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La IIIe Internationale par Hélène Carrère d'Encausse Maître de Recherche à la

Publié le 05/04/2015

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La IIIe Internationale par Hélène Carrère d'Encausse Maître de Recherche à la Fondation Nationale des Sciences Politiques De même l'arrivée au pouvoir des bolcheviques en Russie en octobre 1917 a été en grande partie l'oeuvre de Lénine, de même l'Internationale a été, dans son existence et dans ses formes, le fruit de la volonté et des conceptions révolutionnaires léninistes. La Première Guerre mondiale avait vu sombrer la IIe Internationale dans une ferveur patriotique où dirigeants et militants socialistes découvrirent soudain que la solidarité nationale et la défense de la terre natale leur importaient infiniment plus que les liens internationaux de la classe ouvrière. Presque seul dans ce climat nationaliste, Lénine ose soutenir que l'effondrement militaire de son pays servira les intérêts des travailleurs, qu'il faut partout tirer profit de la guerre pour accélérer les révolutions. Et considérant le discrédit de la IIe Internationale, dès septembre 1914 il proclame que la IIIe Internationale doit prendre la relève et accomplir l'oeuvre révolutionnaire que l'opportunisme socialiste condamnait à une attente perpétuelle. Jusqu'en 1919, l'appel de Lénine reste confiné au domaine des intentions. Tenu longtemps pour un extrémiste qui divise le mouvement ouvrier, il n'acquiert le pouvoir de parler au nom de ce mouvement qu'après la Révolution d'Octobre. Soudain, tout l'ordre antérieur bascule. La révolution russe témoigne que le temps des révolutions est venu. Elle témoigne aussi du rôle que peuvent et que doivent jouer des organisations révolutionnaires efficaces, conçues dans la perspective de la prise de pouvoir. Pour Lénine, la révolution russe n'a été que l'étincelle destinée à embraser le monde. Pour qu'elle ait un sens, pour qu'elle soit autre chose qu'un moment historique glorieux, la révolution doit s'étendre sans tarder dans le reste de l'Europe. Dès lors la création d'une nouvelle Internationale s'impose. L'appel lancé par Lénine en 1914 " longue vie à la IIIe Internationale " est resté sans écho pendant près de quatre ans. Qu'est-ce qui, soudain, justifie que la création de la IIIe Internationale mobilise l'attention des bolcheviques ? Lénine a pour cela des raisons profondes et des raisons tactiques. Raison profonde : l'imminence de la révolution. Il a la conviction que l'effervescence qu'il discerne en Hongrie, en Allemagne, est révolutionnaire ; qu'il s'agit là du développement de la révolution commencée en Russie. Ces révolutions naissantes doivent être aidées et étendues grâce à un instrument révolutionnaire mondial. Raison tactique aussi. Lénine voit venir avec appréhension la conférence socialiste internationale convoquée en Suisse pour le début de 1919. Il craint que l'Internationale " opportuniste ", renaissante, ne divise le mouvement ouvrier, n'attire de son côté une partie des forces sociales qu'il faut mobiliser pour l'effort révolutionnaire. De même qu'il a forgé son parti en divisant la social-démocratie russe, en séparant ceux qui, comme lui, voulaient forcer l'histoire, de ceux qui voulaient lui laisser suivre son rythme normal, de même en 1919 veut-il arracher à la vieille Internationale ses forces révolutionnaires, et la confiner dans le rôle d'une organisation réformiste, étrangère au mouvement révolutionnaire qui se déploie. Si, à la fin de 1918, Lénine s'acharne soudain à précipiter la mise en place de la IIIe Internationale, c'est qu'il entend, au moment où s'ouvrira la conférence socialiste, avoir en main l'instrument de sa dislocation. De fait, invités à se joindre à la conférence de Berne (février 1919), les bolcheviques répondent par un refus brutal. Ils n'assisteront pas à une conférence qui représente d'autant moins le mouvement ouvrier que, disent-ils, la IIIe Internationale existe déjà. Et ils invitent tous les partis ouvriers à suivre leur exemple (Pravda, 24 décembre 1918). La réponse des bolcheviques anticipe pourtant sur la réalité et dissimule les problèmes que pose la création de l'Internationale. En 1918, Lénine croit fermement à l'imminence des révolutions et tout d'abord de la révolution allemande. Parce qu'il sait l'importance de cette dernière, il pense que le lieu le plus favorable pour fonder l'Internationale est Berlin. Il doit aussi être sûr de l'accord des révolutionnaires allemands, les Spartakistes, conduits par Rosa Luxemburg. C'est ici que surgissent les difficultés. Comme Lénine, Rosa Luxemburg est convaincue qu'un mouvement révolutionnaire international doit exister. Mais elle est en désaccord avec la procédure que propose Lénine. Deux points lui semblent essentiels. Diviser le mouvement ouvrier à l'heure des révolutions signifierait dresser contre lui une partie des socialistes et par là l'affaiblirait. Elle se refuse pour cela à faire de la Ligue Spartakiste un mouvement à l'image du parti bolchevique, coupé de l'ensemble du mouvement socialiste. Sans doute, dit-elle, dans le cours des événements, des partis communistes, détachés des partis socialistes, réformistes, doivent se former et constituer le fondement d'une Internationale nouvelle. Mais ce que Rosa Luxemburg refuse, c'est de forcer les événements et d'inverser l'ordre dans lequel ils se présentent. La séparation entre partis socialistes et communistes ne peut découler d'une décision de principe. Elle doit reposer sur l'existence de partis communistes viables et être faite à un moment opportun. De même la fondation de l'Internationale doit avoir pour préalable l'existence de partis communistes et non les précéder. Or, en 1918, hormis le Parti bolchevique, les partis<...

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