dispa­ ritions, émouvantes reconnaissances, combats singuliers, ruses de guerre, carnages, victoires in extremis, butins.

Les repos sont marqués par de débonnaires beuveries ou de chastes amours.

Le luxe des fêtes est abondance plus que raffinement.

Rien de voluptueux ou de cruel : les ennemis eux-mêmes ne sont guère des félons, mais cèdent à des entraînements funestes.

Souvent ils obéissent au Sort qui joue ici son rôle sans préjudice de la Guidance divine.

La religion qu'on prête à ces héros antéislamiques est assez fruste.

Aucune affinité, sinon peut-être dans l'art du récit, entre le Livre des Rois et cet autre pôle de la poésie persane, l'épopée, mystique cette fois, du Mesnevi de Jalal el-Din Roumi.

D'autres pourront utiliser tel épisode de la tradition épique pour y rattacher un itinéraire spirituel qui se développe en climat soufi (ainsi Nizami dans son Hift Peiker).

Firdousi ignore toute transposition subtile, tout symbolisme.

Sa chanson de geste n'annonce pas les mystiques de l'amour courtois.

Sa langue, un persan presque pur qu'il arracha pour un temps à l'envahis­ sement de l'arabe, le mètre uniforme de ses distiques à rimes plates fournirent à son poème l'instru­ ment dépouillé et vigoureux qui lui convenait.

Il eut des imitateurs qui ne furent pas tous médiocres, mais on est tenté de dire que, par sa franchise et sa simplicité, son œuvre épuise le genre.

Au sein d'une culture poétique aussi riche que la persane, Firdousi demeure pour ses compatriotes le poète le plus populaire et le moins discuté.

P.J.

DE MENASCE O.

P.

Directeur d'Études à l'École des Hautes Études à Paris.. »

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