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Mesa, je suis Ysé, c'est moi. Paul Claudel

Publié le 22/02/2012

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• Ces paroles prononcées par le personnage féminin Ysé, et adressées à son interlocuteur Mesa, sont extraites de l'acte premier du drame de Paul Claudel (1868-1955) intitulé Partage de midi. Il existe deux versions de cette pièce : l'une, composée en 1905; et l'autre, version pour la scène, qui sera jouée par la Compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault, au théâtre Marigny, le 16 décembre 1948, pour la première fois.
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« La rencontre d'Ysé et de Mesa — et le drame qui s'ensuit — est la transposition de la rencontre qui s'est produite en1900, entre Rosalie Vetch et Paul Claudel, dans des circonstances analogues : Claudel se trouvait alors sur lepaquebot long-courrier — l'Ernest Simons — à destination de la Chine, où il devait occuper son poste de consul;Rosalie Vetch était accompagnée de son mari et de ses quatre enfants.

Cette intense mais brève passion sera vitesuivie d'une séparation.

Cependant, selon l'aveu même de Claudel, il a fallu une vingtaine d'années — le temps quisépare Partage de midi de l'oeuvre qui vient conclure ce drame personnel : Le Soulier de satin (1919-1924) — pourque se dégage pleinement la signification d'une telle épreuve.

Dans le 25e entretien avec J.

Amrouche, en effet,Claudel met l'accent, d'une part, sur le caractère spontanément violent de cette crise, représentée dans Partage demidi, («une espèce d'explosion inconsciente de mes sentiments intérieurs») et, d'autre part, sur le caractèresalutaire de la rupture provoquée par Ysé : « C'est elle qui donne pardon à Mesa, et il y a du vrai, parce que dans le fond, en le quittant, elle lui a rendu unimmense service.

Elle s'en rend compte, elle lui dit : tu vois que j'ai bien fait de te quitter, tu devrais me remercier.» Que lui a-t-elle donc enseigné en le quittant ? La découverte de l'autre : « Je vois dans Mesa, en somme, un petit bourgeois extrêmement égoïste, extrêmement préoccupé de lui-même et àqui il s'agissait, de gré ou de force, de donner la sensation de ce que j'appelle l'autre.

» Dégager le sens de cette rupture, c'est, pour le chrétien qu'est Claudel, suggérer que le sacrifice d'Ysé est un donfait à Dieu car la passion exclut, en fait, l'autre et le monde.Au dénouement, c'est tout le ciel étoilé qui, subitement, manifeste sa présence.

Dès lors, on perçoit mieux l'intérêtde cette reconnaissance mutuelle que constitue l'échange, par Ysé et Mesa, de leurs noms : l'existence même del'un et de l'autre, ou mieux, de l'un par l'autre, est impliquée dans cet acte de nomination : « Dans Partage de midi et dans Le Soulier de satin, les deux personnages, ou les quatre, si vous voulez, réalisentd'une manière complète que cette clé, que cette énigme de leur propre personne, que cet être qu'ils auront àréaliser ne se trouve pas en eux-mêmes, qu'il se trouve en un autre, et que c'est l'autre qui connaît en somme leurvéritable nom, ce nom par lequel on s'appelle, et par lequel l'autre vous appelle ou en somme vous appelle à quoi ?vous appelle à l'existence.

Dans Partage de midi, cette clé a été trouvée par les deux personnages mais elle n'a étécréée qu'aux dépens, si je puis dire, de leur réunion : il fallait qu'en se séparant ils arrivent à trouver que cette clésemble, en somme, s'ajuster.

Et la situation est un peu la même dans Le Soulier de satin : sinon qu'au lieu que cesoit une séparation en ce monde, c'est une séparation dans le monde futur.

»(39e Entretien avec J.

Amrouche) En se proposant de mettre en évidence la signification de la passion qui à la fois, unit et sépare Ysé et Mesa,Claudel reste fidèle au mouvement symboliste de sa jeunesse, au temps où il fréquentait le groupe réuni autour deMallarmé.

« Qu'est-ce que cela veut dire?», avait coutume de déclarer Mallarmé, devant tout objet.

En l'occurrence,le nom de Mesa pour Ysé, d'Ysé pour Mesa, est le signe d'une réalité plus vraie à connaître.

Claudel, dans son ArtPoétique, affirme que connaître, c'est naître avec la chose ou l'être que t'on approche (co-naître).

Nommer est unmoyen de connaître, de faire venir à l'existence ce que l'on nomme : « Nommer une chose, c'est la répéter en court; c'est substituer au temps qu'elle met à être celui que nous prenonsà l'énoncer.

Ce qui subsiste d'une chose dans ce signe qu'est d'elle un mot, c'est seulement son sens, son intention,ce qu'elle veut dire et que nous disons à sa place.

» (Art Poétique, Article trois) Or le symbolisme de la nomination apparaît avec une force expressive tout à fait remarquable dans Partage de Midi.Ysé ne manque pas d'évoquer phonétiquement Yseut et la légende du Moyen-âge qui met en scène le drame desamants que la mort réunit.

Mais Ysé signifie aussi, en grec, égalité.

De même, Mesa, en grec, indique le milieu.

Ciz,en latin se rattache à l'idée de couper (exemple : ciseau, cisaille).

Quand à Amalric, autre personnage de Partage deMidi, il se partage en deux (Amalric) ou trois (A-mal-ric) phonétiquement.

Comme l'explique Claudel, dans le 25eEntretien avec J.

Amrouche, ces noms se réfèrent à la notion de séparation et, plus généralement, d'identité :« A vrai dire, comment les noms s'imposent-ils à nous? C'est toujours difficile à savoir.

L'origine première estobscure.

Ce qu'il y a, c'est que chacun des personnages du drame représente en somme une idée de milieu.

Ysé, engrec, c'est égalité, isos, isé, c'est égal.

Mesa, c'est la moitié, naturellement.

Amalric, phonétiquement, vous avez lacoupure en deux.C'est le nom d'un marchand de parapluies du boulevard Magenta.

Comme je vous l'ai dit.

A-mal-ric : c'est partagé entrois.

Et enfin, de Ciz, c'est la coupure.

Alors, il y a un certain lien, si vous voulez, figuré entre les noms de cespersonnages et leur identité.

»En définitive, ces personnages, et tout spécialement Mesa et Ysé ont à connaître l'un et l'autre, ou plutôt, l'un avecl'autre, ce partage de midi qu'évoque leur rencontre, c'est-à-dire la division (midi : le milieu du jour, renforce cette. »

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