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Jean Froissart 1333-vers 1401 Lorsqu'on pense aux chroniqueurs de notre Moyen Âge,

Publié le 05/04/2015

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Jean Froissart 1333-vers 1401 Lorsqu'on pense aux chroniqueurs de notre Moyen Âge, un nom vient tout de suite de préférence et comme de lui-même à l'esprit, celui de Jean Froissart, et c'est justice : non seulement sa Chronique est, de toutes, la plus étendue et celle qui a eu le plus de succès, celle qui a été représentée dans les bibliothèques seigneuriales par le plus grand nombre de manuscrits et les plus richement enluminés, mais encore aucun auteur n'a été au même degré que lui le fidèle interprète de ce milieu féodal et chevaleresque dont l'image vibrante s'anime tout naturellement devant nous avec tout le pittoresque d'un film lorsque nous nous replongeons dans le lointain passé médiéval. D'autres ont illustré avant lui ce genre de la chronique écrite en français, qui a laissé dans nos anthologies des pages si savoureuses, à commencer par l'écrivain homme d'action, qu'on peut légitimement nommer l'initiateur, Geoffroy Villehardouin, apologiste non toujours désintéressé, mais sans cesse primesautier et éloquent, de la quatrième croisade, et sans omettre non plus ce délicieux Joinville qui a peint, dans ses admirables Mémoires, de si jolies scènes de la vie édifiante de notre glorieux roi Saint Louis ; d'autres, à la génération suivante, mettront en belle prose des récits attachants et colorés, tels ceux de Jean Cabaret d'Orville ou du Bourgeois de Paris, échos respectivement de la vie militaire et de la vie quotidienne à travers les phases les plus tragiques de la guerre de Cent ans, tels ceux surtout de l'incomparable Philippe de Commynes, qui joint la profondeur du psychologue à la vertu d'un écrivain-né, en attendant la Renaissance et entraînant Monluc : dans cette riche galerie, dont la suite ininterrompue tient une si large place dans l'ensemble de notre histoire littéraire, Froissart mérite une estime exceptionnelle, parce qu'il est, de tous, le plus représentatif. " On m'appelle, qui tant me voet honnerer, sire Jehan Froissart, net de la conté de Haynaut, et de la bonne, belle et friche ville de Valenciennes. " C'est dans ces termes, où le culte de la petite patrie transparaît de façon vraiment émouvante, que notre auteur se présente lui-même et nous fait connaître, ainsi que le ferait un moderne, ce que nous appellerions aujourd'hui son état civil. Valenciennes était, en effet, la ville natale de cet enfant du Hainaut. Elle s'en est souvenue en 1937, pour célébrer le sixième centenaire de l'illustre Hennuyer : un beau volume commémoratif, où l'on trouvera, sous forme de reproductions sélectionnées, de magnifiques spécimens des miniatures qui ornent les principaux manuscrits de la Chronique, a paru à cette occasion. En réalité, Froissart avait vu le jour en 1333, puisqu'il nous dit, en 1390, qu'il a cinquante-sept ans et travaille à son ouvrage depuis trente-sept ans. Il faut déduire de ce passage non seulement la date de sa naissance, mais encore le fait très instructif pour nous qu'il a commencé à écrire à l'âge de vingt ans. Il appartenait à une famille aisée : aussi bien s'expliquerait-on mal, s'il en était autrement, la facilité avec laquelle, dès son jeune âge, il s'est déplacé à travers le vaste monde. Plus tard, le succès aidant, et grâce à une célébrité brillamment acquise, ce grand " reporter " a été reçu et hébergé par les plus illustres représentants de la noblesse du XIVe siècle ; mais, à ses débuts, il a bien fallu qu'il consentît à faire lui-même les frais de ses chevauchées : pas plus sous les Valois qu'à aucune époque, on ne se lance sur les routes sans avoir à débourser largement. Le premier voyage de Froissart en Angleterre date de 1360 environ. L'écrivain, qui veut se faire connaître, offr...
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« plus sous les Valois qu'à aucune époque, on ne se lance sur les routes sans avoir à débourser largement. Le premier voyage de Froissart en Angleterre date de 1360 environ.

L'écrivain, qui veut se faire connaître, offre à la reine d'Angleterre, Philippa de Hainaut, femme d'Édouard III, une histoire rimée des guerres de son temps.

C'est là, en réalité, la première forme de la future Chronique : une forme versifiée et dont rien n'a été conservé.

Les critiques qui ont étudié cette forme primitive à travers les rédactions postérieures en prose ont été unanimes à conclure que, pour ses débuts, le jeune auteur n'avait guère fait que transposer l' œ uvre d'un prédécesseur, qu'il cite, mais dont on ignorerait à quel point il en a été tributaire, si le modèle, longtemps inconnu n'avait été découvert : ce modèle, c'est Jean le Bel, riche chanoine de Liège et mémorialiste pour son plaisir. Certes, il ne saurait être question de déprécier Froissart.

Il reste digne de son immense renommée, et, du reste, le bagage de Jean le Bel qu'il a pu utiliser est mince, attendu que l'œ uvre, représentée jusqu'ici par un seul manuscrit, tient en deux volumes seulement, alors que les douze volumes parus de l'édition critique de Froissart, en cours par les soins de la Société de l'Histoire de France, ne touchent pas encore à la fin.

Nous noterons, toutefois, dès maintenant, sans plus attendre, que, parmi les pages les plus réputées de Froissart, il en est qui reproduisent presque littéralement le texte du chanoine liégeois, d'autres qui n'en apportent que des remaniements plus ou moins heureux. À la cour de Londres, Froissart recueillit beaucoup d'éléments d'information que Jean le Bel avait ignorés : il enrichit ainsi de beaucoup le récit ; on le constate dans la première rédaction en prose de son Livre I , qui fourmille de détails nouveaux Au surplus, le décor brillant où vivait la reine Philippa avait de quoi plaire à un jeune homme que les splendeurs mondaines attiraient d'instinct.

Et dans les réunions qui se donnaient dans ce milieu, où l'optimisme des récentes victoires entretenait, au lendemain de la bataille de Poitiers et du traité de Brétigny, une exaltante joie de vivre, la curiosité de ce véritable journaliste de vocation, qui ne perdait jamais de vue le souci de se documenter, trouvait d'amples occasions de se satisfaire.

C'est dans l'entourage de la reine, dont il était le compatriote, que Froissart fit personnellement la connaissance des principaux acteurs anglais de la grande guerre et qu'il recueillit de leur bouche quantité de confidences : matériaux singulièrement précieux pour l' œ uvre grandiose d'une véritable histoire contemporaine dont le plan commençait à se dessiner. D'Angleterre, voici que notre chroniqueur passe en Écosse.

Il y séjourne auprès du roi de ce pays, David Bruce.

Des lettres de recommandation lui ont ménagé un bon accueil de la part de ce souverain.

Mais ne faut-il pas changer de gîte fréquemment si l'on veut collectionner beaucoup de nouvelles ? C'est pourquoi, en 1366, nous voyons notre auteur à Bruxelles.

Le voici l'année suivante, en 1367, à Bordeaux, alors capitale de la Guyenne anglaise ; il en part pour un voyage en Italie en 1368 ; mais, en 1369, nous le retrouvons à Bruxelles.

Il y conquiert les faveurs d'un grand féodal, Wenceslas de Luxembourg, petit-fils du roi aveugle de Bohême, Jean, ce preux mort au champ d'honneur pour la France, puisqu'il s'était fait tuer dans les rangs français en 1346 dans la tragique défaite de Crécy.

Les sympathies françaises de ce Luxembourg, épris, comme tous ceux de sa famille, de culture française, amende, non sans de très opportunes corrections, les versions des. »

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