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Albert Camus, La mort heureuse: Le personnage se retrouve, une nuit, sur une plage en Algérie...

Publié le 17/01/2022

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Le personnage se retrouve, une nuit, sur une plage en Algérie...    Il lui fallait maintenant s'enfoncer dans la mer chaude, se perdre pour se retrouver, nager dans la lune et la tiédeur pour que se taise ce qui en lui restait du passé et que naisse le chant profond de son bonheur. Il se dévêtit, descendit quelques rochers et entra dans la mer. Elle était chaude comme un corps, fuyait le long de son bras, et se collait à ses jambes d'une étreinte insaisissable et 5 toujours présente. Lui, nageait régulièrement et sentait les muscles de son dos rythmer son mouvement. À chaque fois qu'il levait les bras, il lançait sur la mer immense des gouttes d'argent en volées, figurant, devant le ciel muet et vivant, les semailles splendides d'une moisson de bonheur. Puis le bras replongeait et, comme un soc* vigoureux, labourait, fendant les eaux en deux pour y prendre un nouvel appui et une espérance plus jeune. Derrière lui, au battement de ses pieds, nais-10 sait un bouillonnement d'écume, en même temps qu'un bruit d'eau clapotante, étrangement clair dans la solitude et le silence de la nuit. À sentir sa cadence et sa vigueur, une exaltation le prenait, il avançait au plus vite et bientôt il se trouva loin des côtes, seul au cœur de la nuit et du monde. Il songea soudain à la profondeur qui s'étendait sous ses pieds et arrêta son mouvement. Tout ce qu'il avait sous lui l'attirait comme le visage d'un monde inconnu, le prolongement de cette nuit 15 qui le rendait à lui-même, le cœur d'eau et de sel d'une vie encore inexplorée. Une tentation lui vint qu'il repoussa aussitôt dans une grande joie du corps. Il nagea plus fort et plus avant. Merveilleusement las, il retourna vers la rive. A ce moment il entra soudain dans un courant glacé et fut obligé de s'arrêter, claquant des dents et les gestes désaccordés. Cette surprise de la mer le laissait émerveillé. Cette glace pénétrait ses membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une 20 exaltation lucide et passionnée qui le laissait sans force. Il revint plus péniblement et sur le rivage, face au ciel et à la mer, il s'habilla en claquant des dents et en riant de bonheur.   Albert Camus, La mort heureuse, Ed. Gallimard, 1971.

 

* soc : partie de la charrue qui creuse le sillon en coupant la terre horizontalement.    QUESTIONS    question 1    En vous référant au passage : « Il songea soudain... grande joie du corps « (lignes 13 à 16), expliquez l'expression : « une tentation lui vint «... (2 points)    question 2    Analysez l'image contenue dans la phrase : « Puis le bras... espérance plus jeune « (lignes 8 à 9). (3 points)    question 3    Dans un développement organisé d'une trentaine de lignes, vous étudierez les sensations et les sentiments qui manifestent le bonheur du personnage. Vous pourrez, notamment, vous appuyer sur l'étude des champs lexicaux et des images. (5 points)

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« - Caligula (1944) ; - Le Malentendu (1944); - L'État de Siège { 1948); - Les Justes (1950). Essais - Le Mythe de Sisyphe (1942) ; - Lettres à un ami allemand (1948) ; - L'Homme révolté (1951).

question 1 En vous référant au passage : « Il songea soudain...

grande joie du corps » (lignes 13 à 16), expliquez l'expression :« une tentation lui vint »...

(2 points) Le personnage de Camus se baigne de nuit sur une plage méditerranéenne.

Cet exercice physique lui procure un trèsgrand bonheur que l'intrusion de la pensée rompt net en laissant brusquement la place à des idées plus sombres. La brusque prise de conscience de sa solitude, la perception du silence du monde qui l'entoure lui permettentd'envisager de couler dans les profondeurs pour y découvrir « un monde inconnu » et aussi « une vie encoreinexplorée ». question 2 Analysez l'image contenue dans la phrase : « Puis le bras...

espérance plus jeune » (lignes 8 à 9).

(3 points) L'image contenue dans la phrase (lignes 8 à 9) est ordonnée autour d'une comparaison introduite par comme.

Lebras du nageur est comparé à la partie métallique et tranchante de la charrue qui laboure le sol : le soc.

Cettecomparaison permet à l'auteur de faire saisir au lecteur, non seulement l'importance de la force avec laquelle lenageur engage son bras dans la mer, mais aussi d'introduire une valeur supplémentaire contenue dans l'acte dulabourage. Elle lui permet de filer la métaphore commencée à la fin de la phrase précédente.

Dans cette nuit exceptionnelle —comme un paysan en travaillant son champ favorise la levée des graines —, le nageur prépare la venue del'espérance plus jeune de récoltes futures de bonheur.

Sa nage, pleine de vigueur, les sensations charnelles qu'il enretire, tout dans cette nuit magique, lui semble porteur d'espoirs magnifiques.

question 3 Dans un développement organisé d'une trentaine de lignes, vous étudierez les sensations et les sentiments quimanifestent le bonheur du personnage.

Vous pourrez, notamment, vous appuyer sur l'étude des champs lexicaux etdes images. (5 points) Le héros de Camus, une nuit, sur une plage, et à l'occasion d'une baignade, découvre brusquement que sa vie prendréellement un sens nouveau et plus riche.

Une expérience simple en apparence lui révèle de nombreuses sensationset lui fait éprouver divers sentiments dans lesquels se manifeste son bonheur.

Le texte porte dans un seulparagraphe de vingt-trois lignes les traces nombreuses de cette expérience inattendue. L'entrée du personnage dans l'élément marin est, pour lui, l'occasion d'une découverte charnelle : celle de son unionavec la mer.

Cette rencontre est soigneusement décrite à l'aide d'un certain nombre de termes, le plus souvent desverbes d'action (s'enfoncer, chaude (repris deux fois), fuyait, se collait, une étreinte).

Les Noces de cet hommeavec l'onde s'accompagnent de l'emploi de nombreux verbes de mouvement, porteur eux aussi des sensationspositives du héros (levait, lançait, replongeait, naissait, labourait, avançait). Cette rencontre avec un élément fécond comme la mer produit chez lui un sentiment de renouveau particulièrementpuissant.

Ce sentiment est marqué par de nombreuses comparaisons introduites par comme, ou bien encore à l'aidedu participe présent figurant.

Il est renforcé par l'emploi de termes liés à la naissance (naître (repris deux fois),semailles, moisson).

Cette transition d'un état à un autre est encore renforcée par le passage brusque à la ligne 13. »

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