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Henri IV par Jean Delumeau Professeur à la Sorbonne Il a existé longtemps

Publié le 05/04/2015

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Henri IV par Jean Delumeau Professeur à la Sorbonne Il a existé longtemps une légende d'Henri IV, roi de la " poule au pot " et du " panache blanc ", " Vert galant " libertin pour qui " Paris valait bien une messe ", mais capitaine au grand coeur qui ravitaillait en sous-main la capitale qu'il assiégeait. Au lendemain de sa mort, des oraisons funèbres " comme champignons en une nuit " (Malherbe). Puis chaque époque se plut à apprécier dans le Roi des vertus différentes. Lors des troubles qui marquèrent la régence de Marie de Médicis et les débuts du règne de Louis XIII, on évoqua " le grand prince " qui avait été " la terreur des méchants et l'appui des bons ". Richelieu chercha ensuite à faire rejaillir sur lui-même quelque chose de la popularité du " Grand Henry " en faisant élever la statue du Pont Neuf. Quant aux Frondeurs, ils exaltèrent contre Mazarin le règne d'un souverain qui n'avait " jamais contraint aucune compagnie de judicature ". Hardouin de Péréfixe, précepteur de Louis XIV et plus tard archevêque de Paris, écrivit pour son royal élève une Histoire d'Henry le Grand où l'on découvre la plupart des mots fameux liés au souvenir du Roi. Voltaire contribua beaucoup à diffuser et à enjoliver encore la légende d'Henri IV. L'auteur de l'Essai sur les moeurs et de la Henriade fit un sort à la formule : " Paris vaut bien une messe " et vit dans le vainqueur de la Ligue celui qui " ne décida point entre Genève et Rome ". Au milieu du XVIIIe siècle, Henri IV, associé cette fois à Sully, reçut un renfort d'éloges : les physiocrates louèrent le roi et son ministre d'avoir protégé l'agriculture et les paysans. Enfin lorsque, au début du règne de Louis XVI, on crut que le jeune souverain allait régénérer le pays, on l'appela le " Nouvel Henri ". Il fallut ensuite déchanter. La chute de la monarchie fut fâcheuse pour Henri IV. Sa statue du Pont Neuf fut abattue, son caveau ouvert à Saint-Denis, son cadavre jeté à la fosse commune. Pourtant Napoléon, la monarchie restaurée et Louis-Philippe se recommandèrent successivement du Béarnais dont la statue domina à nouveau le Pont Neuf à partir de 1818. Mais vinrent la révolution industrielle, les débuts du socialisme, la critique historique : Henri IV devint objet d'étude, non plus d'apologie. Or le Roi, de son vivant, avait désiré cette apologie. En dépit de ses manières simples et primesautières, il croyait à la nécessité d'un culte royal. Des médailles représentèrent Henri IV casqué à l'antique et terrassant un centaure. Il fut l'Hercule gaulois que magnifièrent graveurs, peintres, sculpteurs et qu'exaltèrent les entrées solennelles à Rouen (1596) et à Lyon (1599). Les " poètes du Louvre ", et notamment Malherbe, enseignèrent aux Français qu'un être providentiel avait été désigné par Dieu pour " ranger l'insolence au pied de la raison ". Henri IV poursuivit donc très consciemment la politique d'exaltation du monarque de ses prédécesseurs. Les embellissements de Paris furent partie intégrante de cette politique. Il existe un décalage certain entre l'Hercule couronné de la propagande et le personnage réel du Roi " soldat et capitaine ", " chef de cadets de Gascogne " qui indisposait parfois son entourage par son odeur et dont les pourpoints étaient usés par la cuirasse. Jusqu'à sept ans il avait été élevé " à la béarnaise... avec aussi peu d'attention qu'on nourrit les enfants de paysans ". Suivit, de 1561 à 1566, un intermède à la cour des Valois. Puis Jeanne d'Albret ramena son fils à Pau. Les mascarades et les fêtes du Louvre furent remplacées par l'assistance aux prêches, les exercices violents, les longues chevauchées et bientôt la guerre. La paix de Saint-Germain (août 1570) ramena un moment la paix entre Français et eut pour conséquence le mariage du jeune roi de Navarre avec la " reine Margot ", la fille brillante et raffinée de Catherine de Médicis. L'entente ne régna jamais dans le ménage. En outre, on avait espéré ainsi " marier " les deux religions. Or, six jours après, se déchaînait le massacre de la Saint-Barthélemy. Henri n'eut la vie sauve qu'en abjurant. Humilié et moqué pendant plusieurs années, il ne retrouva la liberté qu'en s'évadant de la Cour, à l'occasion d'une chasse, en février 1576. Brouillé avec Marguerite, redevenu protestant, il retrouva la vie des camps qu'il ne quitta guère jusqu'à la conclusion de la paix avec l'Espagne en 1598. Cette existence en plein air explique l'allure physique du souverain. Souple et résistant, il était de stature moyenne. Il avait la taille cambrée le mollet nerveux. Le visage était maigre, à la fois jeune et ridé par les soucis et les plaisirs, le nez long et sensuel, la barbe grisonnante et altière. Sans cesse en mouvement, c'est en se promenant qu'il écoutait ses conseillers et donnait ses ordres aux secrétaires d'État. Il fut un gentilhomme couronné " familier avec les gens de son domaine ", entrant chez les paysans, jouant sans fausse honte avec ses enfants. Il aimait la gaieté autour de lui, se répandant en bons mots. A l'occasion, il était capable d'élo...

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