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Franz Kafka : « Écrire, c’est faire un pas en dehors de la rangée des assassins. »

Publié le 12/09/2015

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En écrivant, je ne me suis pas trouvée aux prises avec des théories ou des débats, mais plutôt avec une exigence, qui fonde pour moi l’acte même d’écrire.

 

Je pense qu’écrire, c’est chercher à rencontrer le réel, tout le réel, ce qui vient, le “dehors” — comme “cet homme sans paupières” dont parle Hoffmannsthal à propos de Rilke —, et en même temps, c’est toujours aussi mettre à distance un monde meurtrier, “sauter, comme dit Kafka, hors de la rangée des assassins”. L’assassin, chacun en fait l’expérience à sa façon et pour chacun il prend un visage particulier. Pour moi, à l’origine, son visage est celui d’un monde — il s’est appelé à un moment « usine » — où la vie et la mort sont mélangées, un monde hors temps, un monde de morts-vivants, et la littérature est la recherche des formes qui séparent de ce monde-là, qui le transforment dans et par l’écriture. 

KAFKA : Étrange, mystérieuse consolation donnée par la littérature, dangereuse peut-être, peut-être libératrice: bond hors du rang des meurtriers, acte-observation. Acte-observation parce qu’une observation d’une espèce plus haute est créée, plus haute, mais non plus aiguë, et plus elle s’élève, plus elle devient inaccessible au « rang », plus elle est indépendante, plus elle obéit aux lois propres de son mouvement, plus son chemin est imprévisible et joyeux, plus il monte.

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« Kafka quand il assimile la création littéraire à « un bond hors du rang des meurtriers » ? Écartons tout de suite - le reste de l'œuvre nous y autorise- quelques explications simplistes.

Il ne s'agit en aucune manière d'une allusion à un quelconque «engagement» de l'écrivain.

L'interprétation consis­ tant à présenter l'écrivain comme le dernier des justes et se distinguant par là de la foule où s'affrontent des ambitions égoïstes et meurtrières ne correspond pas à la réalité.

Kafka n'a jamais prétendu jouer un rôle dans les luttes politiques de son temps et rattacher cette for­ mule aux thèses de Sartre sur l'engagement serait pure­ ment et simplement un contresens.

L'explication par la fonction compensatrice de la litté­ rature s'avère, elle aussi, trop réductrice.

On pourrait, en effet, voir dans cette formule une allusion aux thèses de Freud sur la sublimation.

Pour Freud, on le sait, les pulsions -et notamment les pulsions agressives - sont refoulées parce que leur manifestation perturbe­ rait l'ordre social.

Mais ce qui est interdit, et donc refoulé, peut se transformer et venir au jour sous une forme culturellement admise et même valorisée.

Cette sublimation emprunte souvent les chemins de l'art.

Dans le cadre de cette interprétation, le texte de Kafka s'expliquerait ainsi: écrire, c'est sublimer ses pulsions et s'écarter de ceux qui, ne le faisant pas, perturbent leur entourage par la manifestation non dérivée de pul­ sions plus ou moins meurtrières.

Comme la précédente, cette explication ne rend pas compte de la complexité de la pensée et de l'œuvre de Kafka.

La tâche étant ardue, nous prendrons appui sur une œuvre fondamentale quant à la réflexion sur la créa­ tion littéraire :L'Espace littéraire de Maurice Blanchot (Gallimard).

Maurice Blanchot consacre un chapitre («L'exigence de l'œuvre») à Kafka.

Auparavant, il écrit quelques belles pages sur le «besoin d'écrire»,. »

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