Il y a des écrivains extrêmement inventifs qui n’ont aucune imagination. Ramuz
Publié le 14/09/2015
                            
                        
Extrait du document
« Le plus souvent l’invention fait tort à l’imagination. La richesse du monde doit être en profondeur. On doit pouvoir mettre toute la métaphysique dans une table, plus exactement dans l’image d’une table: l’image d’abord qu’on s’en fait, l’image ensuite qu’on “en fait”. »
« L’écrivain est puni par où il a péché. II a été infidèle à lui-même. Il a oublié que les choses pour lui ne peuvent avoir qu’une existence intérieure ; et que là, c’est-à-dire au-dedans de lui-même, il y a un paysage qu’il voit ou qu’il ne voit pas ; et, s’il le voit, il n’a qu’à le décrire, le décrire tel qu’il le voit ; s’il ne le voit pas, qu’à ne pas le décrire. Il a oublié que c’est quelquefois en ne décrivant pas qu’on décrit. Il a oublié que l’imagination (la faculté à laquelle il doit précisément la possibilité de créer l’image) n’est qu’une mémoire, mais une mémoire active dont le rôle est de déformer pour transformer, de détruire en quelque manière pour reconstruire, d’être inexacte pour être vraie. »
« On confond trop souvent en littérature invention et imagination. Il y a des écrivains extrêmement inventifs qui n’ont aucune imagination. Il est même de règle qu’invention et imagination sont des facultés qui s’excluent. L’invention s’intéresse aux faits (accompagnés ou non d’“images”, le plus souvent non accompagnés d’images) ; elle est d’autant plus vive qu’elle les saisit en plus grand nombre et s’entend mieux à les combiner. L’imagination, elle, peut très bien ne s’intéresser qu’à un objet unique ; ce qui importe seulement, c’est l’intensité qu’elle lui confère en faisant de lui une image. Voyez le roman-feuilleton où souvent l’invention déborde, où des milliers d’événements sont bien amenés, se nouent et se dénouent avec tant de virtuosité : mais pas un n’existe vraiment, parce que pas un ne fait image. Autrement dit l’imagination peut suffire à l’écrivain, l’invention pas. La présence d’un seul objet vient éclairer tout le poème. Mais cette foule de personnages masqués n’animera pas seulement le chapitre le plus ingénieux, parce qu’on ne les voit pas, ni même leurs masques. »
«
                                                                                                                            ....
                                                            
                                                                                
                                                                    	On 	retrouve dans cette  opposition  entre l'invention 
et  l'imagination  l'opposition chère 	
à Ramuz entre la 
quantité  et la  qualité,  qui 	
se 	superpose  elle-même  à une 
opposition  entre 	
le superficiel et 	le profond.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Ille 	dit lui
même 	
à proximité  du texte  que nous  venons  de citer: 	
«Le 	plus  souvent  l'invention  fait tort 	à l'imagination.
                                                            
                                                                                
                                                                    
La  richesse  du monde  doit être en profondeur.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
On 	doit 
pouvoir  mettre toute la métaphysique  dans une table, 
plus  exactement  dans l'image 	
d'une 	table:  l'image 	
d'abord 	qu'on 	s'en 	fait, l'image  ensuite 	qu'on 	"en 	
fait".» 	
Ici, comme  dans 	le texte précédent,  Ramuz associe ima
gination  et image,  donnant 	
à ce 	terme un sens  un peu 
particulier.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
« Poésie,  ...
                                                            
                                                                                
                                                                    perle  de 	la pensée 	» disait  Vigny 
dans 	
« La  Maison  du 	berger», 	associant 	à l'idée de 	
«perle» 	celle de concentration,  de densité  en même 
temps  que de beauté.
                                                            
                                                                                
                                                                     Quand 	
il parle d'imagination  ou 
d'image,  Ramuz n'est pas loin  de cette  conception.
                                                            
                                                                        
                                                                    
L'homme  d'imagination, 	
le 	vrai poète  dégage  l'essen
tiel  de 	
ce 	dont 	il parle  et, de 	ce 	fait, 	il laisse  une trace 
durable  dans l'esprit 	
du 	lecteur.
                                                            
                                                                                
                                                                     Parce qu'elle  est pro
fonde,  l'action  est durable.
                                                            
                                                                                
                                                                     A l'opposé,  l'effet produit 
par  l'invention  peut être vif, mais 	
il est condamné 	à 	
demeurer  superficiel  et éphémère.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Ce  que  dit Ramuz  de la façon  de rendre,  littérairement 
parlant, 	
le 	paysage,  illustre bien l'opposition  entre 	les 	
deux modes  d'appréhension  du réel  que  nous  venons 
d'évoquer.« 	On 	peut être exact  sans être 	vrai» 	affirme
t-il 	
à ce 	propos  (Remarques,  p.
                                                            
                                                                                
                                                                    139).
                                                            
                                                                                
                                                                     Il oppose  alors 
deux  types  de comportement.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
D'une 	part,  l'écrivain 
qui,  pour  décrire  un paysage,  vient sur place  et tient 
compte  de tout  (la forme  du terrain, 	
les 	couleurs  du sol 
et  du  ciel, 	
les 	espèces  de culture, 	les 	plans, 	les 	éclaira
ges,  l'immobile  et 	
le 	mobile, 	les 	maisons, 	les 	hommes, 	
les 	animaux, etc.).
                                                            
                                                                                
                                                                    D'autre  part, celui qui a compris 
que 
le 	seul  paysage  qu'il puisse  décrire  est celui  qu'il 	
«porte 	en 	lui-même»..
                                                                                                                    »
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