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Héraclite par Jean Beaufret Paris " Si tous les êtres devenaient fumée, les narines les reconnaîtraient.

Publié le 05/04/2015

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Héraclite par Jean Beaufret Paris " Si tous les êtres devenaient fumée, les narines les reconnaîtraient. " Nous reste d'Héraclite d'Ephèse, surnommé dès l'Antiquité Héraclite l'Obscur, un recueil de fragments, sentences ou aphorismes, dont plus d'une centaine sont tenus pour authentiques. Héraclite vivait sans doute vers la fin du VIe siècle et au début du Ve. Une imagerie naïve que nous retrouvons encore dans les Essais de Montaigne nous le présente, par opposition à un Démocrite hilare, comme un penseur mélancolique. L'imagerie philosophique l'oppose plutôt à Parménide d'Elée, qui fut sans doute un peu plus jeune que lui : on trouverait dans les fragments d'Héraclite une " philosophie du devenir " qui contrasterait avec l'immobilisme des Eléates. C'est pourquoi tous les philosophes qui se sont attachés à restituer au réel, figé en substance par les métaphysiciens, la vie, le devenir ou la " subjectivité ", se recommandent volontiers d'Héraclite. Hegel d'abord, ainsi que les marxistes, mais également Nietzsche. N'est-on pas même allé jusqu'à reproduire, au revers d'une médaille frappée en l'honneur de Bergson, et ceci en dépit des réserves formellement opposées par Bergson à toute interprétation " mobiliste " de sa pensée, le fameux panta dei traditionnellement attribué à l'Ephésien ? Ce qui caractérise de telles références, c'est qu'elles représentent toutes la pensée d'Héraclite comme une préfiguration archaïque de métaphysiques bien ultérieures. Pour Hegel, par exemple, et pour ses disciples, Héraclite est une sorte de Hegel grec, c'est-à-dire non encore dégagé de la fascination préphilosophique de l'immédiat, bien que, dans le devenir universel dont il fait profession, un sens aigu de la relativité des contraires introduise déjà l'ébauche au moins rudimentaire d'une dialectique. C'est pourquoi Hegel déclarera : " Il n'est aucune proposition d'Héraclite que je n'aie adoptée dans ma Logique. " Pour Nietzsche, Héraclite est essentiellement celui qui, dès l'origine, a compris l'innocence du devenir, telle que l'exigera la doctrine de la Volonté de Puissance. C'est pourquoi il se plaira surtout à citer : " Le temps est un enfant joueur ; c'est aux osselets qu'il joue, royaume dont le prince est un enfant. " Et Bergson ne cessera de protester contre l'accusation d'avoir renouvelé dans le monde moderne le mobilisme héraclitéen. Il semble que l'interprétation " mobiliste " d'Héraclite était déjà solidement établie au temps de Platon : " Allez, tout fuit, ma présence est poreuse ", dit déjà le Socrate du Cratyle, interprétant ainsi la pensée des héraclitéens : " Qu'il s'agisse d'eux-mêmes ou des êtres, ils diagnostiquent partout une maladie universelle, et absolument comme ceux qui souffrent du catarrhe, ils croient que les choses sont dans le même état, et que tout est pris d'écoulement et de catarrhe. " Non que cette ironie volontairement un peu lourde signifie que Platon répudie Héraclite. Bien au contraire. C'est à lui qu'en appellera l'Étranger du Sophiste contre le péril de l'immobilisme éléatique : " Mais enfin, par le ciel, est-ce que vraiment nous allons croire si facilement le mouvement, la vie, l'âme et la pensée absents de l'être au sens plein, et que, vénérable et sacré, privé de sens, il est là, planté sans bouger ? " Nous lisons dans la Volonté de Puissance que les Grecs eux-mêmes se sont historiquement chargés de recouvrir d'un voile certaines des possibilités qu'ils avaient initialement dévoilées. Peut-être le triomphe historique, dès l'Antiquité, de l'interprétation d'Héracli...

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