SIMON VESTDIJK

« Si Vestdijk suit minutieusement les multiples métamorphoses de ce dernier demi-siècle, son introspection n'est nullement arrêtée par les brouillards du passé.

Sa documentation est sévère et on ne le surprend jamais devant de faux décors.

Qu'il analyse un cas clinique chez les anciens orientaux, le climat moral au temps de Pilate ou la perversité sacrée du temps de l'Inquisition, Vestdijk reste le prestidigitateur du présent historique.

II partage avec d'autres écrivains de son pays le souci d'une documentation précise et complète où l'imagination trouve néanmoins son compte.

Notons que ce réalisme consciencieuse­ ment recomposé est spécifiquement hollandais.

II n'y a pas lieu de s'étonner que Vestdijk, Jules Verne d'un nouveau genre, réussisse à dresser la carte « des mondes transcendentaux », comme en témoigne son dernier roman, Message pour les terrestres, envoyé par des morts qui continuent à vivre sans corps une existence plausible.

C'est la fiction poussée au suprême degré.

Ce qui est admirable chez Vestdijk, c'est qu'il ne perd jamais ses dons d'ensemblier.

Dans chacun de ses livres, du moindre détail vestimen­ taire jusqu'au geste le plus important du processus intérieur, tout est marqué de la même densité.

Les personnages appartiennent à un vaste potentiel historique ou géographique et par leurs actes produisent à leur tour une certaine houle au milieu de laquelle ils se débattent.

L'homme et son entourage tour à tour se complètent, se modifient, s'amputent, mais contribuent à l'édifice final.

En dépit de sa rigueur, Vestdijk reste un auteur romantique, non seulement par la passion qu'il porte à la Légende des Sierles mais par son goût de l'évasion.

Ce Frison solidement ancré dans son petit pays est doté de puissantes antennes qui lui permettent de situer ses romans aussi bien dans « l'Ile-au-Rhum », que dans le mystérieux domaine insulaire où se déroulent les « Nuits d'Irlande ».

Iles, nuits, mort, voici quelques-uns des thèmes essentiels de cet auteur.

La liste de ses œuvres épiques serait trop longue.

Citons néanmoins parmi ses œuvres prin­ cipales: Retour à Ina Damman (1934), l'Ami brun et Else Biihler, servante allemande, de 1935; le Voyage en erifer de Monsieur Visser (1936), le Cinquième sceau (1937), le Cavalier noir (1940), le Maftre d'hôtel et les vivants ( r 949), le Jardin de cuivre ( 1950), les Gardiens d'ivoire et le Médecin et la Fille légère, de 1950; la Cuirasse luisante ( 1 956), la Coupe et l'Amour ( 195 7).

Vestdijk n'est pas seulement poète et conteur.

Sa curiosité créatrice le lance à travers toutes les réserves où l'esprit humain se plaît à chasser.

Le démasqueur explore l'envers de tous les décors.

II s'est également attaché à analyser l'œuvre de ceux qui, comme lui, ont cherché.

Après avoir analysé le cas des Artistes de la psychologie de la guerre ( 1 93 7), il publie en r 938 un Rilke artiste baroque; en 1940, Albert Verwq et l'idée; en 1945, le Problème de la culpabilité chez Dostoïevski.

II a examiné les livres importants de son époque, entretenu avec son ami le poète vitaliste Hendrik Mars man (tué en 1940) une correspondance importante : Lettres sur la Littérature; réuni ses critiques en deux volumes Rébellion contre !ajournée (1947); s'est intéressé à l'Avenir de la religion (1947), à l'Astrologie et la science (1949), au mystère de l'acte poétique: la Cellule germinative brillante (1950).

Mentionnons encore en 1939 un traité sur le problème de l'intuition et de l'introspection littéraires : Lyre et lancette, et l'essai sur les styles, le Cavalier polonais, de 1946.

Vestdijk est également un grand musicologue.

Plusieurs volumes analysent l'œuvre d'un compositeur ou définissent un genre musical : le Programme en musique ( 1951, en collaboration avec Passchier); Troupes d'élite d'Euterpe (r957), et Comment écrire sur la musique (r963).

Simon Vestdijk est l'écrivain le plus complet que les Pays-Bas aient produit.

Si l'art peut être circonscrit, Vestdijk en a fait le tour.

Les dimensions de son œuvre impressionnante n'ont d'égales que ses qualités et la variété.

La science et la fantaisie en font le charme et le poids.. »