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14 Banlieue parisienne, Guyancourt, dans les Yvelines.

Publié le 06/01/2014

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14 Banlieue parisienne, Guyancourt, dans les Yvelines. Jonathan, onze ans, entendait profiter le plus possible de son week-end. Sur son vélo, il pédalait comme un dératé. Derrière, Romain s'épuisait à rester dans sa roue. Il était plus potelé mais endurant. Dans l'après-midi, ils avaient joué à faire exploser deux paquets de pétards. La boîte aux lettres d'une vieille grincheuse avait fumé jusqu'à ce qu'elle débarque avec son balai dans l'allée en vociférant. Leurs parents n'aimaient pas les savoir en vadrouille, et exigeaient qu'ils rentrent avant la nuit. Ce soir-là, Romain dormait chez Jonathan. Dans le panache de poussière produit par un ultime dérapage, Jonathan leva le poing du vainqueur. Il se trouvait près du dernier lampadaire de la rue, en bordure d'un lotissement en construction. Jonathan descendit de son vélo pour s'adosser à un mur de parpaings, comme s'il avait dû patienter avant l'arrivée du perdant. -- Alors, c'est qui le plus rapide ? lança-t-il à son copain. -- Encore cinq cents mètres et je te mettais minable. T'étais au bout du rouleau, mon pote. -- C'est ça, toujours les bonnes excuses, répliqua Jonathan hors d'haleine. Romain poussa un petit bouton sur sa montre. Une lumière fluorescente éclaira le cadran : vingtdeux heures huit minutes. -- C'est terminé pour aujourd'hui, dommage. -- Oh, ça va, ils vont pas nous tuer. Il nous reste encore du temps. -- Cause pour toi... J'ai intérêt à me tenir à carreau, répliqua Romain. -- Moi aussi, ça a bardé. Ma mère est allée voir ma prof principale, il paraît que si elle n'avait pas insisté, je repiquais ma sixième. Romain cognait par intermittence le pneu avant de son vélo sur le pied du lampadaire. -- Avec un peu de chance, on sera dans la même classe l'an prochain. Dans mon cas, ma mère n'a rien eu à dire. C'était pas une surprise, toute l'année j'ai été avant-dernier. Ça aurait été un accident que je passe en quatrième. Ils rirent de bon coeur. Romain se tourna vers le chantier, clos par des barrières mobiles. -- Allez, une dernière avant de rentrer... T'as vu le lotissement, en deux minutes on en fait le tour. -- Moi, je te dis que t'as plus rien dans les jambes et que je vais te mettre la honte ! Jonathan partit sur la route et traça la ligne de départ. -- On n'y voit plus grand-chose, mais t'as tort de me provoquer, dit-il. -- Je te fais une proposition : on file chacun de son côté, tu prends à droite des maisons, je prends à gauche, le premier revenu ici a gagné. -- Et pourquoi c'est toi qui prends à gauche ? -- OK, on tire au sort, dit Romain. Il prit un gros caillou, cacha ses mains derrière son dos et les replaça devant lui. -- Si tu as le caillou, tu choisis, lança-t-il. Jonathan inspecta les poings que lui tendait son ami. -- Arrête de tricher, tu te décides, vite ! -- Main droite ! fit Jonathan. La main s'ouvrit, vide. -- Fais voir l'autre ! Sans surprise. -- T'es vraiment parano, toi. -- Bon, en selle. Je pars à droite. Tu comptes, et à trois on y va. -- Un, deux, trois... GO ! Les silhouettes disparurent de part et d'autre du chantier, dans l'obscurité quasi totale. Romain plissait les yeux pour anticiper les obstacles. Sa pédale heurta un bidon rouillé qui faillit l'envoyer par terre. De son côté, Jonathan cherchait un passage qui raccourcirait le circuit. En coupant entre ces deux semelles de béton, en contrebas, il gagnerait du temps. Il s'engagea dans la pente mais prit trop de vitesse et dut s'appuyer sur un poteau pour ralentir sa chute. Le vélo bascula alors dans un trou après que Jonathan eut roulé au sol. Des bruits métalliques se firent entendre au fond de l'excavation. Romain stoppa sa course et rappliqua. -- Jo, ça va ? cria-t-il. L'autre sautait sur place comme un possédé en se prenant la tête. -- Merde, arrête, Jo, c'est flippant ! -- Whaaaa... J'ai failli me tuer, moi. -- C'est malin de vouloir prendre les raccourcis. -- Oh, ça va... Aide-moi plutôt à récupérer mon vélo. Mon père va me démonter si je le ramène pas. Les deux garçons se penchèrent au bord du cratère. Romain prit un air effaré et s'écria : -- Mon gars, t'as failli faire le grand saut ! Dis donc, c'est pas gagné pour récupérer ton engin... C'est la grosse barre métallique qui a fait tout ce raffut. Jonathan, vexé par sa chute, se risqua à descendre dans l'obscurité avec mille précautions pour dégager le vélo. Il l'attrapa par la roue arrière et tira de toutes ses forces. Sans succès. Romain lui vint en aide. À la troisième tentative, le vélo fut extrait de l'enchevêtrement de fers dans un craquement sinistre. Jonathan se penchait pour tenter d'examiner les dégâts quand une odeur pestilentielle lui sauta à la gorge. Il toussa, avec une violente envie de vomir. -- Barrons-nous d'ici, y a une bête crevée, ça chlingue... Jonathan poussa son vélo dans la pente pour sortir du trou. Ce n'était pas une mince affaire car la roue voilée ne tournait plus. -- Des rayons ont dû se tordre. Approche ta montre, que je voie ce que je peux faire. Romain s'exécuta en faisant la grimace. -- Ça pue encore, beurk ! Il dirigea le halo fluorescent vers la roue arrière. Jonathan s'était collé à lui. Deux hurlements retentirent. Une main décharnée était prise dans les rayons et semblait demander de l'aide. 15 Un véhicule de police stationnait devant le chantier, gyrophares allumés. Deux officiers du service d'identité judiciaire, munis de torches, exploraient le secteur. Près du fourgon, Jonathan et Romain, livides, répondaient aux questions d'un policier qui consignait leurs déclarations. Les parents étaient présents. Un talkie-walkie se mit à grésiller. L'officier Josse s'en saisit pour répondre à l'appel. -- La soirée va être plus longue que prévu, dit-il. C'est pas beau à voir, ici. -- On a quoi ? -- Un corps en très mauvais état. Probablement victime d'une agression. Il s'agit d'une femme. On sécurise le périmètre. -- Faites en sorte de ne pas polluer la scène. Sinon, on va encore s'en prendre. -- Ouais, mais les gamins ont déjà sérieusement amoché le corps en tentant d'extraire leur vélo. -- Des indications sur la victime ? -- Pour ça, oui. Elle s'appelle Julie Davenas, à en croire son bracelet : c'est gravé dessus. -- Davenas, Davenas... Ce ne serait pas la disparue de la semaine dernière ? -- Affirmatif. On va baliser plus large, l'autre n'est peut-être pas loin. -- OK. Pendant ce temps, j'appelle le légiste et je préviens la crim. -- Ils vont être contents, jusqu'ici, ils n'avaient aucun os à ronger ! Le père de Romain s'était rapproché de l'officier. -- C'est un meurtre ? demanda-t-il d'une voix chancelante. -- L'enquête nous le dira. -- Quand vous évoquiez des disparues, vous parliez des femmes dont la presse a publié la photo ? L'officier lui signifia poliment que c'était maintenant l'affaire des autorités judiciaires. Il ne pouvait rien dire de plus. Puis il sortit un carnet de contacts pendant que ses collègues remontaient du trou, et il lança un appel. -- Commandant Morel, j'écoute. -- Bonsoir, désolé de vous déranger à cette heure. Je suis l'officier Josse, de l'IJ de Versailles. C'est bien vous qui êtes en charge de l'enquête sur les disparitions dans l'Essonne ? -- En effet. -- Le légiste est en route. Je crois que l'un de vos colis se trouve ici. -- J'arrive... À peine l'officier eut-il communiqué l'adresse au commandant Morel que celui-ci raccrochait. L'un des policiers sous ses ordres sortait le matériel pour baliser la scène du crime. -- Essaie de contacter le responsable du chantier. D'abord pour lui annoncer qu'il prendra probablement du retard, ensuite parce qu'on a besoin de se raccorder au courant pour l'éclairage. Après une série de coups de fil, l'officier Josse invita les enfants et leurs familles à rentrer chez eux. -- On va vous raccompagner. Trois heures après la découverte du corps, tandis que deux agents de la police scientifique ratissaient la zone, le légiste livrait ses premières observations au commandant Morel. -- Perforation du crâne, éviscération, mutilation des membres, fractures et contusions multiples sur la quasi-totalité du corps. Difficile, en l'état, de savoir comment le meurtrier a procédé, et s'il y a eu viol et sévices avant le décès de la victime. -- Un massacre. Comment a-t-il agi pour enterrer le corps ? -- Il a dû le plier au fur et à mesure qu'il le recouvrait pour assurer un tassement semblable à celui de la terre autour. -- Le décès remonterait à quand ? -- L'autopsie nous l'apprendra, mais à ce stade je pense que ça remonte à cinq ou six jours. Une heure plus tard, le commandant Morel reçut un appel des policiers qui fouillaient le secteur. -- Chef, on a quelque chose. Dans la tranchée, juste devant nous. Leurs torches étaient braquées sur un remblai qui bordait le chantier. -- Cette zone est plus lisse que les autres sur environ deux mètres. On va creuser. En quelques pelletées, ils dégagèrent une partie de la terre recouvrant un second corps, plus abîmé encore que le précédent.

« Jonathan, vexéparsachute, serisqua àdescendre dansl’obscurité avecmilleprécautions pour dégager levélo.

Ill’attrapa parlaroue arrière ettira detoutes sesforces.

Sanssuccès.

Romain luivint en aide.

Àla troisième tentative, levélo futextrait del’enchevêtrement defers dans uncraquement sinistre. Jonathan sepenchait pourtenter d’examiner lesdégâts quanduneodeur pestilentielle luisauta àla gorge.

Iltoussa, avecuneviolente enviedevomir. — Barrons-nous d’ici,ya une bête crevée, çachlingue… Jonathan poussasonvélo dans lapente poursortir dutrou.

Cen’était pasune mince affaire carla roue voilée netournait plus. — Des rayonsontdûsetordre.

Approche tamontre, quejevoie ceque jepeux faire. Romain s’exécuta enfaisant lagrimace. — Ça pueencore, beurk ! Il dirigea lehalo fluorescent verslaroue arrière.

Jonathan s’étaitcolléàlui. Deux hurlements retentirent.Unemain décharnée étaitprise dans lesrayons etsemblait demander de l’aide.. »

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