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La chute du mur de Berlin, l'an de grâce des ruptures par Jean Daniel Directeur du " Nouvel Observateur " II y eut 1789.

Publié le 05/04/2015

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La chute du mur de Berlin, l'an de grâce des ruptures par Jean Daniel Directeur du " Nouvel Observateur " II y eut 1789. Il y a 1989. Après les deux dates on n'a plus pensé comme avant. Il y aura toujours des historiens pour rappeler qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Ne les croyons pas. Tocqueville peut bien souligner qu'il y a plus de continuité que de rupture entre la fin de l'Ancien Régime et le commencement de la Révolution, il est trop intelligent pour ne pas ajouter que la violence du changement a fait basculer une civilisation. En tout cas, depuis 1989, on peut dire que la pensée est prise de vertige. La pensée politique ? Pas seulement. Toutes les constructions intellectuelles et les prévisions sociologiques s'adossaient à la dualité conflictuelle de l'univers idéologique. Le monde soviétique et le monde dit libre, couple infernal, ennemis-partenaires, opposés dans les objectifs et complices dans les moyens, contraints au respect réciproque par l'équilibre de la terreur, ces deux mondes étaient pensés comme aussi éternels que des catégories de l'esprit. Les observateurs les plus éclairés, croyant pouvoir dominer les partisans de l'un ou l'autre camp, en arrivaient à échafauder des thèses qu'ils croyaient globalisantes. Ainsi, Raymond Aron lui-même avait imaginé qu'une logique supérieure du développement industriel finirait par coïncider les sociétés américaines et soviétiques, l'une et l'autre cédant aux impératifs implacables de l'industrie et de la technologie. Après tout, n'est-ce pas ce qui se passait pour ce qui était de la production de l'acier et surtout dans la conquête de l'espace ? Raymond Aron s'est empressé de revenir sur ces " illusions du progrès ". Mais la tendance était bien là. À cette égalisation positive, sous le signe du progrès industriel correspondait l'égalisation négative sous le signe de la barbarie. Lorsque, par exemple, l'on s'adressait à un responsable du tiers-monde, fut-il aussi prestigieux que le Pandit Nehru, il répondait que les barbaries commises par le monde capitaliste au nom de la liberté valaient bien les barbaries commises par le monde communiste au nom de l'égalité. Le colonialisme extérieur valait-il mieux que le colonialisme intérieur des soviétiques ? Les intellectuels européens, un grand nombre d'entre eux en tout cas, rejoignaient le tiers-monde pour estimer, au pire, que l'Occident capitaliste incarnait le Mal Absolu, au mieux, que le conflit entre la Liberté et l'Égalité résumait la Civilisation et le Progrès. En tout cas c'est bien ce conflit qui faisait l'Histoire. Lorsque 1989 est arrivé, lorsque furent abattus le Mur de Berlin et son innombrable cortège de symboles, on a vu que s'effondrait aussi ...

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