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La culture est elle une affaire d'État ?

Publié le 24/02/2024

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« En septembre 2023, le gouvernement français dévoilait le budget du ministère de la culture pour l’année 2024, 4,46 milliards d’euros, faisant de lui le premier actionnaire culturel du pays.

La simple existence d’un ministère de la culture illustre le fait que cette dernière est, factuellement, une des « affaires » de l’État.

Les premières interrogations portent, dès lors, sur les logiques qui poussent l'État à investir dans la culture, pourquoi le fait-il, quel intérêt il trouve-t-il ? De surcroît, Benjamin Constant écrivait en 1814 que « L’indépendance de la pensée est aussi nécessaire, même à la littérature légère, aux sciences et aux arts, que l’air à la vie physique.

» (1814, 1997, De l’esprit de conquête).

Cette citation permet d’illustrer la seconde interrogation inhérente au sujet, la culture doit-elle être – pour son bien – une affaire d’État ? Un budget, aussi conséquent soit-il, est toujours limité, il implique de faire des choix là où l’on investit.

Ce qui entraîne forcément des réflexions sur quelle création culturelle est légitime d’être financée ou non.

Ainsi n’oriente-t-il pas la culture à des fins politiques, n’influence-t-il pas indirectement le créateur qui cherche des financements.

Le mécénat étatique n’entache-t-il pas l’indépendance artistique ? Le concept d’État revêt une pluralité d’interprétation.

Juridiquement, c’est le pouvoir souverain qui s’exerce sur une population donnée et sur un territoire donné.

Néanmoins l’on intègre souvent à ce concept le service d’intérêt général que l’État paraît devoir assumer.

La complexité de sa définition semble être en écho avec le double sens du mot « affaire ».

« Faire affaire » ou encore l’adage « une affaire rondement menée » font émerger l’idée qu’une affaire est un projet dans lequel le ou les acteurs s’investissent car ils trouvent un intérêt à sa réalisation.

Ainsi, pour un État qui ne l’est que parce qu’il détient un pouvoir et qui gouverne uniquement en pensant au maintien ou à l’expansion de ce dernier, la culture semble être ce type d’affaire dont l’on souhaite dégager un profit qui pourrait être, dans ce cas-là, un pouvoir d’influence à l’échelle nationale ou internationale.

En revanche, il paraît plus pertinent d’associer à l’État démocratique idéal-typique – au service de l’intérêt général – le sens responsabilisant voire obligeant du mot « affaire » comme dans l’expression « affaire de famille ».

Dans ce cas, la culture serait un bien, voire un besoin, que l’État doit à ces citoyens. Ces deux cas devront être examinés.

Le concept de la culture quant à lui vient du latin « colere », qui signifie cultiver la terre et par extension l'esprit, il est généralement défini comme l’ensemble des créations de l’esprit de l’homme (les connaissances, l’art, les croyances, la morale…).

Cependant il existe plusieurs acceptions de ce mot qui s’affronte dans des luttes idéologiques.

Il y a le débat entre le concept français de culture héritée des lumières et celui de « Kultur » allemand.

Si le premier pense la culture comme les caractéristiques universelles qui font l’humanité de l’homme, la culture qui s’oppose à la nature.

Le second à l’inverse, raccroche au concept celui du « Volskgeit » - littéralement l’esprit du peuple – qui est l’idée que chaque communauté nationale à une façon unique de pensée hérité de son histoire, un esprit qui – par extension – forme son identité.

Si le caractère ethnocentrée de la première acception a été dénoncé par les anthropologues structuralistes des années 1950, le caractère partial et réducteur du concept d’identité nationale culturelle a été démontré mainte fois.

Dès lors, comment l’État démocratique doit-il supporter la culture pour éviter d’en faire un de ces deux concepts ? Le second conflit sémantique autour du concept de culture voit s’opposer les critiques d’une culture élitiste et ceux qui dénoncent le « tout culture ».

Pour les premiers la culture n’est pas seulement les savoirs valorisés par les classes dominantes mais toutes les savoirs acquis, alors qu’à l’inverse pour les seconds une mise au même niveau de toutes les œuvres de l’esprits reviendrait à nier le caractère culturel des choses, si tout est culture par définition rien ne le serait.

Dans ce cas-là, le caractère démocratique d’un État l’obligerait à rompre avec l’élitisme culturel.

Le pouvoir étant aux peuples – en tout cas à ses représentants – il se devrait de financer une culture inclusive. Cependant la création artistique d’avant-garde semblerait pâtir de ce système, l’aspiration à une culture pour la majorité empêcherait l’émergence d’œuvre novatrice à contre-courant des goûts majoritaires. Ainsi sera questionner les logiques qui poussent l’État à soutenir la culture ainsi que les avantages et les inconvénients que la culture trouve dans cette relation. Si la culture est fondamentalement une affaire d’État puisqu’elle est à l’origine d’une nation, et est un instrument politique clé (I), l’État démocratique à des obligations qui l’obligent à servir la culture autant qu’elle le sert (II). La culture est une affaire d’État dans la mesure où elle à l’origine de l’unité d’une communauté et un instrument pour gouverner. La culture est utilisée par l’État pour lier une communauté sur un territoire derrière une idéologie. Que l’on donne à la nation l’acception allemande ou française, une chose demeure.

Le lien unissant les individus est un lien fortement culturel, une histoire partagée, des valeurs héritées… Lorsque l’État nation se crée en prenant la place de l’État monarchique au XIXe siècle, il construit une histoire, promeut une culture, qui fait office de référent identitaire pour que les citoyens puissent se réunir sous un même concept.

Le récit national français rédigé par E.

Renan et J.

Michelet en est le fruit.

Il permet à l’État de créer un sentiment d’appartenance à ce dernier chez les individus, sentiment qui saura être exploité par l’État.

Louis Ferdinand Céline montre brillamment dans Voyage au bout de la nuit comment l’amour de la patrie est le mécanisme principal qui permet aux gouvernants de circonscrire les jeunes gens.

Pour paraphraser G.

De Maupassant : "Si la guerre est une chose horrible, le patriotisme ne serait-il pas l'idée-mère qui l'entretient ?".

La culture est ainsi instrumentalisée par l’État pour servir une idéologie.

L’exemple totalitaire le montre.

Aucun État n’a plus fait de la culture son affaire que l’Allemagne Nazi, et l’Italie fasciste.

Par un contrôle total de toutes les créations artistiques et intellectuelles, les régimes totalitaires ont légitimé leur idéologie, et fanatisé leur citoyen. Mais la culture est aussi une nécessité vitale pour la bien-portante d’une démocratie. L’idée même de la démocratique – un pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple – suppose que ce même peuple soit capable de comprendre les logiques inhérentes à l’exercice du pouvoir, et qu’il soit en mesure de ne pas être manipulé.

Rappelons que l'élection au suffrage universel n’engage pas une démocratie, les régimes fascistes et nazis des années 1920’s et 1930’s ont élus par les citoyens.

La culture aurait donc une importance dans son caractère émancipateur.

Permettant de développer l’esprit critique, un accès à cette dernière serait essentiel pour que le citoyen soit indépendant et libre de choisir ses représentants sans être manipulé par les rhétoriques populistes des candidats.

C’est en pensant cela, en estimant qu’un des remparts au fascisme était de permettre au peuple d’accéder à la culture savante, qu’André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, créa les maisons de la culture en 1961.

Des lieux d’expositions financés par l’État qui permettraient selon lui de « rendre accessible les œuvres capitales de l'humanité au plus grand nombre de Français ». La culture permet aussi d’acquérir un pouvoir d’influence à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Kant parlait dans sa troisième critique, Critique de la faculté de juger, de l’universalité du beau comme de ce qui permettait l’imposition d’une morale universelle.

C’est aussi ce que pensait Leon Battista Alberti dans son traité d’architecture L’art d’édifier paru en 1485.

Ce dernier, partant du principe que la beauté de l’architecture était le rempart contre la destruction des villes par les envahisseurs, pensait la beauté de l’art comme ayant capacité à soumettre l’homme à quelque chose de plus grand que lui, de transcendant.

Il est vrai que l’art fut longtemps un moyen de légitimer le pouvoir du Roi.

Aujourd’hui encore l’on rattache à François 1 l’image d’un roi cultivé qui aimait les arts, acteur principal de la renaissance française.

Louis XIV aussi est rattaché à un courant artistique, le classicisme.

Les deux furent de grands mécènes et subventionnèrent les artistes de leurs époques.

Ce mécénat jamais désintéressé permettait d’orienter le travail des artistes qui glorifiait le souverain, et de s’afficher comme cultivé et vertueux.

Des caractéristiques affirmées par tous les moyens à une époque où la légitimation du pouvoir passait par l’exaltation des qualités du prince.

Cette faculté de l’art servit aussi les gouvernements plus démocratiques.

Dans son ouvrage Conjurer la peur, P.

Boucheron montre comment la Fresque du bon gouvernement peinte par Ambrogio Lorenzetti en 1339 servit à influencer la population.

Commandé par le conseil des six (organe politique principale de la République de Sienne), elle met côte à côte une allégorie du.... »

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