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LOUIS COURIER (1772-1825). Un plébiscite impérial.

Publié le 17/01/2022

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Paul-Louis Courier fut d'abord un érudit très distingué, passionné pour l'étude du grec. Mais il se distingue surtout par ses lettres, et par ses pamphlets contre le gouvernement de la Restauration. Il écrit dans une langue vive et serrée, un peu trop travaillée, mais d'une remarquable sûreté dans sa concision.

A. M. N.

A Plaisance, le ... mai 1804.

Nous venons de faire un empereur, et, pour ma part, je n'y ai pas nui. Voici l'histoire. Ce matin, d'Anthouard nous assemble, et nous dit de quoi il s'agissait, mais bonnement, sans préambule ni péroraison. Un empereur ou la république, lequel est le plus de votre goût? comme on dit : rôti ou bouilli, potage ou soupe, que voulez-vous? Sa harangue finie, nous voilà tous à nous regarder, assis en rond. Messieurs, qu'opinez-vous? Pas le mot ; personne n'ouvre la bouche. Cela dura un quart d'heure ou plus, et devenait embarrassant pour d'Anthouard et pour tout le monde, quand Maire, un jeune homme, un lieutenant que tu as pu voir, se lève, et dit : « S'il veut être empereur, qu'il le soit ; mais, pour en dire mon avis, je ne le trouve pas bon du tout. — Expliquez-vous, dit le colonel; voulez-vous, ne voulez-vous pas? — Je ne le veux pas, répond Maire. — A la bonne heure. « Nouveau silence. On recommence à s'observer les uns les autres, comme des gens qui se voient pour la première fois. Nous y serions encore, si je n'eusse pris la parole. « Messieurs, dis-je, il me semble, sauf correction, que ceci ne nous regarde pas. La nation veut un empereur; est-ce à nous d'en délibérer? « Ce raisonnement parut si fort, si lumineux, si ad rem... que veux-tu? j'entraînai l'assemblée. Jamais orateur n'eut un succès si complet. On se lève, on signe, on s'en va jouer au billard. Maire me disait : « Ma foi, commandant, vous parlez comme Cicéron; mais pourquoi voulez-vous donc qu'il soit empereur, je vous prie? — Pour en finir et faire notre partie de billard. Fallait-il rester là tout le jour? pourquoi, vous, ne le voulez-vous pas? — Je ne sais, me dit-il; mais je le croyais fait pour quelque chose de mieux. « Voilà le propos du lieutenant, que je ne trouve pas tant sot. En effet, que signifie? dis-moi... un homme comme lui, Bonaparte, soldat, chef d'armée, le premier capitaine du monde, vouloir qu'on l'appelle Majesté? Être Bonaparte, et se faire sire! Il aspire à descendre' ; mais non, il croit monter en s'égalant aux rois. Il aime mieux un titre qu'un nom. Pauvre homme! ses idées sont au-dessous de sa fortune. Je m'en doutai quand je le vis donner sa petite soeur à Borghèse2 et croire que Borghèse lui faisait trop d'honneur. La sensation est faible. On ne sait pas bien encore ce que cela veut dire. On ne s'en soucie guère, et nous en parlons peu. Voilà nos nouvelles ; mande-moi celles du pays où tu es, et comment la farce s'est jouée chez vous. A peu près de même, sans doute. Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne.... Avec la permission du poète, cela est faux. On ne tremble point. On veut de l'argent, et on ne baise que la main qui paye. Ce César l'entendait bien mieux, et aussi c'était un autre homme. Il ne prit point de titres usés, mais il fit de son nom un titre supérieur à celui de roi.... Adieu, nous t'attendons ici. QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Une lettre politique. — Rappelez la date de cette lettre; Quelle modification fut apportée, à cette époque, à la forme du gouvernement de la France? Un plébiscite ne fut-il pas organisé dans l'armée? Quelle fut la question posée? Quel avis exprima le corps des officiers du régiment d'artillerie auquel appartenait Courier? Indiquez le rôle que joua ce dernier; Au fond, Courier désirait-il que Bonaparte se fît couronner empereur? Ne montra-t-il pas, en cette circonstance, plus d'habileté que de vigueur de caractère? Comment qualifie-t-il, à la fin de la lettre, la consultation de l'armée? Quel est le caractère de ce récit? Courier ne fait-il pas revivre devant nous la scène qu'il retrace? II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties du morceau : a) Question posée par d'Anthouard; b) Embarras des officiers; c) Avis exprimé par Maire, par Courier; d) Réflexions de Courier; Comment d'Anthouard posa-t-il aux officiers la question au sujet de laquelle il devait recueillir leur avis? Essayez d'expliquer l'embarras des officiers (n'étaient-ils pas républicains?... et cependant pouvaient-ils protester contre le projet de Bonaparte? tirer l'épée contre lui ?... Ne songeaient-ils pas aussi à leur avenir?...); Que dit le lieutenant Maire? Quel avis exprima Courier (insister sur l'adroite distinction qu'il fait); Indiquez quelques-unes des réflexions si justes qu'il formule ensuite. III. — Le style ; — les expressions. — Montrez la concision vigoureuse du style (pas de longueurs : Courier va droit au but : voici l'histoire...; il a des phrases écrites en un style lapidaire : Être Bonaparte et se faire sire...; en citer quelques autres); Faites également ressortir la vivacité et l'animation du Style (la scène retracée est bien vivante et e tout l'attrait d'une scène de comédie...) ; Indiquez quelques expressions imagées; Expliquez cette phrase : Il aime mieux un titre qu'un nom, — puis cette autre : César fit de son nom un titre supérieur à celui du roi. IV. — La grammaire. — Quels sont les mots de la même famille que plébiscite? Indiquez la composition des mots préambule, péroraison; Trouvez un nom de la même famille que chacun des verbes suivants : opiner, vouloir, croire; Quels sont les compléments de dit (3e phrase)? nature de chacun d'eux. Rédaction. — Commentez ces paroles de P-L. Courier : « Être Bonaparte, et se faire sire! Il aspire à descendre; mais non, il croit monter en s'égalant aux rois.   

 

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