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Le Père Joseph

Publié le 22/03/2012

Extrait du document

 

Peu de grands hommes ont été plus attaqués et plus calomniés que le capucin Leclerc du Tremblay, plus connu sous le nom de Père Joseph, ou de l'Éminence Grise. Il le fut plus encore que son illustre maître Richelieu ; et sa mémoire n'est pas encore réhabilitée par l'histoire, comme l'est celle du grand Cardinal. Parfois inspirateur de cette politique qui sauvait la France, agent toujours énergique et fidèle, accusé de machiavélisme parce qu'il était d'une sagacité admirable, accusé de cruauté parce qu'il mettait le salut de la patrie au-dessus de la sensibilité, harcelé d'épigrammes par tous les ennemis de l'unité française, ennemis du dehors, ennemis du dedans, surtout par les pamphlétaires du calvinisme, de la féodalité, de l'Angleterre ou de la Hollande, il paraît devant la postérité avec ce passeport de Richelieu, s'écriant, en apprenant sa mort : « J'ai perdu mon bras droit. «

La réhabilitation complète de cet homme saint, désintéressé, sans ambition, d'une activité merveilleuse et d'un génie politique, brillant encore à côté de Richelieu, a de quoi tenter un véritable historien. Je veux rappeler ici uniquement un fait, un de ces petits faits, simples, sans apprêts, qui, comme un éclair, illuminent toute une vie. L'illustre capucin est à l'agonie, il a perdu à peu près connaissance, le cardinal accourt, il veut le réveiller de son assoupissement, et en même temps donner une dernière joie au confident de ses pensées. Que va-t-il lui dire ? Dans quel ordre d'idée va-t-il chercher la parole qui émeut, qui réjouit, qui ressuscite ? Va-t-il lui annoncer ce qui paraît vrai, qu'il est nommé cardinal ? Non. - « Père Joseph ! Père Joseph, lui crie-t-il, nous avons pris Brissach ! « Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que jamais les profondeurs de l'âme patriotique de ces deux grands calomniés n'ont resplendi plus brillamment ; et ce capucin qu'on espère ressusciter en lui annonçant une victoire de la France, une victoire de cette noble politique à laquelle il a donné toutes ses forces, ce capucin n'est pas l'être bas, fourbe et envieux que les libellistes huguenots nous veulent montrer. « Le médecin du cardinal, qui s'aperçut qu'il ne se portait pas bien, lui ordonna un remède qui aurait peut-être eu un bon effet s'il eût été pris à jeun, mais il ne voulait pas se priver ce jour-là de la satisfaction de dire la messe ni prendre un bouillon gras parce que c'était le lundi, 11 mai, des Rogations ; si bien que deux heures après avoir pris un bouillon aux herbes, il tomba dans une attaque d'apoplexie qui lui fit perdre 1'usage de la parole et de tous les sens pendant trois heures. Le roi envoya ses médecins et il fut si bien soigné qu'il revint en santé. Le Père Joseph, qui regarda cet accident comme un avant-coureur de la mort, pensa tout de bon à s'y préparer ; il quitta la cour, se retira chez les capucins de Senlis, y fit une confession générale et se rendit ensuite à Paris, la veille de la Pentecôte, chez les religieuses du Calvaire du Marais, moins pour y consoler ses filles que la nouvelle de sa maladie alarmait, que pour prendre occasion de les exhorter à ne point fonder leurs espérances sur les créatures et à leur représenter que tout passe et qu'il n'y a que Dieu seul qui soit immuable. Après y avoir demeuré deux jours, il se retira au couvent des Capucins de la rue Saint-Honoré dans l'intention de ne se plus mêler d'aucunes affaires que de celles où il s'agissait de la gloire de Dieu et du salut des âmes, afin de se mieux préparer à la mort. « Toutefois se trouvant mieux il obéit à l'appel du cardinal de Richelieu qui avait grand besoin de lui à Ruel. « Il alla à Ruel, le 14. Le Cardinal, qui l'attendait, lui donna de grandes marques d'amitié et le pria de ménager une santé qui lui était aussi chère qu'elle était précieuse à l'État. Le lendemain, pendant que Son Éminence alla au conseil à Saint-Germain, le Père Joseph passa jusqu'à midi à répondre à des lettres qu'il avait reçues des missionnaires d'Orient ; il dicta au Père Ange plusieurs instructions pour eux et, selon sa louable habitude, il alla dire la messe, à midi, en actions de grâces des agréables nouvelles qu'il avait reçues. Il s'était confessé au Père Ange avec autant d'exactitude et de terreur des jugements de Dieu que si c'eût été la dernière heure de sa vie. L'après-midi il eut une longue conférence avec les cardinaux de Richelieu et Brichi ; ensuite il se retira dans sa chambre où après avoir récité son office et fait une méditation d'une heure, il dicta à son compagnon une lettre circulaire pour toutes les maisons de la congrégation du Calvaire qu'il exhortait à la persévérance dans l'union et dans la pratique des exercices qu'il leur avait laissés. De là il se mit à table pour collationner, et pendant qu'il était attentif aux beaux exploits de Godefroy de Bouillon dans la Terre-Sainte dont il faisait le lecture, il tomba une seconde fois dans une apoplexie qui lui laissa en moins d'une heure la moitié du corps sans mouvement. Il fit plusieurs efforts pour parler sans qu'on pût entendre un seul mot de ce qu'il voulait dire.

Le jeudi 16, dès le matin, le confesseur des Filles du Calvaire du Marais arriva ; les médecins crurent que rien n'était plus capable de le faire revenir de son assoupissement, que de lui dire que ce bon prêtre était venu demander sa bénédiction pour toutes les religieuses. En effet, à cette voix il ouvrit les yeux, serra la main de celui qui lui parla et fit le signe de la croix sur ce prêtre à genoux. le Père Général des Capucins qui était alors à Paris, le Père Provincial et le Père gardien du couvent de la rue Saint-Honoré arrivèrent une heure après. Le Père Général lui demanda en italien s'il le connaissait ? Il serra la main pour réponse. Le général ajouta que pour recevoir l'absolution et les indulgences plénières il fallait donner des signes de pénitence ; le Père Joseph frappa sa poitrine plusieurs fois, fit le signe de la croix, répandit des larmes et reçut dans cet état contrit l'absolution et l'indulgence plénière selon les privilèges de l'Ordre.

Comme il n'avait pas encore perdu l'usage de la vue et de l'ouïe puisqu'il faisait voir pas signes qu'il entendait, et qu'il présentait sa main pour prendre le crucifix et le baiser, il fut très sensible à l'honneur que Monsieur, frère unique du Roi, lui fit de le venir voir, en cet état ; il n'y eut mouvement qu'il ne se donnât pour en témoigner sa reconnaissance.

Le Père Pascal, d'Abbeville, était venu le voir une seconde fois et, comme c'est le devoir des supérieurs de présenter à Dieu les âmes qu'Il a commises à leur conduite, il attendait que celle du Père Joseph sortît de son corps pour la rendre à son Créateur. Ce fut un samedi, 18 décembre 1638, à onze heures du matin, que mourut ce religieux, âgé de soixante et un ans, après en avoir passé quarante dans l'ordre de Saint-François.

Sitôt que le Père Joseph fut mort, le cardinal de Richelieu qui voulait qu'on lui rendît les mêmes honneurs qu'à un cardinal, fit porter son corps, avec beaucoup de pompe, dans un carrosse à six chevaux, accompagné de toute sa maison, jusqu'au couvent de la rue Saint-Honoré, où il arriva le soir aux flambeaux. Il y fut reçu par le Père général accompagné de plus de cent soixante religieux, chacun un cierge blanc à la main, et porté  à l'infirmerie où on l'ouvrit pour en tirer le cœur. Le lendemain, il demeura exposé à la vue de tout le peuple dans l'église, où il vint un concours de monde de toutes conditions lui rendre les derniers devoirs jusqu'à ce qu'il fut mit en terre par le Père général, le provincial, les quatre définiteurs de l'Ordre et tous les Capucins de Paris et des villes voisines. On eut bien de la peine à achever les obsèques, tant la foule était grande.

Le 22, les cardinaux de Richelieu et Bichi, les seigneurs qui estimaient le Père Joseph ou qui voulaient faire la cour au cardinal, les parents du défunt et tous ses amis assistèrent au service solennel, où la grande messe fut célébrée par le Père général. Toutes cette assemblée s'aperçut que le cardinal de Richelieu versa des larmes sur son tombeau et dit ces paroles d'estime et de tendresse : “ Je perds ma consolation et mon unique secours, mon confident et mon appui. ” On était si persuadé de la douleur que lui causa cette mort que le roi même prit soin de l'en consoler et que tous ses amis lui en firent des compliments de condoléance. «

(Le véritable Père Josef, capucin.)

 

« UNE ULTIME MAROUE D'AMITIÉ Le 18 décembre 1638, le père Joseph est brutalement frappé d'une crise d'apoplexie alors qu'il se trouve à Rueil, chez Richelieu.

Les médecins sont formels, le Capucin est perdu.

Bouleversé, le cardinal ne sait comment adoucir les derniers instants de son fidèle ami.

Soudain, il quitte la chambre où repose le père Joseph puis, quelques instants plus tard, revient en menant grand tapage.

Tenant à la main un papier censé figurer une dépêche, le prélat se penche vers le mourant et s'écrie : " Père Joseph ! Père Joseph ! Brisach est à nous ! " La plus puissante des forteresses du Haut-Rhin est tombée quelques heures plus tôt aux mains de Bernard de Weimar -avec lequel le père Joseph a négocié l'alliance.

Mais Richelieu l'ignore encore ...

En devançant les événements -par un pieux mensonge qui n'en était pas un ...

-, il donne à celui qui a été l'artisan de la politique allemande une ultime preuve d'amitié.

carrière militaire, François Leclerc passe une année dans les bas-fonds de Paris.

Là , il se consacre aux misé­ reux et aux malades .

Le choc de cette expérience le confirme dans sa vocation .

Malgré les réticences de sa mère, il opte pour l'ordre des Capucins et revêt l'habit de novice, le 2 février 1599, au couvent d'Orléans .

Ordonné prêtre en 1604, le père Joseph - puisque c'est désormais son nom- entame une carrière fulgurante.

Ses talents d'orateurs sont tels qu'il doit prêcher en plein air faute de pouvoir ac­ cueillir tous les fidèles à l'in­ térieur de son église .

En 1609, il est supérieur du cou­ vent des Capucins de Tours lorsque Éléonore de Bour­ bon, tante d'Henri IV et ab­ besse de Fontevrault, le charge de réformer l'abbaye .

Souhaitant partager cette lourde tâche, le capucin son­ ge à Armand du Plessis de Ri­ chelieu .

À 24 ans, le jeune évêque de Luçon a lui aussi une réputation bien établie .

Les deux hommes inaugurent alors un lien d'amitié que, durant trente ans , nulle épreuve ne pourra briser.

L'«éminence grise» Lorsque le cardinal de Riche­ lieu entre au Conseil du roi Louis Xlii, en 1624 , il fait im ­ médiatement appel au père Joseph.

Celui-ci organise un véritable service de rensei­ gnements parallèle, recourant à de nombreux capucins .

Le père d'Alais est ainsi chargé des relations avec la Bavière pendant que celles avec l'Em­ pire germanique sont dévo­ lues au père de Casai.

L'Euro­ pe centrale est alors engagée dans l'inextricable guerre de Trente ans et la toile d'arai­ gnée des «honorables corres­ pondants » du père Joseph permet à Richelieu de tisser ses alliances au gré des cir­ constances .

Progressivement, le capucin s'impose comme ministre des Affaires étrangères officieux, faisant parfois peu de cas du personnel diplomatique en place.

De l'affaire de la Valteli­ ne, en 1625, au siège de La Ro­ chelle, en 1628, le père Joseph est de toutes les «cam­ pagnes » de Richelieu.

Après la reddition de La Rochelle, le cardinal, qui n'est pas un in­ grat, propose à son ami et conseiller le titre d'évêque de la ville .

Mais le père Joseph refuse cet honneur .

Il est , et reste, un homme de l'ombre.

Entre les deux ecclésias­ tiques, règnent une entière ~EDITIONS ~lia~ ATLAS confiance et une indissoluble amitié .

Richelieu se plaît à surnommer le père Joseph tour à tour Ézéchieli ou Tene­ broso-Cavernoso, selon qu'il fait référence à ses talents de prédicateur ou de négocia­ teur et de manipulateur hors pair .

Cette complicité se double d'une proximité de tous les instants .

Richelieu et son conseiller travaillent sou­ vent la nuit, entre deux et six heures du matin .

Puis, le car­ dinal se couche deux petites heures .

C'est le moment que choisit le père Joseph - qui loge dans une petite pièce attenante à la chambre du mi­ nistre de Louis XIII- pour re­ cevoir ses agents, souvent des capucins, venus présen­ ter leur rapport.

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