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Molière, Dom Juan, acte II, scène 4

Publié le 30/03/2011

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juan

[Don Juan a séduit, successivement, deux jeunes paysannes et se trouve maintenant en présence de l'une et de l'autre.] DON JUAN, SGANARELLE, CHARLOTTE, MATHURINE. Sganarelle, apercevant Mathurine. — Ah ! Ah ! Mathurine, à Don Juan. — Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d'amour aussi ? Don Juan, bas à Mathurine. — Non, au contraire, c'est elle qui me témoignait une envie d'être ma femme, et je lui répondais que j'étais engagé à vous. Charlotte, à Don Juan. — Qu'est-ce que donc que vous veut Mathurine ? Don Juan, bas à Charlotte. — Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l'épousasse ; mais je lui dis que c'est vous que je veux. Mathurine. — Quoi ! Charlotte... 10 Don Juan, bas à Mathurine. — Tout ce que vous lui direz sera inutile : elle s'est mis cela dans la tête. Charlotte. — Quement donc ! Mathurine... Don Juan, bas à Charlotte. — C'est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie. Mathurine. — Est-ce que... ? Don Juan, bas à Mathurine. — Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison. Charlotte. — Je voudrais Don Juan, bas à Charlotte. — Elle est obstinée comme tous les diables. Mathurine. — Vrament... 20 Don Juan, bas à Mathurine. — Ne lui dites rien, c'est une folle. Charlotte. — Je pense... Don Juan, bas à Charlotte. — Laissez-la là, c'est une extravagante. Mathurine. — Non, non, il faut que je lui parle. Charlotte. — Je veux voir un peu ses raisons. Mathurine. — Quoi ?... Don Juan, bas à Mathurine. — Je gage qu'elle va vous dire que je lui ai promis de l'épouser. Charlotte. — Je... Don Juan, bas à Charlotte. — Gageons qu'elle vous soutiendra que je lui ai donné parole 30 de la prendre pour femme. Mathurine. — Holà, Charlotte, ça n'est pas bien de courir sur le marché des autres. Charlotte. — Ça n'est pas honnête, Mathurine, d'être jalouse que Monsieur me parle. Mathurine. — C'est moi que Monsieur a vue la première. Charlotte. — S'il vous a vue la première, il m'a vue la seconde, et m'a promis de m'épouser. Don Juan, bas à Mathurine. — Eh bien ! Que vous ai-je dit ?  

Mathurine, à Charlotte. — Je vous baise les mains1, c'est moi, et non pas vous qu'il a promis d'épouser. Don Juan, bas à Charlotte. — N'ai-je pas deviné ? Charlotte. — A d'autres, je vous prie ; c'est moi, vous dis-je. Mathurine. — Vous vous moquez des gens ; c'est moi, encore un coup. Charlotte. — Le vlà qui est pour le dire2, si je n'ai pas raison. Mathurine. — Le vlà qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai. Charlotte. — Est-ce, Monsieur, que vous lui avez promis de l'épouser ? Don Juan, bas à Charlotte. — Vous vous raillez de moi. Mathurine. — Est-il vrai, Monsieur, que vous lui avez donné parole d'être son mari ? Don Juan, bas à Mathurine. — Pouvez-vous avoir cette pensée ? Charlotte. — Vous voyez qu'ai le soutient. Don Juan, bas à Charlotte. — Laissez-la faire. Mathurine. — Vous êtes témoin comme al l'assure. Don Juan, bas à Mathurine. — Laissez-la dire. Charlotte. — Non, non, il faut savoir la vérité. Mathurine. — Il est question de juger ça. Charlotte. — Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous montre votre bec jaune3. Mathurine. — Oui, Charlotte, je veux que Monsieur vous rende un peu camuse4. Charlotte. — Monsieur, vuidez5 la querelle, s'il vous plaît. Mathurine. — Mettez-nous d'accord, Monsieur. Charlotte, à Mathurine. — Vous allez voir. Mathurine, à Charlotte. — Vous allez voir vous-même. Charlotte, à Don Juan. — Dites. Mathurine, à Don Juan. — Parlez. Don Juan, embarrassé, leur dit à toutes deux. — Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femme. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davantage ? Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j'ai promis effectivement n'a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j'accomplisse ma promesse ? Tous les discours n'avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n'est-ce rien que par là que je vous veux mettre d'accord, et l'on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine) Laissez-lui croire ce qu'elle voudra. (Bas à Charlotte) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine) Je vous adore. (Bas à Charlotte) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas à Charlotte) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. (Haut) J'ai un petit ordre à donner ; je viens vous retrouver dans un quart d'heure. (Il sort.) Charlotte, à Mathurine. — Je suis celle qu'il aime, au moins. Mathurine. — C'est moi qu'il épousera. Molière, Dom Juan, acte II, scène 4.

1. Je vous baise les mains : formule employée pour prendre congé. 2. pour le dire : à même de le dire. 3. bec jaune : sottise. 4. vous rendre un peu camuse : vous clouer le bec. 5. vuidez : videz.

question 1 Quelles indications proposeriez-vous aux acteurs pour que la scène ait toute son efficacité (occupation de l'espace, gestes, mimiques, etc.) ? (2 points) question 2 Dans les trente premières lignes, relevez deux exemples du style indirect. Quelle est son utilité dans cette scène ? (2 points) question 3 Dans un développement organisé d'une page environ, faites l'étude du comique de la scène en vous appuyant sur les indications de l'auteur, le rythme des répliques et la situation. (6 points)

juan

« Don Juan, bas à Mathurine.

— Laissez-la dire. Charlotte.

— Non, non, il faut savoir la vérité. Mathurine.

— Il est question de juger ça. Charlotte.

— Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous montre votre bec jaune3. Mathurine.

— Oui, Charlotte, je veux que Monsieur vous rende un peu camuse4. Charlotte.

— Monsieur, vuidez5 la querelle, s'il vous plaît. Mathurine.

— Mettez-nous d'accord, Monsieur. Charlotte, à Mathurine.

— Vous allez voir. Mathurine, à Charlotte.

— Vous allez voir vous-même. Charlotte, à Don Juan.

— Dites. Mathurine, à Don Juan.

— Parlez. Don Juan, embarrassé, leur dit à toutes deux.

— Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutesdeux que je vous ai promis de vous prendre pour femme.

Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est,sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davantage ? Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j'aipromis effectivement n'a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit-elle se mettreen peine, pourvu que j'accomplisse ma promesse ? Tous les discours n'avancent point les choses ; il faut faire etnon pas dire, et les effets décident mieux que les paroles.

Aussi n'est-ce rien que par là que je vous veux mettred'accord, et l'on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur.

(Bas à Mathurine) Laissez-lui croire cequ'elle voudra.

(Bas à Charlotte) Laissez-la se flatter dans son imagination.

(Bas à Mathurine) Je vous adore.

(Bas àCharlotte) Je suis tout à vous.

(Bas à Mathurine) Tous les visages sont laids auprès du vôtre.

(Bas à Charlotte) Onne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue.

(Haut) J'ai un petit ordre à donner ; je viens vous retrouverdans un quart d'heure.

(Il sort.) Charlotte, à Mathurine.

— Je suis celle qu'il aime, au moins. Mathurine.

— C'est moi qu'il épousera. Molière, Dom Juan, acte II, scène 4. 1.

Je vous baise les mains : formule employée pour prendre congé.2.

pour le dire : à même de le dire.3.

bec jaune : sottise.4.

vous rendre un peu camuse : vous clouer le bec.5.

vuidez : videz.

question 1 Quelles indications proposeriez-vous aux acteurs pour que la scène ait toute son efficacité (occupation de l'espace,gestes, mimiques, etc.) ? (2 points) question 2 Dans les trente premières lignes, relevez deux exemples du style indirect. Quelle est son utilité dans cette scène ? (2 points) question 3 Dans un développement organisé d'une page environ, faites l'étude du comique de la scène en vous appuyant surles indications de l'auteur, le rythme des répliques et la situation.

(6 points) L'AUTEUR : MOLIÈRE 11622-16731 Jean-Baptiste Poquelin dit Molière naît à Paris en 1622 dans une famille bourgeoise et aisée.

Son père, « tapissierordinaire de la maison du roi » espérait que son fils lui succéderait.

Après des études classiques chez les Jésuites àParis puis à Orléans, Molière opte pour le théâtre, à l'âge de vingt et un ans.

A partir de 1652, il parcourt les routes. »

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