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LES SCIENCES DE LA NATURE AU XVIIIe siècle

Publié le 28/06/2011

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La science serait celle de la nature ; et en effet, l'histoire naturelle fut mise au premier rang, la géométrie au second. Certes, beaucoup continuèrent à se délecter des mathématiques, considérées comme le plus bel exercice de la raison, le plus clair, le plus solide et le plus méthodique. L'Europe ne manqua pas tout d'un coup de mathématiciens illustres : ils abondèrent encore. Il y aura toujours au monde des gens semblables à ce M. de Lagny dont on nous raconte l'histoire ; comme il était mourant, et qu'on lui disait en vain les choses les plus tendres, M. de Maupertuis survint et se fit fort de le faire parler. « M. de Lagny, le carré de douze ? — Cent quarante quatre «, répondit le malade d'une voix faible ; et puis il ne dit plus mot.

« fondée en 1725; l'Académie de Stockholm, fondée en 1739; la Société Royale de Copenhague, fondée en 1745;cependant que l'Institut de Bologne, l'Académie des Sciences de Paris, la Royal Society de Londres, ces douairières,soutiennent leur tradition, chaque compagnie tenant à honneur d'associer les étrangers à ses travaux.

C'est unemarque d'estime, et vivement souhaitée, que d'être discuté devant leur tribunal; en 1746, Voltaire ayant écrit uneDissertation sur les changements arrivés dans notre globe et sur les pétrifications qu'on prétend en être encore lestémoignages, l'adresse en italien à l'Institut de Bologne, en anglais à la Société Royale de Londres; encore seproposait-il de la mettre en latin, pour l'envoyer à l'Académie de Saint-Pétersbourg.

En 1735, cette dernière avaitoffert des ouvrages à l'Académie de Lisbonne, dont le président était alors le vieux comte d'Ericeira, le même qui,jadis, avait traduit Boileau.

Le comte prononce un discours de remerciement, encore tout plein de phrasesredondantes et fleuries; il parle de la reine de Saba, de la Sibylle de l'Orient qui, des glaces du Septentrion, aexpédié, écrits sur des feuilles d'or, les ouvrages de ses académiciens, mais il parle aussi de Bacon, du subtilissimeRené Descartes, qui a su allier l'algèbre à la géométrie; de Newton, le plus grand philosophe de l'Angleterre, qui adémontré ce qui est démontrable en philosophie naturelle, et dont les principes sont très justement suivis.

A la foisles vieilles figures de rhétorique et l'expression du goût nouveau.Le mouvement est double : une expansion, une volonté qui pousse les chercheurs à sortir de leur province, de leurroyaume, de leur continent, pour conquérir peu à peu tout le créé : Catalogus plantarum quibus consitiis est Pataviiamœnissimus hortus ; Flora Noribergensis, Botanicon parisiense ; Hortus uplandicus, Flora lapponica, Historianaturalis curiosa regni Poloniae, The Natural History of England ; Flora cochinchinensis....

Comme on pressentencore l'existence de quelques terres inconnues, les vaisseaux qui partent à la découverte prennent à bord desnaturalistes, qui rapporteront en Europe des exemplaires d'une flore et d'une faune qui jusqu'alors s'étaient cachéesaux hommes.

A mesure que l'enquête s'étend, le nombre des espèces végétales et animales s'accroît démesurément,on n'arrive plus à les compter, les chiffres qu'on inscrit aujourd'hui deviendront faux demain : on est comme débordépar ces apports incessants; la vie, l'immense vie, bouleverse les notions qu'on avait d'elle.

En même temps seproduit une concentration : les plus curieux de ces curieux s'enferment entre quatre murs et appellent à eux cettemême vie prolifique.

Ils se livrent à des opérations mystérieuses, découpent, dissèquent, regardent dans desmicroscopes, agitent des flacons où ils ont enfermé d'étranges substances : le savant de laboratoire est né.Pauvres laboratoires, qui manquent souvent des instruments les plus simples; chercheurs mal équipés, qui hésitent àquitter leurs habits de velours et à retrousser leurs manches de dentelles, mais qui n'en commencent pas moins àvivre l'épopée de l'expérimentation.Alors apparurent, comme en série, les noms dont chacun demeure attaché au souvenir d'une victoire : enastronomie, la lignée des Cassini; en géologie, Jean Gottlob Lehman et Horace Bénédict de Saussure; en botanique,Charles de Linné, et les premiers des cinq Jussieu; en entomologie, René-Antoine Ferchault de Réaumur, CharlesBonnet; en physique, Guillaume-Jacob S'Gravesande, Léonard Euler, Alessandro Volta; en physiologie, HermannBoerhave, Friedrich Hoffmann, Albrecht von Haller, Gaspar-Friedrich Wolff, Lazzaro Spallanzani, Georg-Ernst Stahl,Joseph Priestley, Charles-Guillaume Scheele : souvent c'est à tort qu'on les confine dans une spécialité : tout sedécouvrait à la fois.

Evoquons, faute de les nommer tant qu'ils sont, les figures légendaires : un Galvani, provoquantles contractions musculaires des grenouilles écorchées ; un Lavoisier, devant ses tubes et ses cornues, grave etbeau.Ils appartenaient aux pays les plus divers, n'en étant guère qui n'eût délégué quelques-uns de ses représentants àla grande œuvre; à vrai dire ils ne formaient qu'une seule nation au milieu des nations.

Ses sujets continuaient leurtravail même au milieu des guerres; même dans les moments où les communications étaient les plus difficiles, ils sefaisaient des signaux; ils se contrôlaient les uns les autres, ils s'approuvaient, ils se félicitaient.

Telle était larépublique idéale des savants.Ce n'était pas si facile.Les ambitions étaient trop vastes; on répétait qu'on ne pouvait progresser qu'avec des semelles de plomb ; mais onpartait d'un élan si joyeux, qu'on croyait avoir des ailes; et on se lançait dans des projets démesurés, pourcommencer; comme celui qu'engagea, l'année 1719, la jeune Académie de Bordeaux : rien de moins que l'histoire dela terre et de tous les changements qui s'y sont produits, tant généraux que particuliers, soit par les tremblementset les inondations, ou par d'autres causes ; avec une description exacte des progrès de la terre et de la mer, de laformation ou de la perte des îles, des rivières, des montagnes, des vallées, lacs, golfes, détroits, caps, et de tousleurs changements; des ouvrages faits de main d'homme qui ont donné une nouvelle face à la terre...

Les mémoiresdevaient être envoyés à M.

de Montesquieu, président à mortier au Parlement de Guyenne, qui en payerait le port.M.

de Montesquieu eut-il beaucoup à payer ? Jamais le projet ne s'exécuta.Des prodiges on ne voulait plus.

Mais on avait peine à se détacher du merveilleux, surtout au début, lorsque laméthode n'était pas encore assurée.

Des hypothèses on ne voulait plus.

Mais qu'il était commode d'en produire une,chaque fois qu'on se trouvait embarrassé! La peste ravage Marseille et la Provence : qu'est-ce que la peste etcomment se répand-elle ? Elle n'est pas contagieuse, ce serait une absurdité noire que de le soutenir.

Elle estcontagieuse, mais seulement à la façon d'une épidémie; et celle-ci vient de la mauvaise nourriture.

Elle estcontagieuse par les plaies, par les urines, par la transpiration; et donc par les matelas, par les hardes, par tout ceque le malade a touché.

Quelle est sa nature ? Elle consiste en miasmes, en particules gorgoniques, en particulesd'antimoines, en vermisseaux qui, le matin, nagent comme des poissons, à midi volent comme des oiseaux, etmeurent le soir; elle consiste en insectes qui s'insinuent par les plus petits trous de la peau, surtout en hiver parcequ'ils sont frileux.

Comment la guérir ? Par le café.

Par l'eau prise en abondance Par des boissons acides, commel'ont commandé les maîtres d'autrefois.

Par des décoctions de racine de scorsonère, auxquelles on ajoutera desgouttes de jus de citron ou d'esprit de soufre.

Par de la teinture d'or, de l'essence émétique, des potions cordiales,des pilules purgatives, des sudorifiques.

Sur les bubons, des cataplasmes, ou des pierres à cautère qu'on laisserapendant plusieurs heures.

Lyon, Montpellier, Paris, Zurich, Londres, se disputèrent; et les malades mouraienttoujours.Il ne suffisait pas de maudire l'esprit de système pour s'en débarrasser.

On s'en prenait au plus difficile, au problème. »

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