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Le génie de BIZET

Publié le 22/02/2012

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(25 octobre 1838-3 juin 1875) Fils d'un professeur de chant et d'une pianiste, Georges Bizet a dix ans quand il entre au Conservatoire, où il remporte une succession impressionnante de prix. A douze ans, il attire déjà l'attention de Liszt et de Berlioz, qu'il étonne par sa facilité à déchiffrer une partition. Quand en 1857, à l'âge de dix-neuf ans, il se voit attribuer le premier grand prix de Rome, il a déjà composé deux opérettes, La Prêtresse et le Docteur Miracle, qui a été représenté aux Bouffes Parisiens. Alors qu'il réside à la villa Médicis, à Rome, il se montre résolument anticonformiste en composant, à la place de la traditionnelle messe, Don Procopio, un opéra bouffe italien. Après des débuts très prometteurs et probablement grâce à l'extraordinaire facilité de composition, d'improvisation et d'exécution que possédait Bizet, sa carrière déçut considérablement ses contemporains. En 1863, Les Pêcheurs de perles laissent indifférent. Djamileh passe pour incompréhensible et L'Arlésienne n'est guère appréciée. Lorsque Carmen est créée, la mise en scène médiocre ne permet pas le succès. Pourtant, le critique Théodore de Banville dit tout le bien qu'il pense du spectacle qu'il découvre à l'Opéra-Comique. Peu après que le rideau fut tombé sur la trente-troisième représentation de Carmen, une crise cardiaque terrasse le compositeur.
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« long de ces quatre actes solidement charpentés, fait déjà sentir sa "patte" ; la ligne ascendante n'est pas altérée. Bizet avait atteint la trentaine.

Le 3 juin 1869, il épousa Geneviève Halévy, fille du célèbre auteur de La Juive, sonancien maître.

Devenue veuve jour pour jour six ans plus tard, elle devait convoler en secondes noces avec l'avocatStrauss, que l'on dit apparenté à l'un des barons de Rothschild.

Selon Ferdinand Bac, qui la vit encore pendant laguerre de 1914, la veuve de Bizet avait une "réputation justifiée d'esprit".

C'est auprès de cette femme d'élite queBizet, vivant ses dernières années, brisa ses chaînes pour nous donner trois chefs-d'Oeuvre, et premièrement, en1872, un petit ouvrage en un acte, Djamileh.

Cette fois-ci encore, notre musicien avait mal enfourné son affaire : lelivret que Louis Gillet composa en s'inspirant de la Namouna de Musset, est à proprement parler imbuvable.

Maispublic et critiques n'en furent pas moins conquis par la partition, tellement en sont fraîche l'inspiration et souverainela facture Bizet fut jugé par un journaliste, comme "l'un des musiciens les plus remarquables de notre temps". Quatre mois plus tard, le 1er octobre 1872, eut lieu, sur le Théâtre du Vaudeville, la première de L'Arlésienne, drameen trois actes d'Alphonse Daudet, avec une musique de scène de Bizet.

Ce fut un échec complet.

Surmené, sarésistance physique épuisée, le compositeur (il avait pourtant obtenu l'adhésion de ses pairs), se montra fort affligéde cet insuccès, dû à la médiocrité d'esprit des uns, non moins qu'à la méchanceté des autres.

"Devant ce fourépais, noir, imprévu (écrivait le lendemain Daudet à Camille Bellaigue), il nous semblait, à Bizet et à moi, nous noyeravec un collier de pierreries autour du cou !" En raison de ses qualités, probablement, L'Arlésienne eut en effet ledon d'exaspérer certaines gens un peu comme ces êtres trop délicats, trop émotifs, et dont la seule présence"énerve" leur entourage : "Villemessant (nota plus tard Léon Daudet), Villemessant, directeur du Figaro, haïssaitL'Arlésienne.

Il faisait faire, chaque jour, un écho pour en dénoncer la bêtise." Lors de la reprise, en 1885, justiceayant été rendue entre temps à Bizet (il avait fallu pour cela qu'il mourût !), le directeur Camille Du Locle, faisantpreuve, à défaut de flair professionnel, d'une rare faculté de localisation géographique, qualifiait encore cettemerveilleuse musique de...cochinchinoise ! "Heureux les chefs-d'Oeuvre inaccessibles, où le public n'entre qu'avec peine !", écrivit un jour François Mauriac.Ç'avait été le sort (enviable à ce point de vue), de L'Arlésienne : ç'allait être encore celui de Carmen, dont lapremière représentation, le 3 mars 1875, donna lieu à une manière de scandale, passé au rang d'historique. Trois mois plus tard, jour pour jour (3 juin), Bizet mourut d'une crise cardiaque consécutive au surmenage, etnullement, comme on l'a trop laissé croire, au chagrin que lui avait causé le demi-échec de Carmen.

Alors, il n'y eutde trompettes assez cuivrées, d'orgues assez puissantes, de mots assez sonores pour proclamer ses mérites auxquatre points cardinaux. Mais il s'en fallait encore de beaucoup que le génie de Bizet fût reconnu en France du moins, car les Allemands, pourleur compte, ne s'y étaient point trompés ; Brahms, qui détestait le théâtre, ne manquait pas une représentation deCarmen.

Mais à Paris, Bizet n'avait rien qui pût l'imposer.

Cet homme né en pleine époque de délire romantique etdont la vie fut celle d'un petit bourgeois besogneux et effacé, cet homme n'avait pas d'histoire.

Massenet, "donneurde bonjours", Saint-Saëns, hargneux et désagréable, Debussy, distant et condescendant, Ravel, exquis et ironique,ces hommes pouvaient plaire ou ne pas plaire : ils ne laissaient personne indifférent.

Bizet, au contraire, n'attiraitpoint ; l'on a dit de son caractère qu'il était plutôt antipathique et cette opinion paraît moins sujette à caution quecelle de son biographe Charles Pigot, aimable graphomane qu'un parti pris de louanges inconditionnelles etpermanentes a conduit tout droit à une redoutable incontinence de vocabulaire laudatif. Le public qui, au soir du 3 mars 1875, emplissait le Théâtre de l'Opéra-comique, ne pouvait donc se douter qu'ilassistait à l'un des événements capitaux de l'histoire de la musique française.

L'Oeuvre, de surcroît, le dépassait.

Laraison profonde de l'échec de Carmen, lors de sa création, ce n'est point, comme on l'a dit, "l'indécence" de sonlivret, mettant en scène des filles et des bandits sans aveu, ni les quelques audaces harmoniques (comme lafameuse cadence ponctuant l'air de Don José), perceptibles d'entrée de jeu.

Il faut chercher plus profondément :Carmen est écrite en parties réelles ; d'un bout à l'autre, cette partition est contrepointée.

Mesure-t-on combienune telle écriture, qui met en Oeuvre tous les procédés hérités de la science de J.-S.

Bach, dut dérouter, voireexaspérer les spectateurs de l'époque ? Ces gens étaient accoutumés aux quiètes délices de la mélodieaccompagnée, telle que, d'Auber à Gounod, la leur avaient dispensée leurs auteurs favoris.

Les pages ibérisantes dela partition firent le reste.

Il s'ensuivit que les auditeurs de 1875 (comme aussi, ceux les mêmes ! de L'Arlésienne ),n'entendirent point la mélodie.

Or, Bizet avait le don fort rare et combien enviable de "trouver le motif" et, avecCarmen, son exploit le plus singulier fut bien de réussir ce fameux compromis : écrire une musique qui pût s'assurertout à la fois le consentement des masses et celui des clercs. Que les masses n'aient pas adhéré d'emblée, cela se conçoit, et pour la raison de toujours : l'Oeuvre était enavance sur son époque.

Quant aux clercs, leurs avis furent partagés, comme il se doit.

On connaît à ce propos laridicule accusation de wagnérisme, portée, dès l'apparition de ses premières Oeuvres, contre Bizet ; on ne luipardonnait point d'avoir rompu, au lieu d'en faire une nouvelle resucée, avec tous les Monsigny et Boieldieu de lacréation ! Et pourtant, Bizet n'adopta jamais le procédé de la "mélodie continue" inventé et exploité à fond parWagner.

Mais, à cette époque, chacun était peu ou prou le wagnérien de quelqu'un ; le rare, c'est que Bizet,accusé de wagnérisme par ses adversaires parisiens, fut institué par Nietzsche "champion de l'art méditerranéen", etcela, par opposition à ce même wagnérisme ! Il convient de remarquer que le musicien de Carmen ne fut point un novateur au sens absolu du terme : il ne créa niune langue ni un style nouveaux.

A l'encontre d'un Chabrier, dont les néologismes préfigurent Ravel, ses trouvailles. »

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