Marie Desmares, dite la Champmeslé 1642-1698 Lorsque deux ou trois siècles ont passé sur la gloire d'un acteur, il ne nous reste que des doutes, à nous, quant au talent tant vanté, ou bien la commodité d'y croire de confiance.
Publié le 05/04/2015
Extrait du document
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comme il l'avait été de la Du Parc, morte en 1668 et qu'il avait pleurée, mais enfin assez
attaché pour que Madame de Sévigné écrive sans sourciller : “…Racine fait des comédies
pour la Champmeslé, ce n'est pas pour les siècles à venir.
Si jamais il n'est plus jeune et
qu'il cesse d'être amoureux, ce ne sera plus la même chose… ” Prédiction qui ne se révéla
pas si fausse : on a lu ci-dessus la liste des auteurs qu'illustra Marie lorsque Racine, après
la cabale de Phèdre , se fut retiré.
Mais il entra aussi dans cette retraite, outre tout ce que l'on
en sait et dit, une déception amoureuse qui a sa place ici.
À la plus tendre amour, elle fut destinée
Qui prit longtemps Racine dans son c œ ur ;
Mais par un insigne malheur
Le Tonnerre est venu qui l'a dé-Racinée.
Ainsi, la Champmeslé se livra-t-elle assez impétueusement au grand nom et au pouvoir
amoureux du comte de Clermont-Tonnerre.
Oui ou non, la peine que put infliger à
l'écrivain cette trahison fut-elle déterminante dans sa décision de se retirer ?
Il est difficile de le croire.
Cette liaison n'avait pas les allures qui font les grandes
souffrances.
Considérons ce que nous savons de la vie amoureuse de Marie Desmares :
nous n'éprouvons pas un sentiment bien pathétique.
Un mari complaisant, des amis
joyeux, l'argent facile, le goût de préserver son ménage : pas de drames là-dessous.
Mme de Sévigné donne d'amusants détails sur l'amourette qui lia un moment son fils
Charles à la Champmeslé.
Le jeune Sévigné partageait alors ses faiblesses entre les
cinquante et un ans de Ninon de Lenclos et la fraîche trentaine de l'actrice ; il hésitait.
Des
lettres du printemps 1771 nous livrent les secrets de ces incertitudes :… “ Votre frère est à
St-Germain, et il est entre Ninon et une comédienne, Despréaux sur le tout ; nous lui
faisons une vie enragée.
Dieux ! Quelle folie ! ” Et dix jours plus tard : “ Il y a de plus une
petite comédienne, et les Despréaux et les Racine avec elle ; ce sont des soupers délicieux,
c'est-à-dire des diableries.
” Puis voici une plus scabreuse histoire : il semble que, dans les
bras de notre actrice, Charles de Sévigné ait connu une de ces défaillances de l'éloquence
amoureuse qui humilient même les vieillards… Viennent ensuite des affaires de lettres
dérobées, “ chaudes et passionnées ”, inspirées à Charles par Marie, puis rendues, remises
ensuite à Ninon qui menaçait de les donner à lire à un autre amant, — Racine peut-être…
Ah, non ! Tout cela ne sent guère l'amour.
Seulement l'alcôve.
Si l'on pense que le mari, lui,
contemplait, acceptait, partageait, et Racine comme lui, et La Fontaine et Boileau comme
eux, on sera vite un peu éc œ uré.
Enfin, le jeune Sévigné quitte la Champmeslé.
Voici ce
qu'en écrit sa mère : “ Il a quitté la comédienne, après l'avoir aimée par-ci, par-là.
Quand il
la voyait, (…) c'était de bonne foi ; un moment après, il s'en moquait à bride abattue.
” Le
ton, heureusement, est moins désobligeant quand il s'agit de choses sérieuses, théâtre et
talent.
Sur celle qu'elle appelle drôlement “ ma belle-fille ”, ou “ la petite Chimère ”, ou “ la
Princesse ”, Mme de Sévigné ne tarit pas d'éloge.
1680-1698 : la Champmeslé est installée.
Non seulement arrivée, mais installée.
Les trois
troupes parisiennes ont donné naissance à la Comédie-Française et là, Marie Desmares est
une grande dame.
Déjà, en 1679, l'Hôtel Guénégaud a vu ses bénéfices doubler après avoir
accueilli l'actrice : c'est cette même année que les Champmeslé ont gagné, à eux deux,.
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