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Toute la vie est un songe. Calderón

Publié le 22/02/2012

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Pedro Calderón de la Barca a écrit La Vie est un songe, drame en trois journées, en 1635. Cette pièce, d'où provient la citation ci-dessus, a été publiée à Madrid en 1636. Cette idée que la vie s'apparente au rêve, pure création du dormeur, est un thème de réflexion qui appartient à la littérature universelle; la littérature de cette première moitié du XVII' siècle lui accorde, en tout cas, beaucoup de faveur. Calderón a aussi conféré ce titre (La Vie est un songe) à deux actes sacramentels («autos sacramentales»), pièces allégoriques en un acte jouées à l'occasion de la Fête-Dieu; l'une, en version manuscrite, date de 1635, l'autre est de 1673. En France, la représentation du drame («comedia») qui fait l'objet de cette étude, La Vie est un songe, a été donnée par Charles Dullin en 1921, puis en 1922 au Vieux-Colombier. Dullin reprendra le rôle de Basilio en 1945, au Théâtre Sarah-Bernhardt.

« chargé de ces fers,et j'ai songé m'être trouvéen un autre état plus flatteur.Qu'est-ce que la vie? Un délire.Qu'est-ce donc que la vie? Une illusion,une ombre, une fiction;le plus grand bien est peu de chose,car toute la vie est un songe,et les songes ne sont rien que des songes.

»(v.

2158-2187) (traduction de Bernard Sesé, Aubier Flammarion, légèrement modifiée dans les deux derniers vers) L'enjeu de ce drame qui met aux prises le père et le fils est de savoir si la brute féroce peut se convertir en un êtrehumain, si, en d'autres termes, l'esprit aura raison des impulsions de la nature.

faudra que Sigismond subisse uneseconde épreuve pour que la nature profonde du prince s'assujettisse aux inévitables contraintes de la réalité.

Si,jusqu'alors, il avait été tenté de suivre la loi de son «bon plaisir» (v.

1418), dorénavant, grâce à une révolutionpopulaire, le voilà en mesure d'affirmer sa volonté d'être libre, c'est-à-dire de se vaincre en renonçant à lavengeance.

Du même coup, il découvrira le pardon et reconnaîtra dans l'action de l'inexorable destinée la volontémystérieuse et insondable de Dieu.

Ce que, dit-il «Dieu a écrit avec son doigt» sur le ciel, l'homme ne saurait avoir laprétention de pouvoir l'interpréter.

L'erreur de Basilio a été de s'arroger un tel pouvoir et de faire de son fils lavictime de son faux savoir et de son orgueil : «Mon père, que voici présent devant moipour se soustraire à la fureurde ma nature, fit de moi une bêtesauvage, un animal humain...

» (v.

3172-3175) La conversion de Sigismond n'opère pas d'emblée.

Pour atteindre la sagesse, il a dû faire l'expérience de la réalité,nommément de la « désillusion », imposer aux impulsions de son désir le contrôle de sa volonté, lui qui, malaisément,supportait de voir frustrer son désir, selon la confidence qu'il adresse à Rosaura : «toute résistance est un poisoncruel à ma patience» (v.

1632-1633).La destinée se présente, aux yeux de Sigismond, comme l'épreuve du temps.

Ainsi, le soporifique qui, par deux fois,lui a été administré sur l'ordre du roi, marque la rupture entre le temps de son esclavage et celui de sa nouvellecaptivité : ce qui était vécu comme réalité s'est révélé n'être que songe.Sigismond traverse une crise qui l'amène à renoncer au sentiment de la continuité temporelle, à l'assurance destabilité qu'avait pu cautionner, provisoirement, l'exercice de sa raison et du pouvoir.

Si les événements sont soumisà une volonté extérieure à la sienne, celle du destin dont son père s'est voulu l'interprète, si, comme il lecomprendra au dénouement, l'expérience de la « désillusion» lui a été imposée comme une épreuve salutaire, vouluepar Dieu, c'est que la fatalité paraît commander aux actions humaines.

Ce n'est pourtant qu'une apparencetrompeuse car, en définitive, l'homme est responsable de sa liberté.

Si la vie n'est qu'un songe, l'homme n'en est pasmoins comptable du bien et du mal de sa vie devant Dieu : « Car c'est ainsi que j'ai appris que tout le bonheur de ce monde à la fin passe comme un songe, et je veux en tirerprofit,durant le temps qu'il durera, demandant pardon de nos fautesCar le pardon est le bien propre des coeurs nobles et généreux.

»(v.

3312-3319) On trouve ici un écho de l'enseignement des penseurs chrétiens tels que Saint Thomas d'Aquin (XIII' siècle) et,ultérieurement, Luis de Molina, jésuite espagnol du XVI' siècle, au sujet des rapports entre la liberté de l'homme et lavolonté divine.Qu'il suffise d'évoquer ici la controverse qui oppose Pascal aux jésuites, une vingtaine d'années après la publicationdu drame de Calderón, concernant la grâce et la prédestination.Calderón nous présente, dans ses contradictions et son insondable mystère, une création divine troublée parl'existence du mal et du péché.

Sigismond est tout d'abord privé de liberté, il vit enchaîné durant son enfance et sajeunesse, sous le prétexte que sa sauvagerie naturelle (le mal dont il est composé) le condamne à mener uneexistence de «bête sauvage».Pour que ce «monstre à forme humaine» (v.

672) se dégage de l'animalité et fasse triompher l'humanité qui est enlui, il lui faut faire l'apprentissage de la liberté.

Si le premier essai s'est soldé par un échec, le second a étél'occasion d'un retour sur soi, d'une compréhension lucide des véritables relations qui unissent l'homme et la bête, lecorps et l'âme, l'homme et Dieu.

Le salut ne peut venir que du renoncement à l'orgueil et aux passions.

Rien ne dure,la vie passe, tout n'est que songe et, s'il «doit s'éveiller dans le sommeil de la mort» (v.

2165-2166), l'homme nesaurait consentir à perdre son âme.

Sacrifier la vengeance au profit du pardon, tel est l'enseignement moral queretire Sigismond, mûri par la «désillusion».Mais Sigismond nous livre également une réflexion foisonnante sur l'ambiguïté du monde, conçu à la fois comme une. »

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