Jean Moulin

 (1899-1943)  « Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures. « André Malraux  L'engagement de Jean Moulin dans la Résistance et les actes héroïques dont il fit preuve s'expliquent par son attachement aux valeurs républicaines. Son père, laïque, était un fier admirateur de Gambetta et Hugo. Son fils n'avait pas d'autre choix que de servir la République. En devenant héros et martyr national, Jean Moulin fit davantage : il la sauva.  Homme de gauche, Jean Moulin se destine à une brillante carrière de préfet. Séduisant et sportif, il cultive son goût de la peinture et des jolies filles. À quarante-deux ans, Moulin aurait pu attendre patiemment la fin de la guerre : il choisit la désobéissance. En juin 1940, ce préfet d'Eure-et-Loir tente de se suicider afin de ne pas signer un document compromettant l'armée française. Révoqué par le gouvernement de Vichy, Jean Moulin gagne Londres le 25 octobre 1941 et rencontre le général de Gaulle.  Tout sépare les deux hommes, si ce n'est un même dévouement pour la République. Jean Moulin est parachuté dans la zone Sud dans la nuit du 1er au 2 janvier 1942. Il est le représentant personnel du général de Gaulle et délégué du comité national. Jean Moulin, alias Rex ou Max, est chargé d'unifier les forces de la Résistance. Il mène sa tâche efficacement : en trois mois, les trois principaux groupes de la Résis- tance (Combat, Libération et Franc-Tireur) se rallient au général de Gaulle. Une armée secrète est créée et un Conseil national de la Résistance voit le jour sous la présidence de Jean Moulin. Celui-ci pèse de tout son poids dans la légitimité du général de Gaulle face aux Américains. Le 26 janvier 1943, Moulin réussit à unifier les trois mouvements de résistance en un seul, le MUR (Mouvements unis de la Résistance).  Six mois plus tard, le 21 juin 1943, une réunion secrète a lieu chez le Dr Dugoujon, à Caluire près de Lyon. Huit résistants sont présents dont Jean Moulin. Tous sont arrêtés le jour même par Klaus Barbie. L'un d'entre eux, Thomas Hardy, est aussitôt relâché. Aux prises avec le plus abominable des tortionnaires, Moulin demeure inébranlable. Lorsque Barbie lui demande les noms de ses camarades, il dessine en guise de réponse une caricature de son bourreau. Probablement mort le 8 juillet après avoir été atrocement torturé, Jean Moulin entre dans l'histoire comme martyr.  Très vite se pose la question de l'énigme de Caluire. Qui a livré Moulin aux Allemands ? Les regards se portent sur Hardy, qui clamera son innocence toute sa vie. Il est jugé et innocenté deux fois (1947, 1950). Néanmoins, l'ensemble de historiens s'accorde sur la probable trahison de Hardy. Le mystère de Caluire a d'ailleurs donné lieu à de multiples hypothèses. Dernièrement, la maîtresse de Thomas Hardy, Lydie Bastien, a révélé avoir livré Moulin à Barbie dont elle était également la maîtresse. Le cours de l'Histoire, nous l'espérons, rendra justice au combattant de l'ombre.  La mémoire du grand homme fut célébrée sous les accents enflammés de l'écrivain André Malraux lors du transfert de ses cendres au Panthéon (1964). Il demeure pour chacun de nous ce héros national, universel et éternel.