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IBN KHALDOUN

Publié le 21/05/2012

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Tout n'est pas cependant d'un haut prix dans l'oeuvre d'Ibn Khaldoun. L'Autobiographie est bien plus un récit des faits qu'un exposé des causes; l'auteur y pose plus qu'il ne s'y analyse; peut-être l'essentiel mérite de cet écrit réside-t-il dans la rareté d'oeuvres identiques, dans la littérature arabe. De même, l'Histoire Universelle ne révèle point, en Ibn Khaldoun, un chroniqueur fort différent de ceux qui l'ont précédé : sans doute la partie publiée par de Slane sous le titre

« Tamerlan fait grâce.

A peine de retour au Caire, Ibn Khaldoun retrouve sa charge de cadi dont la mort le délivre enfin en 1406, à l'âge de soixante-quatorze ans.

Si la carrière de l'homme est remarquable, le sort de son œuvre ne l'est pas moins.

Ibn Khaldoun est une révélation de l'orientalisme, et jusqu'au xrxe siècle le monde « arabe » l'a ignoré.

C'est seulement, en effet, après qu'en r847 de Slane eut publié son édition et sa traduc­ tion des chapitres de l'Histoire Universelle relatifs à l'Afrique du Nord, que l'Orient s'éveille et donne au Caire, en r857, une édition d'ailleurs mauvaise de l'œuvre entière d'Ibn Khaldoun.

Depuis, le monde « arabe » s'est d'ailleurs employé à réparer ses torts envers un homme en qui il a vu l'un des précurseurs des grands historiens de l'Europe moderne.

Tout n'est pas cependant d'un haut prix dans l'œuvre d'Ibn Khaldoun.

L'Autobiographie est bien plus un récit des faits qu'un exposé des causes; l'auteur y pose plus qu'il ne s'y analyse; peut-être l'essentiel mérite de cet écrit réside-t-il dans la rareté d'œuvres identiques, ' ans la litté­ rature arabe.

De même, l'Histoire Universelle ne révèle point, en Ibn Khaldoun, un chroniqueur fort différent de ceux qui l'ont précédé : sans doute la partie publiée par de Slane sous le titre d'Histoire des Berbères garde-t-elle pour nous une valeur toute spéciale, mais cela tient moins à l'effort critique qu'y déploie l'auteur qu'au fait que c'est là notre source essentielle et parfois unique pour l'étude de la Berbérie, aux xme et xrve siècles.

En dernière analyse, c'est donc dans la volumineuse introduction à l'Histoire Universelle, c'est-à-dire dans les Prolégomènes, que nous apparaît l'indéniable génie de ce précurseur.

Ces Prolégomènes débutent par un chapitre liminaire où Ibn Khaldoun expose les principes de la critique historique.

Ces pages, sans aucun doute, sont marquées par leur date.

Selon Ibn Khaldoun, en effet, le critère qui permet de distinguer le vrai du faux est la vraisemblance.

Partant de cet axiome que « le présent ressemble plus au passé qu'une goutte d'eau à une goutte d'eau », notre auteur déduit que les faits sont admissibles par l'historien dans la mesure où ils concordent avec ce que lui fournit son expérience ou celle d'hommes dignes de foi.

Une telle définition explique pourquoi, somme toute, l'œuvre historique d'Ibn Khaldoun n'est pas foncièrement différente de celles de ses prédécesseurs.

Si l'on étudie en revanche les Prolégomènes proprements dits, tout va changer.

Ici l'auteur, tout en demeurant attaché au principe d'un Dieu créateur de l'Homme et de l'Univers, pose que la société humaine est soumise à une évolution qui la porte à désirer le « mieux-être », donc à passer de la vie non-policée, à la vie policée.

Cette évolution est fonction du milieu physique et géographique; elle conditionne la structure et la vie des États.

Fort de son expérience politique et de ses observations, IbnKhaldoun trouve aisément, dans les dynasties de Berbérie, la confirmation de ses théories.

Il décrit le processus ascensionnel de chacune d'elles, à partir d'une tribu nomade ou montagnarde; il note les premiers signes de décadence, dans la seconde génération des souverains, l'affaiblissement de cet « esprit de corps » qui avait fait la force de la tribu originelle; il analyse ensuite les éléments qui ache­ minent ces dynasties vers leur chute et entraînent leur remplacement par une autre famille tout entière animée des vertus primitives.

Peu importe de rappeler que ces idées valent uniquement pour l'Afrique du Nord, entre le rxe et le xrve siècle, et qu'en Orient déjà elles reçoivent parfois des démentis, avant le xrve siècle.

Le mérite de ce penseur est d'avoir rajeuni les théories d'Aristote et posé, bien avant les sociologues modernes, que l'homme ne se développe qu'en fonction du milieu physique et social et que son évolution procède d'un déterminisme entièrement dominé par cer­ taines lois.

Ce mérite grandit encore si l'on considère que ce croyant très convaincu de l'omni­ potence divine et tout pénétré de l'origine théocratique de l'État ne recule point devant cette conclusion hardie mais imposée par sa théorie sociologique, que tout est fonction de la société, aussi bien l'autorité du souverain, que les institutions, les charges, l'armée, sans oublier la vie religieuse ni la culture des arts et des sciences.

Le premier, avant que toute l'Europe s'en soit avisée, Ibn Khaldoun a posé en conséquence que l'historien doit s'intéresser à tout ce qui touche l'homme.

Il n'a sans doute point rêvé d'une resurrection intégrale du passé, parce que c'est un grand malheur que d'être de plusieurs siècles en avance sur son temps.

N'est-ce point cependant un titre à une durable gloire que d'avoir déjà pensé en sociologue à une époque où l'histoire, en Europe, en était encore à ses premiers balbutiements ? RÉGIS BLACHÈ:RE Professeur à l'Ecole de~ Langues Orientales. »

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