Julio González 1876-1942 Elle fut étrange, la vie du sculpteur catalan Julio
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
«
González avait trouvé la surface plane en tant que moyen d'expression indépendant.
Il la
recoupa et lui donna une forme, il la juxtaposa et la superposa.
Mais González n'était pas
un peintre à qui il est loisible de déterminer, avec de petites zones sans épaisseur, un
espace virtuel au moyen d'allusions dynamiques.
Il était un sculpteur, et il lui fallait créer
des rythmes réels dans des espaces tout aussi réels.
Aussi, pour ne pas aboutir à l'impasse
des cubistes — qui furent incapables de détruire le volume — abandonna-t-il le plan (1934)
et entreprit-il le fil de fer, encore grumeleux et rugueux, avec lequel il construisit une
forme vaguement figurative qui organisa l'espace, qui le comprima — pourrait-on dire —
en le soumettant à des rythmes organiques centripètes se suffisant à eux-mêmes.
Il y a là un grand dilemme : alléger la sculpture de la masse qui la rend statique ou qui
traduit le mouvement comme un geste fixe, ou bien lui donner une précision dynamique et
obtenir ainsi la spiritualisation du rythme.
Il fallait du courage pour se lancer dans la
création de structures aux forces centrifuges qui excluaient toute possibilité de
reconstruction figurative.
Mais González réalisa cette conquête entre 1934 et 1936.
Une
Danseuse , un Ange , une Maternité , des têtes et des torses de femmes, seront les pièces où il
superposera, sur un thème à peine figuratif, une libre structure d'unité expansive.
Toutes
ces pièces sont des axes qui prennent possession de l'espace en partant d'un noyau central,
filaments de fer très fins et réguliers qu'ordonne un ordre encore organique, mais
manifestement de filiation géométrique.
Il était sur le point de réaliser une grande et féconde invention.
Le fil de métal, surtout
d'un métal élastique comme l'acier, ou des matériaux plastiques transparents auraient pu
permettre la création de formes expressives ne correspondant pas à une version
anthropomorphique de l'espace.
Telle sera la solution des concrets de nos jours.
Or
González ne se sépara point du fer — qui est lourd et statique même quand il se réduit à
des filaments — ni de la figure humaine à laquelle, en définitive, il se réfère toujours.
Aussi, parce qu'il n'a su se détacher ni du matériau ni du motif, sa volonté lyrique, son
génie inventif, sa puissance clarificatrice s'affaiblirent dans les années qui suivirent.
Déjà, dans une série de personnages assis, debout, ou couchés (1934-1937), il se mit à
employer des plaques de fer soudées pour créer des volumes creux aux arêtes aiguës.
Il
condensa en eux toute l'énergie spirituelle de l'homme et, sans recourir aux descriptions
superficielles, il en accentua surtout la réduction géométrique.
Cependant le pathétique
commence à avoir prise sur lui et, au lieu de se baser sur l'espace, il s'attacha, une fois de
plus, aux volumes ; au lieu d'utiliser une géométrie dynamique, il utilisa la géométrie
statique.
Il exagéra les rythmes et se laissa guider davantage par un instinct puissant, une
violence démoniaque, que par la rigueur nécessaire au lyrique.
La Monserrat (1937), figure de femme dans laquelle il cherche à symboliser Barcelone, faite
avec des plaques de fer soudées, conforme à la tradition figurative, paraît indiquer un
changement, un retour en arrière, l'aiguille du cadran s'étant inclinée vers une expression
moins neutre et moins objective.
Le Personnage (1939), sa dernière sculpture — volume
enflé, rythme lent — révèle plutôt l'angoisse que la liberté d'esprit.
C'est une sorte
d'homme-cactus agressif et violent, plein d'émotion contenue, une véritable immanence
vitale..
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