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MONTESQUIEU

Publié le 02/09/2013

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montesquieu

 

1689-1755

CHARLES-LOUIS DE SECONDAT naît le 18 janvier 1689 au Château de la Brède, près de Bordeaux. Lors de son baptême, on lui donne un mendiant pour parrain, afin qu'il se rappelle toute sa vie que les pauvres sont ses frères. Il étudie le droit à Bordeaux, puis à Paris et compose à vingt-deux ans un traité aujourd'hui perdu sur la Damnation éternelle des païens. Il y affirme que les philosophes de l'antiquité ne méritèrent pas l'enfer. En 1714, il est nommé conseiller au Parlement de Bordeaux. L'année suivante, il épouse Jeanne de Lartigue. En 1716, son oncle lui cède sa charge de Président au Parlement, tous ses biens et le nom de Montesquieu.

La même année, il lit à l'Académie de Bordeaux une dissertation sur la Politique des Romains dans la Religion, dont voici les premiers mots : « Ce ne furent ni la crainte, ni la piété qui établi¬rent la religion chez les Romains; mais la nécessité où sont toutes les sociétés d'en avoir une. « Sans doute est-ce là une erreur, mais qu'il fallait son génie pour concevoir : dans les sciences humaines, il y a souvent plus de mérite à découvrir les problèmes qu'à les résoudre.

En 1721, paraissent sans nom d'auteur les Lettres Persanes, somme des surprises de quelques Orientaux imaginaires séjournant à Paris. Montesquieu y feint de considérer avec des yeux naïfs la société où il vit : exercice d'un excellent et même d'un périlleux profit. Ce renversement de la perspective crée la sociologie. En changeant les axes de référence, l'auteur propose à l'étude des sociétés comme une théorie de la relativité restreinte : on ne s'étonne plus d'autrui, mais de soi-même, non plus des turbans à aigrettes, mais des tricornes à plumes, non plus d'avoir plusieurs femmes, mais de n'en avoir qu'une seule, non plus qu'on se déchausse en entrant dans la mosquée,, mais qu'on se découvre en franchissant le seuil de l'église, non plus d'Iblis, mais de Lucifer.

Des tableaux désinvoltes dissimulent, dans les Lettres Persanes, la gravité de l'entreprise. Montesquieu cependant pense déjà à l'élargir. Son succès l'a rendu célèbre. Il se présente à l'Aca¬démie française. Il est élu. Mais le Roi refusant son agrément, sous prétexte qu'il n'habite pas Paris, il n'y entre qu'en 1728. Il se décide presque aussitôt à voyager, visitant l'Allemagne, l'Au¬triche, l'Italie, la Suisse et la Hollande, montrant partout une insatiable curiosité des hommes et des choses. En 1729, Lord Chesterfield l'entraîne en Angleterre où il reste trois ans. Il observe sans cesse, questionne, prend des notes, cherche toujours à comprendre. Il ne s'indigne qu'à la dernière extrémité. Il réfléchit sur plusieurs paradoxes historiques dont les données l'ont intrigué, depuis qu'il a su les apercevoir et les circonscrire. Comment l'Espagne a justement commencé de s'appauvrir quand les galions entassaient dans ses ports l'or et l'argent du Nouveau Monde ? Et il rédige les Considérations sur les Richesses de l'Espagne. Comment Rome, bourgade insignifiante, a su conquérir l'univers, et comment elle en a perdu l'empire au moment où elle disposait de la suprême puissance ? Et il compose les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence.

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« ridicule, sinon révoltant, à un esprit non prévenu.

Un nouveau progrès le pousse à faire la preuve qu'il n'y a rien d'arbitraire, ni de frivole, ni peut-être de déraisonnable si l'on regarde mieux, dans les lois que les hommes se sont données et qui apparaissent si contradictoires; dans les usages qu'ils suivent et qui les entraînent si légèrement à se moquer les uns des autres; dans les préjugés mêmes qui leur conseillent à l'occasion de commettre d'odieuses actions.

Isolés, ces éléments ne peuvent que déconcerter.

Mais qui les étudie à leur place et dans leurs mutuelles connexions se persuade vite que ces innombrables coutumes, conventions, règles et contraintes, explicites ou diffuses, qui forment l'esprit général d'une société, se trouvent entre elles dans une économie si étroite et si bien liée qu'on ne saurait les modifier aisément, c'est-à-dire à la fois sans dommage et sans précautions : en touchant à l'une des pièces du système, c'est l'appareil entier qu'on risque d'ébranler.

Il convient donc de ne réformer qu'en tenant compte des diverses influences qui ont fait de chaque société ce qu'elle est et dont la plupart -climat, étendue du territoire, fertilité du sol, densité de la population, ressources de toutes sortes, croyances, histoire, genre de vie - ne sont nullement dociles aux décisions de la politique.

Ce n'est pas que Montesquieu estime celle-ci impuissante et désarmée.

Mais il établit qu'elle doit commencer par être obéissante, si elle se veut efficace.

Il la voue au destin le plus ambitieux.

Il lui commande d'être adroite, patiente, obstinée à choisir la solution difficile, mais généreuse.

Il entend qu'elle triomphe de son inertie même, en ne la négligeant jamais, car ce dédain signifie­ rait pour elle la certitude de l'échec.

Toutefois, il n'en est pas moins indispensable qu'elle parvienne à remonter sa propre pente, pourtant rapide, glissante et perfide, semée d'embûches et de chausse­ trapes, afin que l'homme arrive par ce cheminement obligatoire et ingrat à solidement établir les normes de justice et de raison, par où il se crée, contre la nature, d'étranges devoirs.

L'œuvre rare, où un grand esprit puise dans sa clairvoyance les motifs de sa foi, est publiée à Genève en 1748.

Elle est aussitôt lue et très attaquée.

La Sorbonne la condamne et bientôt l'Eglise la met à l'Index.

Frédéric II en fait son livre de chevet, tout en se déclarant en désaccord sur plusieurs points.

Montesquieu confie à l'un de ses amis qu'il devine aisément lesquels.

Cathe­ rine II trouve dans la doctrine des raisons de renforcer son autocratie.

Les Anglais cependant y découvrent les mérites des institutions libérales qui les régissent.

A la fin du siècle, les Consti­ tuants américains ou français s'affirment également ses disciples.

Que signifie cet acquiescement simultané des despotes, qu'il déteste, et des révolutionnaires, dont il redoute la précipitation? Uniquement qu'il est un bon sociologue.

Ce sont déjà les dernières années de Montesquieu.

Il les passe, plutôt qu'à jouir de sa gloire, à défendre l'ouvrage auquel il la doit.

Il écrit encore le dialogue de Lysimaque, qui contient le der­ nier mot de sa morale, et compose pour l' Encyclopédie un Essai sur le goût qui ne sera publié qu'après sa mort.

Celle-ci survient le 20 février r 7 55.

UN des plus beaux styles français; deux ou trois chefs-d'œuvre; une encyclopédie fausse en presque tous ses détails, mais dont l'ampleur de vue, mais où l'audace dans la découverte de rela­ tions surprenantes et exactes demeurent, après les progrès des sciences auxquelles elles ont ouvert la voie, des exemples d'une exceptionnelle fraîcheur; l'alliance, peut-être unique à ce degré, d'une générosité assez clairvoyante pour n'être jamais dupe et d'une intelligence qui n'est pas bornée par la crainte de l'être : c'est plus de titres qu'il n'en faut à un écrivain pour avoir fourni une contribution irremplaçable aux Lettres et à l'histoire des idées.

ROGER CAILLOIS r8r. »

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