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Empires, Royaumes et Papauté par Jean Devisse L'empire romain a quelque temps représenté, autour de la Méditerranée, un équilibre territorial fondé sur l'uniformité théorique de l'impulsion gouvernementale.

Publié le 05/04/2015

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Empires, Royaumes et Papauté par Jean Devisse L'empire romain a quelque temps représenté, autour de la Méditerranée, un équilibre territorial fondé sur l'uniformité théorique de l'impulsion gouvernementale. La diffusion du christianisme a fortement modifié cet état de choses. Après une longue hésitation, l'État romain a, au IVe siècle, admis puis adapté la religion nouvelle. Encore fallaitil que ce christianisme constituât, pour l'empire, un lien de même qualité que les cultes antérieurs. L'empereur n'a jamais cessé de considérer que la vie religieuse était de sa compétence : devenu chrétien, réalisant la christianisation vigilante du droit antérieur à la conversion, l'empereur byzantin a défini l'orthodoxie par voie législative et cherché à en imposer le respect par la force. Dès lors, les Patriarches de Rome, d'Antioche, d'Alexandrie, de Jérusalem, celui, plus récemment installé, de Constantinople sont, aux yeux de l'empereur, des agents religieux du pouvoir et non point les détenteurs d'un pouvoir spirituel séparé. De graves confits sont issus de cette conception, aux Ve et VIe siècles, entre Rome et Byzance. L'orthodoxie imposée par le clergé melkite et la police byzantine a suscité des révoltes confondues contre elle et contre l'État byzantin dans les provinces syriennes et égyptiennes ; et une constante réserve de l'Occident. Dès le IVe siècle, d'autre part, des peuples étrangers à l'empire ont été convertis, le plus souvent par des dissidents chrétiens. Au VIe siècle encore, sembletil, les empereurs appréciaient qu'il en fût ainsi ; l'orthodoxie se confondait avec l'empire, l'hétérodoxie avec les " Barbares " de toute sorte qui entouraient les terres " romaines ". A cette analyse traditionnelle s'opposait un réflexe plus chrétien : pour séparés qu'ils fussent, les uns et les autres adoraient un même Dieu, de part et d'autre du limes. La majeure partie de l'Occident était, au demeurant, au début du VIe siècle, dominée par des princes ariens et l'avenir des relations entre les deux fragments de l'ancien empire romain dépendait de l'attitude que prendrait Byzance. Justinien, comme son prédécesseur immédiat, a choisi l'intolérance légale contre l'arianisme, toutes les autres déviations chrétiennes et le prosélytisme renaissant des israélites. Cette attitude a conduit à l'affrontement armé entre le christianisme officiel et les royaumes germaniques qui se réclamaient d'un arianisme luimême plus ou moins tolérant. La Reconquête byzantine du VIe siècle a fait triompher une conception de l'orthodoxie armée, une confusion entre l'empire et la Cité de Dieu qui se révélerait lourde de désastres lorsque l'empire allait s'affaiblir. La Reconquête byzantine a abattu, en Occident, la tentative qu'ont esquissée certains rois ariens d'organiser, sur le modèle byzantin, une Église royale distincte par son dogme et sa hiérarchie de l'Église populaire rattachée à Rome et à Byzance. Minoritaires - ils ne représentaient jamais plus de 5 à 10 % de la population qui les entoure - les Germains peuvent chercher dans l'arianisme une solidarité qui les préserve de la fusion. Ainsi les Lombards, arrivés en Italie à la fin du VIe siècle après le reflux de la Reconquête byzantine, ont longtemps hésité à abandonner l'arianisme. Les tentatives byzantines du VIe siècle ont probablement empêché l'Occident d'être totalement séparé du christianisme romain ; elles n'ont pas ouvert les voies à une réunification religieuse des deux moitiés de l'empire, tant l'Occident s'était alors déjà éloigné des préoccupations et du style de vie des chrétiens de l'Orient et tant, à commencer par le pape, il était réticent aux formes du christianisme officiel de Byzance. Le Patriarche de Rome, dès le Ve siècle, a commencé à réagir contre l'emprise de l'État sur la foi : l'évêque de Rome a le souci de ne pas se laisser enlever par le pouvoir laïc le soin de dire le dogme et la responsabilité juridictionnelle d'en assurer la sauvegarde. Une autre légitimité, fondre sur un nouveau droit - le droit canonique - donne au pape une stature historique ambiguë. Patriarche méditerranéen comme ses collègues d'Antioche, d'Alexandrie, de Jérusalem et de Byzance, il est aussi le seul responsable morcelé et désorganisé qui a succédé à la Pars Occidentis de l'empire. Agent de l'empereur, il est aussi successeur de Pierre, et pierre angulaire d'une destinée collective humaine qui n'est pas principalement de ce monde. A ce dernier titre, il se sent et se dit coresponsable avec les autres évêques, devant Dieu, de tous les chrétiens à commencer par l'empereur. Comment pourraitil n'être qu'un agent d'exécution d'une orthodoxie fixée par une loi humaine ? A la charnière de deux types différents de responsabilités, le pape est aussi au contact de deux mondes de plus en plus différents l'un de l'autre depuis le Ve siècle. L'Occident comprend maintenant des territoires que n'englobait pas l'empire, la loi n'y a plus valeur universelle et chaque groupe ethnique s'efforce de préserver sa tradition juridique propre ; la culture n'y survit que par îlots ; la religion n'y constitue pas, au Ve siècle, un élément d'unification. Les rois sont, ici, avant tout chefs de guerre, traditionnellement choisis dans quelques familles mais contestés dès que leurs qualités guerrières semblent s'affaiblir. S'ils disposent d'un large réseau d'alliances familiales ou personnelles, ils n'ont, pour gouverner les masses d'origine romaine, que des cadres d'origine militaire. Ni le prestige de la fonction, ni l'auréole d'une désignation divine, ni l'appui d'un fonctionnariat loyal n'enracinent et n'imposent leur puissance. Ils sont à la merci des fidélités intéressées et marchandées et des rapports de force. Les Francs, les premiers, ont trouvé, à la fin du Ve siècle, dans le christianisme d'inspiration romaine un élément de contact avec les régions plus profondément christianisées de la Gaule et le prestige nouveau d'une dynastie " barbare &q...
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