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Marie Desmares, dite la Champmeslé 1642-1698 Lorsque deux ou trois siècles ont passé sur la gloire d'un acteur, il ne nous reste que des doutes, à nous, quant au talent tant vanté, ou bien la commodité d'y croire de confiance.

Publié le 05/04/2015

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Marie Desmares, dite la Champmeslé 1642-1698 Lorsque deux ou trois siècles ont passé sur la gloire d'un acteur, il ne nous reste que des doutes, à nous, quant au talent tant vanté, ou bien la commodité d'y croire de confiance. Même les réputations de beauté, qui sont pourtant contingentes et trompeuses, se vérifient plus aisément : il y a toujours des portraits ! La Champmeslé fut-elle une grande tragédienne ? On peut au moins répondre que les témoignages favorables sont plus convaincants que les autres. Mais enfin, le vrai coup de chance de l'actrice ne fut pas là. Son nom n'aurait pas traversé deux cent cinquante années, si pendant quelque sept ans, Racine et elle n'avaient pas vécu un de ces attachements d'auteur à interprète, où les sentiments ne font pas toujours l'essentiel. On a tôt fait de parler d'amour ! Même à travers le temps, une grande affaire romanesque, un sentiment qui brûla et déchira deux vies, cela se reconnaît. Rien de tel entre Racine et la Champmeslé, semble-t-il. La petite actrice normande a survécu dans les mémoires, grâce à ce hasard : Racine se prit de goût pour elle (après l'avoir applaudie dans Hermione : c'est déjà la bonne mécanique théâtrale qu'il appréciait...) et c'est à côté d'elle -- disons même " pour elle " -- qu'il écrivit " Bérénice, Bajazet, Mithridate, Iphigénie " et Phèdre. Mais pour ses contemporains, la Champmeslé fut tout aussi bien l'interprète idéale de Pradon, La Chapelle, Catherine Bernard, La Grange-Chancel, Longe-pierre, l'abbé Boyer ou La Fosse. Dans cette incertitude, choisissons donc de parier sur le talent, et gageons que la Champmeslé en était comblée. Marie Desmares naquit à Roue...

« comme il l'avait été de la Du Parc, morte en 1668 et qu'il avait pleurée, mais enfin assez attaché pour que Madame de Sévigné écrive sans sourciller : “…Racine fait des comédies pour la Champmeslé, ce n'est pas pour les siècles à venir.

Si jamais il n'est plus jeune et qu'il cesse d'être amoureux, ce ne sera plus la même chose… ” Prédiction qui ne se révéla pas si fausse : on a lu ci-dessus la liste des auteurs qu'illustra Marie lorsque Racine, après la cabale de Phèdre , se fut retiré.

Mais il entra aussi dans cette retraite, outre tout ce que l'on en sait et dit, une déception amoureuse qui a sa place ici. À la plus tendre amour, elle fut destinée Qui prit longtemps Racine dans son c œ ur ; Mais par un insigne malheur Le Tonnerre est venu qui l'a dé-Racinée. Ainsi, la Champmeslé se livra-t-elle assez impétueusement au grand nom et au pouvoir amoureux du comte de Clermont-Tonnerre.

Oui ou non, la peine que put infliger à l'écrivain cette trahison fut-elle déterminante dans sa décision de se retirer ? Il est difficile de le croire.

Cette liaison n'avait pas les allures qui font les grandes souffrances.

Considérons ce que nous savons de la vie amoureuse de Marie Desmares : nous n'éprouvons pas un sentiment bien pathétique.

Un mari complaisant, des amis joyeux, l'argent facile, le goût de préserver son ménage : pas de drames là-dessous. Mme de Sévigné donne d'amusants détails sur l'amourette qui lia un moment son fils Charles à la Champmeslé.

Le jeune Sévigné partageait alors ses faiblesses entre les cinquante et un ans de Ninon de Lenclos et la fraîche trentaine de l'actrice ; il hésitait.

Des lettres du printemps 1771 nous livrent les secrets de ces incertitudes :… “ Votre frère est à St-Germain, et il est entre Ninon et une comédienne, Despréaux sur le tout ; nous lui faisons une vie enragée.

Dieux ! Quelle folie ! ” Et dix jours plus tard : “ Il y a de plus une petite comédienne, et les Despréaux et les Racine avec elle ; ce sont des soupers délicieux, c'est-à-dire des diableries.

” Puis voici une plus scabreuse histoire : il semble que, dans les bras de notre actrice, Charles de Sévigné ait connu une de ces défaillances de l'éloquence amoureuse qui humilient même les vieillards… Viennent ensuite des affaires de lettres dérobées, “ chaudes et passionnées ”, inspirées à Charles par Marie, puis rendues, remises ensuite à Ninon qui menaçait de les donner à lire à un autre amant, — Racine peut-être… Ah, non ! Tout cela ne sent guère l'amour.

Seulement l'alcôve.

Si l'on pense que le mari, lui, contemplait, acceptait, partageait, et Racine comme lui, et La Fontaine et Boileau comme eux, on sera vite un peu éc œ uré.

Enfin, le jeune Sévigné quitte la Champmeslé.

Voici ce qu'en écrit sa mère : “ Il a quitté la comédienne, après l'avoir aimée par-ci, par-là.

Quand il la voyait, (…) c'était de bonne foi ; un moment après, il s'en moquait à bride abattue.

” Le ton, heureusement, est moins désobligeant quand il s'agit de choses sérieuses, théâtre et talent.

Sur celle qu'elle appelle drôlement “ ma belle-fille ”, ou “ la petite Chimère ”, ou “ la Princesse ”, Mme de Sévigné ne tarit pas d'éloge. 1680-1698 : la Champmeslé est installée.

Non seulement arrivée, mais installée.

Les trois troupes parisiennes ont donné naissance à la Comédie-Française et là, Marie Desmares est une grande dame.

Déjà, en 1679, l'Hôtel Guénégaud a vu ses bénéfices doubler après avoir accueilli l'actrice : c'est cette même année que les Champmeslé ont gagné, à eux deux,. »

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