Lysippe vers 390-310 av.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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A travers la carrière de Lysippe, toujours intensément productrice, on pourrait distinguer
soit les œ uvres qui évoquent les dieux, soit celles qui consacrent la gloire des guerriers et
des athlètes, ou les types animaux, etc.
Mais ces catégories se mêlent, et leur chronologie
montre que Lysippe a associé constamment toutes les sortes de commandes.
Il n'a pas
participé à de grandes entreprises monumentales, temples ou mausolées.
C'est le sculpteur
de l'homme fort en action, un “ professeur d'énergie ”, eût-on dit au siècle de Taine et de
Barrès.
Avant même le Pélopidas de Delphes, il est possible que l'effigie du pancratiaste
Philandridas (victorieux en 372 ou 368) et celle de Troïlos , olympionique de 368, aient été
déjà confiées au jeune maître sicyonien, à qui nous devrons le “ canon ” de l' Apoxyomène ,
révision de celui du Doryphore .
Les modèles polyclétéens imposaient encore leurs
conventions après un siècle, même si l'on s'étonnait enfin de leur carrure un peu massive.
Avec l' Agias et l' Apoxyomène , un nouvel aspect de la force et de la beauté humaines a
remplacé l'idéal statique du premier classicisme.
Le corps est plus svelte, la tête plus petite,
comptant pour un huitième à peine dans la stature totale.
Les pieds de l' Apoxyomène ont
beau poser au sol à plat, une vibration annonciatrice, sinon un mouvement, déjà se
dessine.
L'athlète a l'air de vouloir changer son équilibre, tandis que le bras tendu, jeté en
avant pour la man œ uvre du strigile qui va libérer le corps et les membres de la poussière
huileuse et de la sueur, sort brusquement, dirait-on, à l'avant, du plan de la statue.
Il est
impossible de concevoir une forme plus animée dans tous les sens de l'espace : selon les
trois dimensions.
Peu à peu, la vie a vaincu la matière.
De tous les points où le spectateur
des statues de Lysippe peut se placer, il saisit un mouvement qui se prépare ou se déplace,
des raccourcis qui fuient devant ses yeux et l'obligent à penser au libre jeu d'un être
magiquement vivant sous l'air libre.
Suprême réussite, mais propre, dirait-on, à
décourager tout l'avenir.
En fait, la sculpture hellénistique a pu trouver d'autres nouvelles
poses ; elle a, du moins, longtemps gardé complaisamment les attitudes chères à Lysippe :
le Poseidon penché sur la mer, de Corinthe, au pied surélevé, et qui, à l'improviste, semble
scruter la muette profondeur des flots ; l' Hermès messager rattachant sa sandale pour
bondir à l'appel de Zeus ( Jason du Louvre, du British Museum : Landsdowne House).
Ce
sont là d'autres combinaisons de lignes, non moins audacieuses : car le corps semble se
ramasser pour l'élan, tandis que les jambes se plient ou s'allongent, et que les bras agissent
souvent en contraste ; torse et épaules plongent en avant, pour marquer le repos
interrompu ; la tête, qui a tout animé, se détourne, les oreilles écoutant nerveusement
l'ordre qui meut subitement tout le corps.
La statuaire praxitélienne avait été celle du repos
nonchalant.
Lysippe — quoiqu'il ait fait lui-même des figures détendues, comme l' Hermès
assis de Naples-Herculanum — se complaît surtout à l'action instantanée et réaliste.
L' Apoxyomène montre une chevelure en désordre, humide et comme poissée par la sueur
de la palestre.
Qu'on est loin des athlètes tranquilles, à la parade ! Alexandre, ce
conquérant insatisfait d'un monde qui sitôt lui échappe, laisse aussi deviner dans sa
coiffure dérangée, le vent de la vaine bataille épique qui l'entraîne jusqu'au c œ ur de l'Asie.
On ne peut tout dire ici, en trop peu de mots.
Mais, à propos d'Alexandre encore, et de son
portrait “ officiel ”, à propos de ce chef-d' œ uvre que fut, semble-t-il, l' Alexandre à la lance
créé à Ephèse — et n'oublions pas que jusqu'à Rhodes, Tyr et en Égypte, Lysippe drainait
partout en quelque sorte les aspects des dieux locaux pour les associer à la fortune
d'Alexandre ! — le Sicyonien, indépendant et têtu, n'a jamais consenti à magnifier son
royal modèle autrement qu'avec les moyens les plus terrestres.
Il a évité ainsi le portrait
d'apothéose, et il a retardé les aspects figés, frontaux et solennels des effigies impériales.
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